L’Âme nue/L’Inoubliable

G. Charpentier et Cie, éditeurs (p. 204-205).







L’INOUBLIABLE


 


Après une si longue et si fougueuse orgie
L’amour exténué s’est retiré de nous :
Mais ma chair a gardé la chaude nostalgie
Des rêves que mon front berçait sur tes genoux.


Comme une veuve en deuil, ma peau hurle et t’appelle,
Sur le grand lit, tombeau des bonheurs révolus :
Plus longtemps que mon cœur, mon corps reste fidèle,
Et je pleure sur toi, moi qui ne t’aime plus…

                                  ⁂

Tu hantes mon sommeil comme un remords farouche,
Et sur les coussins froids où tu t’énamourais,
Ma bouche cherche encor les moiteurs de ta bouche,
Aspirant des chagrins et humant des regrets.


Oh ! les sanglots, les cris, les râles et les fièvres,
Quand tu t’éveillais, brusque, en te penchant sur moi,
Avec du rire aux dents et du bonheur aux lèvres…
— Mais je ne t’aime plus, moi qui pleure sur toi.