L’Âme des saisons/Intérieur

Veuve Fred. Larcier, Editeur (p. 203-204).
INTÉRIEUR


Qu’est-ce qui craque dans la chambre à travers l’air ?
Serait-ce qu’on entend voler, les soirs d’hiver,
Les fantômes des mouches mortes ou, peut-être,
Les farfadets tambouriner sur la fenêtre ?
Soyez prudent, la chambre est étrange l’hiver...

Sous un souffle de vent ou sous un souffle d’âme,
Dans le foyer se gonfle et s’allonge la flamme.
Le chat ronronne en s’étirant dans le fauteuil,
Et semble saluer d’un placide clin d’œil
Les lutins du foyer qui dansent dans la flamme.


Voyez ! les ombres vont et viennent sur le mur.
Quelque chose a gémi dans le bahut obscur.
La pendule fait son tic-tac, grave et sournoise
(Je crois que les soldats de plomb lui cherchent noise…)
Mais voyez donc, voyez les ombres sur le mur !…
 
Le large abat-jour vert, tamiseur de mensonges,
Favorise le vol mystérieux des songes,
Et n’entendez-vous pas le rire querelleur
De la dame de pique et du valet de cœur ?…
Le large abat-jour vert favorise les songes.

Il se fait tard. La chambre est louche et fait du bruit.
Il ne ferait pas bon y veiller à minuit.
Voici déjà la lune froide qui essuie
Le givre de sa face à la vitre bleuie…
Vite ! soufflez la lampe et couchez-vous sans bruit.


1894.