L’Âme bretonne série 4/Au village (Anselme Changeur, Jos Parker, Jean des Cognets)


AU VILLAGE.



ANSELME CHANGEUR — JOS PARKER —
JEAN DES COGNETS.




Tous nos villages, qu’ils soient bretons, lorrains, beaucerons, normands, provençaux, saintongeois, ont-ils certains traits généraux faciles à dégager et qui leur donnent, à défaut d’une physionomie commune, un certain air de parenté ?

Changeur le croit. Anselme Changeur est le dévoué secrétaire général de la Société pour la protection des paysages, — si dévoué qu’on en abuse un peu. Il ne s’en plaint point. Il trouve tout naturel qu’on lui laisse faire toute la besogne de la propagande, de la correspondance et du bulletin. Besogne écrasante, s’il en est. Mais Changeur touche une indemnité ? Pas un fifrelin : c’est tout au plus si on lui rembourse ses frais de poste. À elle seule, la correspondance qu’il lui faut entretenir avec les délégués de la Société, les municipalités, les administrations locales, etc., suffirait à remplir la journée d’un homme bien entraîné. Et Changeur trouve encore le temps de voyager, d’enquêter sur place, d’écrire des rapports et de faire des conférences ! Il y a dix ans qu’il mène cette vie de galérien volontaire et M. Beauquier, qui préside la Société des paysages de France, qui est député et membre de la majorité radicale, n’a pas encore pu décrocher pour son collaborateur le petit bout de ruban rouge qu’on prodigue à tant de prétentieuses nullités de la politique et des lettres[1].

Ajoutez que Changeur, qui se dépense ainsi sans compter pour la défense de notre patrimoine national, est un écrivain charmant, pittoresque, disert, riche d’aperçus ingénieux et de remarques émues ou plaisantes, une sorte de Toppfer des paysages de France. Il faut l’entendre parler du Village, tel qu’il s’est cristallisé en son esprit, du Village en soi, synthétique et concret tout ensemble :

« Le Village, dit-il, est l’habitat humain le plus proche de la nature ; c’est le premier anneau — anneau de mariage, pourrait-on dire — de la chaîne qui relie — et qui le lie — l’homme à la nature. C’est au village que s’opère la mystique et féconde union. Le paysan, le villageois, revêt toute la grandeur d’un symbole sans s’en douter, comme il sied. Il incarne en quelque sorte la force même de la terre à laquelle il s’adapte strictement par son aspect, son attitude, son geste ; il s’y relie comme l’arbre trapu et noueux s’incorpore au sol qu’il fouille de ses racines et dont il boit la sève, ardente comme du sang ».

Et cette force — ce dynamisme, — puisée dans le flanc de la terre, ne se traduit pas seulement en acquisitions matérielles, en muscles et en hémoglobine : elle est aussi génératrice de vigueur morale et de vigueur intellectuelle. Comptez les hommes illustres en tous les domaines qui ne peuvent pas se réclamer de la terre, c’est-à-dire de leur village ou de celui de leur père et de leurs aïeux ! Leur nombre est infime. Chez presque tous, il y a un ancêtre paysan. Droiture, bon sens, équilibre des facultés équivalent chez les meilleurs à un certificat d’origine : ils leur viennent du village ancestral, comme en viennent le blé, le vin, les fruits. Rien ne pousse sur le pavé, — que la chlorose et le vice.

Honorons donc le Village, comme nous y invite Anselme Changeur. C’est pour l’avoir trop méprisé, ridiculisé, chansonné, pour avoir trop prôné les avantages et la prétendue supériorité de la ville — de la ville qui consomme et ne produit pas — que nous avons déterminé ce mouvement général d’exode, cette désertion progressive des campagnes, une des causes de l’affaiblissement de notre natalité et, qui sait ? peut-être de notre moralité publique.



Et, précisément, voici qu’à l’autre bout de la France, du délicieux bourg arcadien de Fouesnant, une voix fraternelle répond à Changeur, fait écho à sa louange du Village. Le nom de Jos Parker n’est peut-être pas venu jusqu’à vous ? C’est que Parker est un sage, qu’il vit à l’écart des cités, entre sa pipe et son chien, dans un petit manoir breton presque aussi bas que les pommiers qui l’ombragent et que, s’il chante, s’il écrit, c’est pour lui et pour la douzaine de braves gens qui lui composent son auditoire.

Il ne prend même pas la peine de faire éditer ses livres à Paris ; son dernier recueil — prose et vers — le Journal de Village, porte la firme d’un libraire morlaisien[2]. Et qui donc intéresserait-il, en effet, dans l’énorme et bruyant Paris, ce recueil qui ne parle que des choses et des êtres aperçus dans un rayon de quelques arpents, même quand ces arpents-là sont ceux d’un petit paradis terrestre, célèbre pour la juteuse saveur de ses pommes et l’incarnadine fraîcheur de ses Èves à collerettes tuyautées et à devantiers de soie cerise ou lilas ? Mais, l’été venu, vous ferez peut-être une infidélité au boulevard. Alors et si les dieux vous conduisent vers l’un de ces verdoyants estuaires ou sur l’une de ces plages de sable rose qui s’ouvrent comme des lèvres dans l’âpre granit finistérien, prenez ce livre, emportez-le et, à vos heures de trêve, de grève et de rêve, feuilletez-le devant la mer : aux émanations iodées des varechs, à la rude salure du large, il mêlera pour vous sa senteur agreste, son odeur de verger, de foin mûr et de chair en fleur.

Al laouenan a gar ato
E doen ha kornig e vro…

« Le roitelet aime toujours son toit et le petit coin de son pays », dit la sagesse de Bretagne. Jos Parker, qui connaît le proverbe, qui l’a piqué en épigraphe à son livre, ne veut être qu’un roitelet. Mais il arrive que ce roitelet, çà et là, chante comme un rossignol. S’il redescend à la prose, c’est en lui gardant quelque chose d’ailé. Et cependant cette prose est celle d’un réaliste, d’un homme pour qui le monde extérieur existe, suivant l’expression de Gautier, qui voit et qui sait traduire sa vision en mots évocateurs, à la fois pittoresques et précis.

Écoutez ce joli couplet sur la pluie bretonne — la pluie au Village :

« Depuis ce matin, s’assombrissant par degrés, le temps est parvenu au noir d’encre. La clarté est morte dans le ciel funèbre, couleur d’ardoise tombale, si bas qu’il semble écraser la terre ; et sur toute la campagne évanouie s’étend un voile opaque, tissé des hachures de la pluie : une pluie obstinée, ruisselante, qui fouaille les ajoncs roux, ravine les talus et répand le trop plein des douves sur les chemins… De l’eau, de l’eau partout ; de l’eau torrentueuse — comme si les cataractes diluviennes voulaient renouveler la noyade des humains… De l’eau… de l’eau en folie… Les maisons du village, toutes portes closes, sont comme enveloppées d’une étoffe de fumée que découpe la rue luisante et vide. À côté de l’église — arche échouée au pied de l’if, surgi comme un récif sur une mer de brume — les croix du cimetière simulent de petits fantômes qui étendent les bras pour tordre des linceuls, sur une grève bosselée d’épaves humaines… C’est le règne de l’eau, avec ses évocations meurtrières. Elle engloutit jusqu’au vent : rien que le bruit obsédant de la pluie qui grignote les ardoises et glousse dans les gouttières »[3].

Il y a mainte page de cette saveur dans le Journal de Village. Et c’est bien en effet ici un journal. Parker l’a griffonné au jour le jour, sur quelque carnet, en marge de ses croquis (car il est artiste aussi et vous l’aviez sans doute deviné), et le livre s’est fait tout seul, sans que l’auteur y ait songé.

Tel quel, je le répète, il est charmant. Conscrits qui défilent en scandant leur marche titubante d’une rauque mélopée, mendiant traînant ses guêtres sur la route, commères à la veillée, dévotes à la chapelle, aubergiste à son comptoir, jouvencelles à la danse, et M. le sous-préfet dans sa calèche, et Pandore sur son destrier, toute une humanité en réduction est saisie là sur le vif, dans son geste essentiel, avec son ridicule, son tic, sa grâce ou son sourire. Et ce livre est sain. Il est le vivant commentaire de la conférence de Changeur. Au précepte il ajoute l’exemple. On aperçoit par lui ce qu’est ou du moins ce que devrait être, sans l’affreuse politique, la vie d’un Village de France : vie simple, harmonieuse et forte, déroulée à l’ombre du clocher, cadencée par ses sonneries aériennes, vie pareille à celle qui nous donnait au Moyen-Age une Jeanne d’Arc, dans les temps modernes un Mistral et qui, Dieu merci, en dépit de l’odieuse engeance des « délégués », est encore capable de nous donner un Parker.



Et, après Jos Parker, voici Jean des Cognets, autre peintre de la vie de Village — Cottet ou Simon après Feyen-Perrin ou Afred Guillou.

Son livre s’appelle : D’un vieux monde. Titre un peu hermétique, aux yeux de certains qui ne connaissent pas l’auteur, parfaitement clair pour ceux qui possèdent déjà leur des Cognets. Car de quel autre « vieux monde » que de la Bretagne pourrait nous entretenir ce pur Breton ? La forme adoptée par l’auteur surprendra davantage : les vers s’y entrelacent à la prose ou plutôt les chapitres du livre — si ce sont là des chapitres, car chacun d’eux fait un tout complet et contient en raccourci la matière d’un gros roman — y sont séparés par des pièces de vers, tantôt isolées, tantôt en groupes, où le lecteur peut voir à sa fantaisie une illustration, un commentaire ou un interlude, comme on disait au temps du symbolisme. Tant y a que cette forme insolite (au moins de nos jours, car nos pères s’y complaisaient fort, témoin La Fontaine, le jovial Chapelle et ce coquin de Voltaire lui-même) donne beaucoup de grâce et d’aisance au livre. Elle l’aère, si je puis dire. Mais elle complique un peu la tâche du critique qui, dans un même recueil, est tenu de considérer tour à tour le poète et le prosateur et de porter sur eux un double jugement. Mais ce jugement sera-t-il aussi favorable au poète qu’au prosateur — ou réciproquement ?

Dans l’espèce, la difficulté est plus apparente que réelle. Car, chez Jean des Cognets, le poète ne fait que transposer dans le mode lyrique les dons mêmes du prosateur, son réalisme savoureux, ses magnifiques réserves d’observations, son verbe dru, nourri, substantiel et capable cependant, tant il sait rester souple, des plus beaux élans comme des plus suaves effusions. Et le poète, de son côté, prête au prosateur son œil visionnaire, ce sens de l’« au-delà » et des correspondances mystérieuses qui nous relient à l’âme universelle.

« Il était bien vieux déjà, dit l’auteur dans son avant-propos, le monde que décrit ce livre, quand, un inoubliable soir d’été, toutes les cloches de toutes les chapelles éparses dans ses campagnes s’unirent aux cloches de toutes ses paroisses pour sonner son glas. Ceux qui se battent pour lui, si loin de lui, le reconnaîtront-ils quand ils reviendront ? J’ai tenté du moins de retenir quelques-uns de ses aspects essentiels, tandis qu’il en était temps encore. »

Ainsi, sans qu’il le dise expressément, mais cela résulte de son titre et du soin même qu’il a pris de ne localiser aucune de ses actions, de n’individualiser aucun de ses personnages, c’est une œuvre de synthèse qu’a entendu faire Jean des Cognets ; c’est la Bretagne, ce sont des types bretons, c’est, lui aussi comme Changeur, la vie d’un Village idéal — d’un village du pays breton cependant — qu’il veut nous présenter dans un chapelet de récits qui soient des récits alertes, vivants, pittoresques, concrets, tout en se haussant au-dessus de l’accidentel et en conservant leur caractère général. Et, certes, je crois qu’il n’est pas resté inférieur à son ambition, si haute fût-elle. Malgré tout, il n’a pu s’abstraire si complètement de lui-même et de son clocher que quelque chose n’en ait passé dans son livre. « L’accent du pays où l’on est né, dit La Rochefoucauld, demeure dans l’esprit et dans le cœur comme dans le langage. » C’est cet « accent » qui dénonce l’homme de l’Argoat[4] qu’est plus spécialement Jean des Cognets ; né à Plounévez-Moédec, en pleine Cornouaille domnonéenne, c’est de Plounévez-Moédec qu’il a surtout vu la Bretagne. Comment l’a-t-il vue ? Je le dirai tout à l’heure. Et l’a-t-il vue comme elle est ou comme il la voulait voir ? Nous avons affaire ici, remarquez-le, non pas seulement à un rêveur, à un sentimental, à un poète, mais encore à un tempérament critique de premier ordre, donc, comme on dit outre-Rhin, essentiellement objectif. Et c’est une garantie que nous ne trouvons pas, j’entends au même degré, chez tous les écrivains bretons.

« Il ne faudrait jamais dire l’Espagne, mais les Espagnes », observe quelque part Barrès. Peut-être aussi devrait-on dire les Bretagnes et non la Bretagne. Il apparaît bien tout au moins qu’il y a presque autant de Bretagnes que d’écrivains bretons et qui toutes sont vraies d’ailleurs par quelque côté. La Bretagne, en somme, est un « état d’âme » et il n’est que de choisir, entre tant d’effigies, celle qui correspond le mieux aux nuances de notre sensibilité. Du moins est-ce ainsi que je m’explique qu’entre tant de livres publiés sur les « pardons », et dont l’un pourtant est un pur joyau littéraire, le probe Breton mais sans grande ouverture, qu’était François-Marie Luzel ne celât pas sa préférence pour la Bretagne qui croit de Louis Tiercelin. C’est qu’une certaine roideur puritaine lui était restée de ses longues controverses avec les diascévastes armoricains : le tour d’imagination palingénésique, dont il avait observé les premières manifestations chez La Villemarqué et qu’il retrouvait dans la nouvelle école, effrayait quelque peu, je pense, son réalisme appliqué, scrupuleux et terre-à-terre ; il ne devait supporter qu’avec peine cet élargissement prodigieux de l’humble conscience indigète ; fermé à toute symbolique, il ne voyait point ou ne voulait point voir au-delà des faits et s’irritait, comme d’une déformation, de toute glose qui n’était qu’éloquente ou pittoresque.

Je crois pourtant, et bien que le livre de Jean des Cognets ne se défende à l’occasion ni du pittoresque, ni de l’éloquence, que D’un vieux Monde eût trouvé grâce devant ce juge sévère et qu’il en eût goûté tout au moins l’émouvante sincérité. Et lui aussi, d’ailleurs, était de l’Argoat et, sinon de Plounévez-Moédec, d’un terroir presque contigu : l’ombre du Ménez-Bré, après qu’elle a couvert les futaies de Porz-en-Park, n’a pas grand chemin à faire pour atteindre la girouette de Keramborgne[5] ; c’est du même belvédère géologique — et spirituel — que les deux auteurs ont vu la Bretagne et qui a lu chez l’un la ballade du seigneur de Penanstank, cet évêque interdit que la vindicte populaire s’est plus à loger pour l’éternité dans la « bouillie » d’un marais voisin et dont Albert Le Grand se borne à dire, dans son Catalogue des Évêques de Cornouaille, qu’il fut enterré « sans enfeu ni épitaphe », n’est pas très étonné de découvrir chez l’autre l’aventure, guère plus édifiante, de l’abbé Chuidic, victime de son penchant immodéré pour l’alcool et traînant sa soutane de cabaret en cabaret. Évocations pénibles, mais nécessaires peut-être, imposées par le même esprit de probité historique qui est leur grande marque à tous deux et rachetées d’ailleurs, chez des Cognets comme dans les recueils de Luzel, par tant de peintures ineffables, d’effigies virginales, voire proprement angéliques, telles qu’on n’en rencontre plus qu’au fond de la Cornouaille et dans les fresques des Primitifs. Nous rentrons ainsi dans la Bretagne traditionnelle, dont nous ne nous étions pas tant écartés, malgré l’apparence, et qu’il ne faut pas confondre avec la Bretagne conventionnelle ; nous retrouvons l’autre « aspect essentiel » de l’âme bretonne : la rêverie, l’inclination mystique. Jean des Cognets ne l’a pas plus inventé que le reste. Et le fait est que nous connaissions depuis longtemps les deux faces de cette Bretagne déconcertante, si rude et si douce tout à la fois ; mais peut-être qu’aucun écrivain breton n’avait su comme lui, dans une langue plus nuancée, en même temps que plus pleine, exprimer et fondre en une seule ces deux images contradictoires de la plus hégélienne des races.

Le seul défaut d’un tel livre (je parle pour le critique) est qu’il échappe à toute analyse. Ce sont bien les mêmes personnages qui circulent d’un bout à l’autre du recueil et burinés d’un trait si sûr qu’ils s’incrustent dans la mémoire et n’en bougent plus désormais : tels l’« innocent » Fanch-ar-Lac’h, le vieux marquis de Maugouar, le trimardeur Diberrès, ce type par excellence du déraciné breton, l’évangélique M. Le Minous, le tonitruant abbé Talabourdon ou ces archanges foudroyés, l’abbé Chuidic et le clerc Mandez, engagé « à Islande » pour la moitié du prix d’un homme ; mais ces personnages accomplissent une action différente dans chacun des sept récits qui composent le volume et l’on ne peut songer à résumer ces sept récits.

Tous les sept sont à lire et à retenir. S’il me fallait cependant indiquer une préférence et faire un choix dans ce captivant heptaméron, c’est le Droit du Seigneur que j’élirais, l’histoire de la douce et passive Lizaïc Malzenn, séduite par un affreux tyranneau de village nommé Bondiou, grosse de ses œuvres, abandonnée, jetée au ruisseau et qui pousse l’esprit de mansuétude jusqu’à faire saluer le gredin par son petit : « Dis : bonjour. Monsieur le maire ! » Et le récit aurait pu finir là. Et ce n’eût été que du Maupassant — du Maupassant supérieur. Chez des Cognets, il se poursuit pendant quelques lignes qui étonnent d’abord. L’auteur prend le ton de la plaisanterie ; il semble n’attacher qu’une importance secondaire à l’aventure qu’il vient de nous conter et qui est monnaie courante dans nos campagnes. Et brusquement, dans un bref paragraphe final, le ton rebondit sur un roulement de Dies iræ : Dieu s’évoque dans son plafond de nuées, comme au jour où il viendra juger les vivants et les morts, les Bondiou passés, présents et futurs… Je ne sais rien d’aussi saisissant. Grand art donc, si l’on veut. Cet art-là, quoi qu’il en soit, n’est pas le fait d’un simple intellectuel, comme on dit aujourd’hui[6], et si bien doué soit-il.

Et c’est en définitive le secret de cette maîtrise que Jean des Cognets vient d’affirmer dès son premier livre d’imagination et qui ne surprendra pas autrement du reste les fidèles du Sillon : il y a ici plus qu’un écrivain de la grande race, plus qu’un peintre fidèle et scrupuleux — scrupuleux jusqu’à l’intransigeance — des mœurs de son pays ; il y a un homme de cœur, un croyant et — oui, je risque le mot — un apôtre.



  1. Le fait est que ce passionné, délicieux et modeste serviteur de la beauté française est mort la boutonnière vierge en 1920. Il avait publié en ces derniers temps un recueil de pensées sur l’amour d’un tour très fin, encore qu’il y éclate un scepticisme et une misogynie assez déconcertants. On lui doit aussi de curieuses impressions de Hollande. Mais c’est à la Bretagne qu’il avait donné son cœur.
  2. Le précédent : Sous les Chênes, son principal recueil poétique, avait paru en 1891, à Rennes, chez Caillière. Jos Parker est mort en 1916 : ses admirateurs et amis lui ont élevé un lec’h à Fouesnant même, qu’il appelait « un jardin de la mer ».
  3. Comparez, dans le tome II de l’Âme bretonne, le passage de Gustave Geffroy : « Il ne faut pas aller en Bretagne si l’on n’aime pas la pluie, etc. »
  4. Je rappelle qu’on divise assez souvent la Bretagne en Argoat (pays des bois) et en Armor (pays de la mer).
  5. Voir au tome II de L’Âme bretonne : de Keramborgne à Pluzunet.
  6. Le mot sert surtout depuis l’affaire Dreyfus. Henri Massis (Jugements) l’a retrouvé cependant chez Renan, dans ses cahiers de séminariste. « Renan, dit-il, est, je crois, le premier qui ait employé ce mot substantivement. Littré n’en donne aucun exemple. » On le chercherait vainement d’ailleurs dans le Renan de la maturité.