L’Âme enchantée/Mère et fils/Épilogue

Albin Michel (4p. 219-254).

ÉPILOGUE

« Tu disposes de la nef Humanité :
Traverse donc le fleuve Douleur !
Insensé, ce n’est pas le moment de dormir !...


L’écluse avait toutes vannes — toutes veines — ouvertes. Les levées d’hommes se précipitaient. Ceux de vingt ans étaient partis. Ceux de dix-neuf étaient appelés. Ceux de dix-huit le seraient demain. Le tour de Marc venait.

La mère et le fils y pensaient tous les deux. Mais ils ne s’en parlaient point. Annette ne craignait pas seulement la guerre, elle craignait le silence de Marc. Elle avait peur de savoir ce qu’il pensait. Et puisqu’elle en avait peur, c’était qu’elle le savait.

À qui confier ses craintes ? S’il ne s’était agi que d’elle, elle les eût gardées pour elle. Mais il s’agissait de lui. Où demander conseil ? Sylvie ? Aux premiers mots, selon son habitude, Sylvie s’écria :

— La guerre ? Avant six mois, elle sera finie. Les Boches sont à bout.

Annette répliqua :

— Tu le dis, tous les six mois.

— Cette fois, c’est la bonne, fit Sylvie, avec assurance.

— Ta confiance ne me suffit pas, dit Annette.

— À moi non plus, dit Sylvie, puisqu’il s’agit de Marc. Tant qu’il n’était question que des autres, on pouvait se tromper ; c’était sans conséquence ! Mais pour notre gars, erreur est crime. Tu as raison. Si la guerre allait durer ! Avec ces imbéciles, sait-on jamais ? Quand tout paraît fini, ils recommencent. À présent, voici les Jonathans, qui entrent dans la danse ! Après, la Chine et les Papous ! Eh ! qu’ils dansent autant qu’il leur plaise ! Mais dans leur danse notre Marc n’entrera pas !

— Comment ?

— Je n’en sais rien. Mais ils ne l’auront pas. Que la guerre nous mange nos maris, nos amis, nos amants, on y consent : ils ont fait leur temps ! Mais notre enfant, — il est à nous, il est pour nous, je l’ai, je le tiens, je le garde !…

— Toutes les mères donnent leurs fils.

— Mais moi, je ne donne pas le mien.

— Le tien ?

— Le nôtre. Part à deux !

— Dis-moi par quels moyens ?

— Il y en a mille.

— J’en demande un.

— Nous ne manquons pas d’amis… Ton Philippe Villard[1]… Le voilà chirurgien-major, inspecteur général d’armée !… Il n’aura pas de peine à le mettre à l’abri.

— Tu ne penses pas que j’irais le lui demander ?

— Et pourquoi pas ? La démarche te coûte ? Orgueilleuse ! J’en ferais bien d’autres, moi !… Si c’était nécessaire, pour sauver mon garçon, tu crois que j’hésiterais à me donner aux passants ?

— Aucun orgueil, injuste ou juste, dit Annette, que je ne sois prête à fouler aux pieds pour mon fils !… Mais pour mon fils, pour son bien.

— Est-ce que ce n’est pas son bien ?

— Son bien n’est pas que je me déshonore. Car moi, c’est lui. Il ne me le pardonnerait pas. Et je ne me pardonnerais pas de faire une démarche qui l’humiliât.

— Est-ce l’humilier que le sauver ?

— Si l’on me sauvait ainsi, je serais humiliée.

Sylvie s’emporta :

— Et voilà une mère !… Je me moquerais bien, moi, qu’il fût humilié, qu’il ne me pardonnât point, pourvu que je l’aie sauvé !… Eh bien, si tu ne le fais, je le ferai, moi…

Annette cria :

— Je te le défends !

— Tu n’as rien à me défendre.

— Ah ! dit Annette. Crois-tu donc qu’il suffise de le soustraire au danger ?

— Qu’est-ce que tu redoutes ?

Annette redoutait que Marc ne le cherchât.


Il s’enfermait, avec ses livres et ses pensées. Malgré la chaude intimité, qui maintenant unissait les deux cœurs du fils et de la mère, Marc passait des journées dans sa chambre, sans parler ; et Annette respectait sa retraite. Elle attendait qu’il vînt la trouver. Elle avait conscience du grand travail qui s’opérait en lui. Travail de maturation et de purification. La crise de quatre ans trouvait sa solution.

Il s’était acharné à pousser jusqu’au bout l’examen rigoureux de soi ; et il s’était jugé — comme les autres — sans pitié. Afin de s’arracher aux sollicitations brûlantes de sa nature, qui regimbait, il lui avait imposé une rigide discipline : vie stricte, et stricte pensée. Les derniers combats livrés n’étaient pas les moins rudes. Il en sortait meurtri et calciné, comme d’un bain de honte passionnée et de conscience en fusion ; mais des cendres le noyau dur, serré, l’incorruptible, était dégagé.

À son épreuve il avait soumis toutes les pensées qui assiégeaient son cerveau d’adolescent, trop tôt mûri : celles de ses livres, de ses philosophes, des maîtres de chœur de sa génération. Bien peu, bien mal, avaient résisté. Il n’en restait pas quatre pincées. Tout était mots. Rien n’était chair. Aucun de ces Verbes ne s’incarnait. Hors un, de fer fondu et martiné, produit de l’âge des machines, qui faisait de l’humanité, une autre machine sans liberté, où l’une classe écrase l’autre, aveuglément, comme un pilon. Nul acte libre. Nul acte d’âme. Nulle âme libre qui passe à l’acte. Nulle volonté qui se dégage de la pensée-nuée et de la masse agglomérée de la matière en mouvement, — comme l’éclair.

Mais le feu court sous la nuée, et sous l’écorce refroidie, dans l’air, dans la terre, et dans l’eau…

Un soir, il prit son Haendel. (Les Livres Saints, il les lisait à travers lui). Dans Israël, il lut le mot :

« Er sprach das Wort… »

Il l’entendit.


Goutte à goutte, la maison perdait son sang. Une fièvre de gain avait tenu, depuis quatre ans, le bougnat du rez-de-chaussée — bistro et marchand de bois — Numa Ravoussat. Il la nourrissait bien. Le gaillard était bardé d’une triple couche de lard ; rouge, suant, et gueulant, et traînant ses savates, il crevait d’or et de santé. Maintenant, la pelote faite, il n’attendait plus, pour se retirer, comme Philopœmen, sur ses terres achetées, que le retour du fils. — Mais le fils ne revint pas. La carcasse de Clovis, un jour, resta accrochée aux fils barbelés. Le matin que la nouvelle arriva, on entendit d’en bas monter le meuglement d’un bœuf, qu’un boucher maladroit assomme… Inutiles, toute cette peine et cet argent gagnés !… Un coup d’apoplexie avait foudroyé le gros homme. — Puis, il se remit sur piles, langue pâteuse, et un œil déformé. Mais on ne l’entendit plus. Le muid était effondré.

Ensuite, ce fut la nouvelle de la douce Lydie, enlevée par l’épidémie de grippe, dans l’hôpital d’Artois, où, sous les feux croisés des deux armées, elle soignait les blessés. Il y avait si longtemps qu’elle l’attendait, cette heure ! Elle était allée rejoindre son fiancé… Hélas ! si elle y avait cru, comme elle voulait y croire ! Mais ce n’est pas, comme ces pauvres gens le pensent, simple affaire de vouloir ! Vouloir ouvre les portes du vestibule de l’âme, mais s’arrête à la dernière ; et c’est la seule qui compte, pour les âmes qui comptent !… Dieu ! si l’on pouvait être sûre, seulement, d’un enfer, où brûler pour toujours avec le bien-aimé !… Sûre ou non, maintenant, elle était délivrée… L’était-elle, la tendre fleur du corps, rendue aujourd’hui à la terre, qui de sa chair pétrit la chair de nouvelles fleurs, que de nouveau broutera la mâchoire de la mort ?

Et puis, ce fut le fils Cailleux (Hector), qui revint, glorieux blessé, sans nez et sans mandibule : (L’État, généreusement, lui avait fait don d’une autre, brevetée, garantie deux ans, peut-être trois, à condition d’en être ménager.) Il avait un tremblement aux mains, et ses jambes flageolaient, comme un enfant qui apprend à marcher. Mais il était décoré. Sa mère l’emmaillotait de son bon regard apitoyé, heureux quand même et fier. Il s’appuyait sar le bras de la vieille, quand ils sortaient, clopin-clopant, refaisant la promenade coutumière. Ils avaient peine à vivre. Mais, avec de la patience, on finit par joindre les deux bouts. Et Cailleux mère et fils trouvaient qu’ils avaient beaucoup de chance.

Mais Joséphin Clapier, devenu inspecteur du moral de l’arrière, usait sa santé précieuse et même sa raison à ce noble service commandé. Le défaut des renégats est l’exagération. À force de se gonfler de sa mission nouvelle et de pourchasser ses ci-devant compagnons de la veille, la foi et les doctrines pacifistes qui avaient été les siennes, il finissait par crier au persécuté ! Il jugeait qu’il l’était, quand ceux qu’il poursuivait, méprisaient de lui répondre et lui tournaient le dos. Il hurlait que la patrie était, en lui, insultée. C’était dangereux pour les autres. Ce l’était aussi pour lui. Il déménageait, bon train, pour les petites-maisons.

Mais Brochon prospérait, gardien de la demeure, et, comme les Euménides, nommé par antiphrase gardien de la paix.

Marc, passant devant la loge, disait à sa mère :

— On se croirait au Père-Lachaise. Vois-tu le gardien du cimetière ?… Allons, maman, remontons à notre columbarium !

— Remontons, mon pigeon ! disait Annette, souriante.

Ils échangeaient, à mots couverts, leur tristesse, apitoyée chez l’une, et dégoûtée chez l’autre, pour l’antre de Polyphème — la maison, la ville, le monde, — où chacun des enfermés attendait patiemment que ce fût son tour d’être mangé.

— Et maintenant, dit Marc, c’est mon tour.

Annette l’agrippa par le bras :

— Non ! ne dis pas cela !

Et puis, elle se repentit de ne l’avoir pas laissé parler. Il fallait savoir enfin ce qu’il projetait… Marc la regardait, en silence, assis devant elle, à ses pieds, dans la chambre, sur un tabouret bas, les genoux remontés et les mains nouées autour ; il la fixait longuement, de ses yeux décidés. Et elle, le couvait… Dieu ! qu’elle était à lui !… Mais il n’en abuserait plus. Elle était sa richesse.

Il lui sourit, et dit :

— C’est étrange ! Ni l’un ni l’autre, avant la guerre, nous n’étions pacifistes.

— Jette ce mot ! dit Annette.

— C’est vrai. Ils l’ont déshonoré. Tous ceux qui l’avaient dans la bouche, avant, l’ont renié.

— S’ils avaient eu seulement la franchise de le renier ! Mais en le trahissant, ils continuent de s’en affubler.

— Qu’ils le gardent ! dit Marc… Mais nous, qui renions la guerre, nous n’étions pas contre elle. Je me souviens, au début, elle me réjouissait. Et toi, tu l’acceptais. Qu’est-ce qui nous a changés ?

— Sa lâcheté, dit Annette.

— Son mensonge, dit Marc.

— Quand j’ai vu, dit Annette, ce mépris des faibles, des désarmés, des prisonniers, de la souffrance humaine, des sentiments sacrés, ces bas instincts exploités, cette oppression des consciences, cette poltronnerie devant l’opinion, ces moutons que l’on maquille en héros et qui le deviennent par moutonnerie, ces bonnes gens qu’on force à tuer, cette masse débile qui s’ignore et se laisse mener par une poignée de dévoyés, — mon cœur, de honte et de douleur, s’est soulevé !

— Quand j’ai vu, dit Marc, cette guerre ignoble qui cache son mufle, cette troupe de masques, cette chienlit du Droit rapace, qui, derrière le dos, filoute le monde dans les poches, cet esclavage atroce qui s’imagine qu’il nous donne le change, en se gargarisant du mot éventé de Liberté, cet héroïsme tartuffe, — je leur ris au nez !

— Ne les provoque pas ! dit Annette. Ils sont le nombre.

— Justement ! Le plus lâche des tyrans est un million de lâches, ensemble.

— Ils ne savent pas ce qu’ils font.

— Jusqu’à ce qu’ils l’aient appris, qu’on les remette à la chaîne !

— Tu es trop dur, mon enfant. Il faut avoir pitié. À la chaîne, ils y sont ! Ils y ont toujours été. C’est la grande duperie de la démocratie. On leur dit, et ils croient qu’ils sont le Peuple Souverain ; et l’on dispose d’eux, comme de bêtes à l’encan.

— De la Bêtise Souveraine, je ne puis avoir pitié.

— Le plus bête est mon frère.

— Frère, cela ne veut rien dire ! Je suis frère de ce chien, qui fouille, dans la rue, ce tas de détritus. Mais qu’y a-t-il de commun entre lui et moi •

— La vie.

— Oui, ce qui meurt. Ce n’est pas assez.

— Qu’y a-t-il, en dehors ?

— Tu me le demandes, toi qui l’as ? Il y a ce que la vie ni la mort ne peut mordre : le grain d’éternité.

— Mais où est-il, ce grain ? Je ne connais, hélas ! rien d’éternel en moi.

— Mais tout ce que tu fais, mais tout ce que tu es, tu ne le ferais pas, tu ne le serais pas, s’il n’était en toi.

— Tu es trop savant pour moi, mon enfant. Je fais ce que je sens. Je le fais honnêtement, et je me trompe souvent. Mais j’avoue qu’à mon âge, je ne le comprends pas encore. Et je n’ai peut-être pas besoin de le comprendre.

— Mais moi, j’ai besoin de le comprendre. J’ai besoin de voir où je vais, pour aller où je veux.

— Pour vouloir où tu vas…

— N’importe ! Je veux voir.

— Eh bien, qu’est-ce que tu vois ? Que veux-tu ? Où vas-tu ?

Il ne répondit pas.

Annette ramassa son courage, et, la gorge serrée, elle lui demanda :

— Si la guerre venait te prendre, qu’est-ce que tu lui dirais ?

— Je lui dirai : — « Non ! »

Annette attendait le coup. Et quand elle l’eut reçu, elle tendit les mains, trop tard pour l’écarter.

— Pas cela !

Marc dit tranquillement :

— Veux— tu que je lui dise : « Oui ? »

Annette protesta :

— Non plus !

Marc contempla sa mère, qui se débattait :

(il y avait si longtemps qu’elle aurait dû, pourtant, être préparée à répondre !) Avec respect, avec pitié, il attendit qu’elle eût fait l’ordre dans sa pensée. Mais, au lieu d’arguments, elle n’eut à lui offrir qu’un émoi passionné :

— Non ! Non ! ne décide rien ! Tu ne peux savoir encore et juger par toi-même. Attends ! Il serait criminel de jouer toute ta vie sur une négation hâtive d’enfant qui n’a pas encore vécu !

— Mais toi, qui as vécu ?

— Moi. je suis femme, je ne sais pas, je ne suis pas sûre, personne ne m’a guidée, je n’ai suivi que mon instinct et mon cœur. Ce n’est pas suffisant.

— Non, ce n’est pas suffisant. Mais quand sera-ce suffisant ? Même au bout de l’existence, quel homme pourra jamais dire qu’il sait, qu’il est certain, qu’il a tout examiné ? Est-il donc condamné à remettre toujours au lendemain, pour agir ? À remettre, de jour en jour, on arrive au jour final, avili, dégradé, prostitué, comme la masse des vivants. Quand aurai-je le droit d’exister ?

Annette ne voulait pas entendre. (Elle entendait trop bien !)

— Tu n’as pas le droit de te détruire.

— Ce n’est pas détruire que je veux. C’est construire.

— Construire quoi ? Et pour qui ?

— Pour moi, d’abord. Une maison propre, où je puisse respirer. Je ne supporterais pas de vivre, comme ces autres, dans leur bauge de mensonge… Et puis, j’ai forcé la note, quand je t’ai dit tout à l’heure… Tu m’appelles dur. Je le suis. Il faut l’être, si l’on veut être capable d’aider ces hommes, dont tu as pitié. Et c’est pour eux aussi qu’il faut que la maison soit bâtie.

— Ce n’est pas l’affaire d’un jour. Pour bâtir, il faut durer.

— Il faut que les fondations durent. La plus haute construction commence par une pierre « Eris Petrus. » Je suis pierre.

— Tu es Marc. Tu es à moi.

— Je suis de toi. Je suis celui que tu m’as fait.

— Mais tu me sacrifies, moi ! Tu n’as pas le droit.

— Maman, c’est ta faute. Tu as voulu que je fusse vrai. Que je fusse un vrai homme, un homme vrai. Je ne sais pas si je pourrai. Mais je veux essayer… Soyons francs ! Tout le mal vient de ce que personne n’ose être sincère, au delà de cette ligne où les intérêts propres et les passions sont menacés. Arrivés à cette ligne, on trouve un biais, on ruse avec soi-même, comme ces pacifistes. Tu voudrais que je fusse sincère, mais tu ne voudrais pas que je le fusse, jusqu’à risquer mon bonheur et le tien. Est-ce bien ? Est-ce franc ? Annette s’entêta :

— Oui !

— Quoi ? C’est franc ?

— C’est bien.

Il lui prit les mains, qui cherchaient à se dérober. Mais il avait bonne poigne.

— Regarde-moi !… Tu ne dis pas ce que tu penses !… Je veux que tu me regardes… Réponds-moi ! Ai-je tort ?… Qui est franc, de nous deux ? Toi, ou moi ?

Elle baissa la tête, et dit :

— Toi.

Mais aussitôt après, elle cria :

— C’est fou ! Je ne veux pas.

Elle avait fini par ramasser ses arguments. Elle tâcha de discuter :

— La franchise est d’être franc dans chacune de ses pensées, de ne tromper personne, ni surtout soi, sur ce que l’on croit. Mais elle n’exige pas de nous l’impossible : que nous agissions toujours et uniquement selon ce que nous croyons. Notre esprit seul est libre. Notre corps est enchaîné. Nous sommes enclavés dans une société. Nous subissons un ordre. Nous ne pourrions le détruire, sans nous détruire. Même quand il est injuste, nous n’avons que la ressource de le juger. Mais il nous faut obéir.

— Maman, tu renies ta vie… Crois-tu que je ne sache pas tes révoltes, tes luttes, ton incapacité de subir l’injustice pour toi et pour les autres ? Ma grande désobéissante !… Si tu ne l’avais été, je ne t’aimerais pas tant !…

— Non, ne prends pas exemple sur moi ! Ah ! c’est ma punition !… Ce n’est pas équitable… Je te l’ai dit, tu le sais, j’ai vécu en aveugle, je n’avais pour me diriger que ce sentiment inné, ces passions de femme, un cœur trop exalté, qui sursaute dans la nuit, au moindre attouchement… Un homme — l’homme que j’ai fait — ne doit pas se modeler sur une femme. Il peut, lui, donc il doit se dégager de la trouble nature, il doit voir et plus clair et plus loin.

— Attends ! Nous y viendrons, tout à l’heure. Quand nous y serons arrivés, tu me demanderas peut-être de retourner en arrière. Pour l’instant, dis-moi si tu renies tes « désobéissances » ?

— Chacune fut une défaite.

— Mais chaque défaite fut (avoue !) une délivrance.

— Ah ! je n’ai fait que changer de chaînes, en me meurtrissant. Elles sont innombrables.

On n’échappe aux unes que pour tomber sous d’autres. Peut-être qu’il faut des chaînes…

— Tu parles contre toi. Jusqu’à ton dernier jour, je te vois limant tes chaînes.

— Mais si j’ai tort ? Si l’instinct borné risque, en les ébranlant, de faire plus de mal à soi et aux autres hommes ? S’il fallait acheter l’ordre par les renoncements ?

— Maman, n’essaie pas de reprendre pour ton compte le mot du génial égoïste, qui aimait mieux l’ordre de l’univers que le bien du prochain, et la tranquillité de sa contemplation que l’action dangereuse contre le mal présent ! Ce qui est permis à Gœthe ne nous l’est pas, à nous. L’ordre éternel ne nous suffit pas. Nous respirons dans celui d’ici-bas. Et quand il est vicié par l’injustice, le devoir est de briser le vitrage, pour respirer.

— On s’y ouvre les veines.

— Si je tombe sur la brèche, eh bien ! j’ai fait la brèche. D’autres en respireront mieux.

— Mon petit, tu ne crois pas en l’humanité (tu me l’as dit cent fois !)… Pourquoi parles-tu maintenant de te sacrifier pour elle ? N’as-tu pas souvent raillé ma foi en elle, — ma pauvre foi, qui a reçu tant de soufflets qu’elle n’est plus aujourd’hui très fière ni très sûre de soi ?…

— Pardon !… Je ne t’ai point raillée, toi ! Quoi que tu croies, tu es, pour moi, au-dessus de ce que tu crois… Mais, c’est vrai, je n’aime point cet « humanitarisme » et cette « humanité », toutes ces bourdes creuses, ces idéologies, ces illusions de mots. Je vois les hommes, les hommes, de grands troupeaux qui errent, qui se serrent, qui se choquent, qui vont à droite, à gauche, en avant, en arrière, et soulèvent sous leurs pieds la poussière des idées. Je vois dans la vie, dans la leur, dans la nôtre, dans celle de l’univers, une tragi-comédie, dont le dénouement n’a pas été écrit : le scénario se compose, à mesure, selon l’improvisation des volontés qui mènent l’assaut. Et je suis de l’assaut, j’ai été désigné, — parce que je suis ton fils, parce que je suis Marc Rivière, — je ne puis plus me retirer. Mon orgueil y est engagé. Et que l’équipe dont je suis, perde ou non la partie, j’irai jusqu’au bout de la partie, sans flancher !

— Cette partie, quelle est-elle ? Dans quel camp se ranger ? Dans celui du nouveau ? Dans celui de l’ancien ? Qui sait ? Comment être sûr ? Peutêtre que le passé commande l’avenir. Peut-être que l’avenir commande le passé. Qui nous éclairera ? … Souvent, dans l’isolement de pensée où je vivais, quand je sentais brusquement m’envahir la certitude, je me disais : — « Comment serait-elle venue, si ce n’était que le vainqueur (le dieu à venir) est en moi ! » — Mais ensuite, quand je voyais les autres hommes, les peuples, tous remplis également de certitudes, autres et opposées, ces folles fois de la patrie ou de la religion, de l’art ou de la science, de l’ordre ou de la liberté, et jusque de l’amour, où s’épuise la vie aveugle et forcenée, comment aurais-je la vanité de me dire, têtue : — « Ma certitude, seule, est la bonne » ?

— Ma certitude, seule, est la mienne. Je n’en ai pas deux.

— J’ai toutes celles de ceux que j’aime. Et c’est là ma certitude, de les aimer.

— En aimes-tu donc tant ? En est-il tant à aimer ?

— Aimer ou plaindre. C’est le même.

— Je ne veux pas être plaint. Je veux d’un autre amour, d’un amour qui choisisse, d’un amour qui préfère.

— Je ne te préfère que trop, cruel enfant ! Je donnerais le reste du monde, pour te garder.

— Eh bien, sois avec moi, et sois comme moi : choisis ! Tu rêves trop. Tu flottes, comme le flux et le reflux, qui monte et qui retombe, sans avancer. Il faut avancer, coûte que coûte. Briser, pour aller droit sa route à soi !

— Mais si elle aboutit à un mur ? Si on s’y trouve seul ? Si le reste du monde est de l’autre côté ?

— Il marche seul, qui va le premier. Mais s’il va seul, c’est qu’il se sait un pionnier. Chaque avancée de l’homme isolé sera la route du monde entier.

— C’est un Credo. Et il en est, presque autant que d’hommes. Je crois aux hommes plus qu’aux Credo. Et je voudrais les embrasser, tous ces fous, dans la même indulgente maternité.

— Ils n’en veulent point. Ils refusent le sein. Ils sont sevrés. Il nous faut croire, agir, détruire, marcher, lutter, mais avancer… Tu sais le mot sur la patrie : « Un campement dans le désert… » Allons plus loin, portant sur notre dos les piquets et la toile de la tente !

— Mon campement est fixé. Il est la loi du cœur.

Tous les devoirs sociaux, qui varient en se niant, comptent peu, à mes yeux, auprès des affections sacrées, — amour, maternité, — immuables, éternelles. Qui les blesse me blesse. Je suis prête à les défendre, partout où elles sont menacées. Mais je ne vais pas plus loin.

— Eh bien ! je vais plus loin, moi ! Quand le devoir social est devenu blessant pour les sentiments naturels, il faut lui substituer un autre devoir social, plus large et plus humain. L’heure est mûre. Toute la société, toute sa morale de code et de catéchisme doit être refaite : elle le sera. Tout mon être l’exige : notre raison, nos passions, protestent contre l’oppressive erreur d’un Contrat Social, aujourd’hui périmé. Telles de ces grandes forces qui remuent le cœur des hommes et que les lois condamnent, ne sont une souffrance, et quelquefois un crime, que par l’inhumanité des lois et du système qui imposent à la nature un cadre devenu un brodequin de torture. Si des milliers de jeunes gens ont accueilli la guerre, comme une délivrance, si mon cœur, à sa vue, a bondi sauvagement, c’était que nous espérions qu’elle dégagerait nos membres. L’étranglante ceinture d’un ordre de pensées et de conventions désuets, de bien-être sordide et de mortel ennui, fardé d’idéalismes écœurants : fadeur, hypocrisie ! — (votre pacifisme d’alors, votre humanitarisme !) — atrophiait la nature, nous tuait la joie de vivre, cet instinct puissant et sain et saint… Sanctus… Nous avons cru que la ceinture maudite allait craquer… Malheureux ! Malheureux !… On ne nous offrait, comme délivrance, que la guerre immonde, où nous engouffrer dans la souffrance et dans la mort, ignobles et inutiles !… Et la ceinture s’est resserrée, et notre jeunesse est enchaînée, debout, ployée, dans une cage de La Balue !… Il faut briser, briser l’ordre mort et meurtrier, l’ordre contre nature, l’ordre plus faux que le désordre. Il faut briser, pour refaire l’ordre plus haut, plus vaste, à la mesure des hommes qui viennent, qui sont venus, — des hommes : nous ! De l’air ! Plus d’air ! Élargissons le bien et le mal ! Ils ont grandi avec nous…

— Où les vois-tu, ces hommes ? Je ne vois, près de moi, que mon grand enfant. Et j’ai peur pour lui. Pourquoi l’ai-je fait vivre, en cette dure époque ?

— Ne le regrette pas ! Ne me plains pas ! C’est la rafale. Vive le vent ! Et vive toi, qui m’as fait mes poumons et mes ailes !… Te souviens-tu de ce « Dernier Viking », du pêcheur norvégien, dont nous lisions la moderne saga ? Quand à la fin sauvé de la mort, il déserte les tempêtes des Lofoden, pour l’immobilité de l’air des villes, il ne peut plus être heureux… Va ! J’aime mieux être de ma génération que de la tienne. La tienne rêvait sans force d’un froid progrès humain. Sur cette toile de fond, le présent projeté était gris, uniforme. La classe privilégiée en jouissait pauvrement, du bout des dents. Pâles joies, pâles souffrances, ironie et douceur monotones… ennui, ennui. Pour ceux qui peinaient, dessous, — pour nous — c’était l’éternelle roue à tourner dans la nuit… — Aujourd’hui, l’ouragan souffle, la maison est en ruines ; le jour, avec le vent, est entré dans notre cave. D’une minute à l’autre, l’édifice suspendu peut s’écrouler sur nous : nous le savons ; mais par les fentes, on voit le ciel, les nuées chassées, le vent. Et sans illusion sur la vie et les hommes et la minute qui vient, nous vivons, au bord de l’abîme absurde et magnifique, à toute volée. Qu’il dure ou tombe, nous élevons sur nos épaules notre univers d’un jour.

— « Nous ? » Qui les a vus, ces « Nous ? » Où sont-ils ? Qui sont-ils ?

— Le premier qui agira. Les autres naîtront de lui.

— Mais lui, mourra.

— Oui.

— Je ne veux pas que ce soit toi !

— Tout à l’heure, tu as parlé de cette maternité, qui rêve de s’étendre à tous les fils des hommes. En voici l’emploi trouvé ! Reporte sur les autres l’amour que tu as pour moi !

— Je me suis vantée. Je ne peux pas !… Ah ! qui l’a pu jamais ! Ce serait inhumain. J’aime les autres en toi. J’aime toi dans les autres. C’était toi que je cherchais en eux, lorsque tu me manquais. Et maintenant que je t’ai, je te sacrifierais ? Je n’ai plus besoin d’eux. Tu es mon univers.

— Mais l’univers gravite ; et il a son destin. Il faut le suivre avec moi. Même s’il mène à la croix. Rappelle-toi la Mater Dolorosa !

— Même elle, n’a point ouln ! Elle a été contrainte.

— Nous sommes tous contraints. Toi et moi.

— Par quoi ?

— Par notre loi.

— Pourquoi la subirais-je, si elle est contre moi ? Je me révolte, je la rejette, comme les autres lois.

— Tu ne le pourras pas. Tu ne serais pas sincère.

— Eh bien, je mentirai !

— Tu ne le pourras pas. Et moi, je ne le veux pas.

Il regarda sa mère, il s’arrêta, puis… (sa voix tremblait) :

— Vois-tu, il y a deux choses, maman, que je ne voudrais pas : c’est n’être pas sincère, et c’est n’être pas brave… Peut-être…

(il hésita)

— …Peut-être parce que je ne suis pas brave, et parce que je mens…

Annette lui prit le visage entre ses mains :

— Tu mens ?

Il ferma les yeux, et dit, à voix basse :

— Oui. Car, au fond de moi, j’ai peur…

Annette le serra dans ses bras. Il se laissa faire, sans mouvement. Ils restèrent, la joue du fils appuyée contre le sein de la mère. Ils se sentaient, dans leur faiblesse, chacun, fort de la faiblesse de l’autre.

Marc se dégagea, et dit à Annette :

— Tu as beau faire, toi, tu ne mens pas !

— Je suis une trompeuse de moi.

— Tu ne te trompes pas. Tu es trompée.

— Sait-on jamais les ruses de la pensée ? Ne me suis-je pas menti, bien des fois ?

— Si tu l’as fait, c’est que nul homme ne peut vivre tout à fait sans mensonge.

— Si le mensonge disparaissait tout à fait de la vie, la vie ne disparaîtrait-elle pas ? N’est-ce pas lui qui entretient la grande Illusion ?

— Si elle ne peut se passer de lui, si elle est la grande Illusion, c’est qu’elle n’est pas la vraie Vie. La vraie Vie est au delà. Il faut la retrouver.

— Où est-elle ?

— En moi. En toi. Dans ce besoin de vérité. Comment nous posséderait-il, si elle ne soufflait en nous ?

Annette était pénétrée par la voix de son fils. Mais elle se raidissait. Il y allait de sa vie, à lui !

— Je t’en supplie ! Je t’en supplie ! Ne t’expose pas en vain ! À quoi bon ? Tu sais bien qu’on ne change pas les hommes ! Quoi qu’on fasse pour eux, ils resteront les mêmes : les mêmes passions, les mêmes préjugés, le même aveuglement, qu’ils appellent raison ou foi, et qui n’est jamais qu’un mur — leur coquille de limaçon : — c’est ce qu’il leur faut pour vivre. Ils n’en sortiront pas. Tu ne peux pas la briser. C’est toi qui seras brisé. Garde ta vérité ! Ne la dévoile pas aux yeux qui ne peuvent la supporter ! À quoi bon ? À quoi bon ? Elle tue ceux qui la portent.

— À quoi bon ? À quoi bon ta vie ? Est ce que tu n’as pas vécu, toi, selon ta vérité ? Est-ce que tu as écouté ta vérité, ou le danger ? Est-ce que tu te repens de l’avoir écoutée ?… Réponds ! Réponds ! … Te repens-tu ?

Annette se débattit. Mais elle répondit :

— Non !

Elle était accablée. Elle pensait :

— C’est moi qui le tue.

Son fils la considéra avec tendresse. Et son jeune visage eut un grave sourire. Il dit :

— Maman, ne te tourmente pas !… Peut-être que cela n’arrivera point, qu’il ne se passera rien, que la guerre finira, avant… Rien n’est encore décidé. Je ne sais pas ce que je ferai. Je ne sais rien. La seule chose que je sais, c’est que, le moment arrivé, je serai sincère… Au moins, je tâcherai… Aide-moi, et prie !

— Je prie. Mais qui ?

— Ma source. Ton âme. J’en suis l’eau.


Après des semaines d’attente et de souci solitaire — (ils n’aidaient plus touché à ce sujet d’entretien ; mais chacun y pensait, et chacun, à la dérobée, observait le visage de l’autre ; et l’oreille anxieuse d’Annette guettait les vibrations de l’air, le ronflement d’avion de l’heure meurtrière qui viendrait lui enlever son enfant) — un matin, le canon de la Ville tonna, et une clameur monta de la rue, comme une marée. Avant même de savoir, bondirent les deux cœurs. Et Sylvie, hors d’haleine, entra, criant :

— L’armistice est signé !

Ils s’étreignirent.

Mais Annette, se dégageant, se détourna, et la face dans les mains, cacha son émotion.

Les deux autres, respectant le voile dont elle se recouvrait, ne firent pas un geste pour le relever ; ils attendirent en silence que son trouble fût calmé. Puis, tous deux, tendrement, se rapprochèrent d’Annette ; et Marc, serré contre elle, la mena à petits pas vers la porte-fenêtre, et l’assit sur la margelle du balcon, et s’assit auprès d’elle. Et Sylvie, à leurs pieds, les jambes ramassées sous elle, comme un Bouddha, les regardant, souriait.


Ils sont assis, tous trois, sur un monde en ruines.

Annette, les yeux fermés, écoute les cloches, les cris, les chants de la rue, elle sent contre sa joue la joue de son garçon… Elle rêve… Le cauchemar est fini. Le cauchemar de la menace qui pesait sur cette tête chérie, et celui de la souffrance humaine qui pesait sur son cœur : l’épreuve monstrueuse, la guerre est terminée… Elle n’est pas encore sûre. Timidement, elle rapprend le goût de l’air. Elle respire…

Marc aussi est allégé. Il n’avait point de joie à voir la menace approcher. Il n’aurait, par fierté, rien fait pour l’éviter. Mais il n’était point sûr de ses forces et de sa foi. Il entend hurler et rire cette foule incohérente. Il sait bien que l’épreuve n’est qu’ajournée… Mais quelques années gagnées, à son âge, c’est un monde ! Il savoure le répit. Il goûte la vie à venir. Il rêve…

Sylvie les regarde rêver. Elle ne songe au passé, non plus qu’à l’avenir. L’instant est doux, et la jouissance est pleine. Ils ont achevé tous trois la dangereuse traversée, les rames sont lâchées, aux flancs de la barque, qui dort sur la mer apaisée. Elle rêve. La belle soirée !…

Mais la maison en deuil se tait ; et son silence tragique contraste avec la kermesse de la rue en goguette.

Au second, le professeur Girerd, l’homme raidi dans son deuil, l’homme de pierre, pavoise ses fenêtres. Et maintenant, le but implacable est atteint ; et le désert de sa vie n’a plus de but : il peut crouler. — Au troisième, les Bernardin ont fermé leurs volets ; les filles et le père sont à l’église, dans l’ombre d’une chapelle. Mais la mère reste au lit, et s’éteint lentement. La maladie est venue, appelée par la peine ; et Bernardin, qui prie, ignore que dans sa chair blême, qui ne se défend plus, il nourrit le cancer. — Et au rez-de-chaussée, le débit de vin est plein. Mais au comptoir, on ne voit pas Numa. Le patron s’est enfermé dans l’arrière-boutique. Il est seul, et il boit, et il pleure dans son vin.

Annette entend monter, en une même harmonie, le deuil et la douleur des vies détruites, avec l’exultation aveugle de la fourmilière. Ils sont tous, avec elle, livrés aux rets de l’Illusion. Ils s’y engouffrent, tête baissée, fonçant sur la cape rouge du matador. Pour les uns, c’est le drapeau, la fureur sacrée de la patrie. Pour les autres, le météore la foi en la fraternité des hommes et en l’amour… Et son fils, qui prétend n’être dupe de rien, le mépriseur des « illusions de mots », n’est-il pas de tous le plus illusionné, lui qui est prêt à sacrifier elle et soi à la chimère d’être vrai contre tous ? Cette passion de Vérité, quelle plus grande illusion !… Et tous s’enivrent de leurs fumées. Ils rêvent !…

Alors, elle perçut, comme une bouffée brusque de vapeurs irisées, le Rêve universel, où elle est immergée. Elle soulève, un instant, la tête au-dessus de l’eau. Elle secoue l’emprise insidieuse et violente… Va-t-elle se réveiller ?… Une seconde, le réveil bat des ailes dans le songe. Dans les combles de l’esprit, par la fente qui s’entr’ouvre, une raie de lumière se glisse.

Mais contre sa joue elle sent la chaleur de la joue, — la chair, fruit de sa chair, — le fils qui la tient captive, par l’amour et la peine, les épreuves à venir, le sort qui attend et lie…

— ( « Je sais, je sais… » )

…de la Mater Dolorosa

— ( « Je ne fuis pas. Me revoilà !… » )

Et ses yeux se reportent sur lui, le fils, sur le cher songe. Elle est reprise par les yeux des vivants. Elle sourit, et retombe…

« Warte nur… »


Bientôt nous nous réveillerons.

20 mai 1926.

  1. L’Âme Enchantée : L’Été.