G. Charpentier et Cie, éditeurs (p. 121-123).
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LES FORMES








LA TET


à mademoiselle claire m.



 

Elle coule dans la nuit,
Le long des rocs qu’elle inonde ;
Comme de l’ombre qui fuit,
Elle coule dans la nuit
Qui luit profonde et sans bruit :
Sous la lune calme et ronde,
Elle coule dans la nuit,
Le long des rocs qu’elle inonde.



Elle glisse par-dessus
Les granits qu’elle use et lisse ;
Rasant les saules bossus,
Elle glisse par-dessus
Les galets gras et moussus ;
Harmonieuse elle glisse,
Elle glisse par-dessus
Les granits qu’elle use et lisse.

 
Et vifs, pointillés d’argent,
Les flots dansent tous ensemble,
Changeant au reflet changeant ;
Et vifs, pointillés d’argent,
Ils traînent en l’allongeant
Une lumière qui tremble,
Et vifs, pointillés d’argent,
Les flots dansent tous ensemble.




Sous l’arche unique du pont
L’eau gronde et se creuse un gouffre ;
Rauque, elle roule d’un bond
Sous l’arche unique du pont ;
Un crapaud lointain répond :
C’est la seule voix qui souffre.
Sous l’arche unique du pont
L’eau gronde et se creuse un gouffre.


Puis, joyeuse, elle reprend
Son voyage sous la lune
Qui la suit en s’y mirant.
Puis, joyeuse, elle reprend,
Comme un troubadour errant,
Ses chansons et sa fortune ;
Puis, joyeuse, elle reprend
Son voyage sous la lune.