G. Charpentier et Cie, éditeurs (p. 231).
LE SOIR


CRI DU COQ


à émile michelet


 
La brume s’épaissit. Par minute, une goutte,
Lourde, tombe des toits et claque sur les rocs.
Un vague rayon blanc luit sur le fer des socs ;
L’ombre rêve, immobile, et le silence écoute.

Soudain, vif, poignardant le ciel, trouant la voûte,
Un coq lance son cri d’acier : le cri des coqs
Répond, sonne et ressaute au loin de chocs en chocs.
« Je ne dors pas ! » La nuit vibre et frissonne toute.


— Oubli, soir du malheur ! L’âme va s’assoupir…
Mais qu’un chagrin nouveau nous arrache un soupir,
Un seul, toute la vie en pleurs s’éveille et tremble !

Et l’on entend, du fond des vieux passés, là-bas,
Stridentes, tour à tour, sans fin, sans nombre, ensemble,
Les lointaines douleurs crier : « Je ne dors pas ! »