G. Charpentier et Cie, éditeurs (p. 113-114).
LES FORMES







PLEINE EAU





Rire au matin ; courir dans l’ondoiement des herbes ;
Croire à tout ; secouer au ciel, comme des gerbes,
La rose floraison des gaîtés de vingt ans ;
Être aimé de la vie, et fleurir le printemps ;
Ébaucher un amour dès qu’un hiver s’achève ;
Être de l’avenir enfermé dans du rêve…


Puis, au bercement long des barques, triomphant,
Éclabousser le fleuve avec des cris d’enfant ;
Regarder le sillage ouvrir ses larges trames ;
Faire chanter la mousse au choc brusque des rames ;

.

Et, plus beau qu’un dieu grec, plonger ses flancs nerveux
Dans l’eau verte qui fuit en léchant les cheveux ;
Sentir, comme un toucher d’amantes inconnues,
Le frais baiser des flots glissant sur les chairs nues ;
Descendre…
Et ce soir, loin, les pêcheurs trouveront,
Des nénuphars aux pieds et des algues au front,
Calme et serein, couché, blanc sur la vase brune,
Un corps froid qui sommeille en regardant la lune…