L’Âme bretonne série 1/Appendice


Honoré Champion (série 1 (1902)p. 391-394).


APPENDICE




I. Nous avions appelé sur le calvaire de Kergrist-Moëlou la bienveillante attention de M. Roujon, l’éminent Directeur des Beaux-Arts, à qui la Bretagne ne saurait être trop reconnaissante des nombreuses marques de sympathie qu’il lui a prodiguées. M. Roujon nous répondit à la date du 2 août 1902 :

« Monsieur,

« Vous avez bien voulu appeler mon attention sur le calvaire de Kergrist-Moëlou, dont vous me signalez l’intérêt artistique et l’état de ruines.

« J’ai immédiatement invité l’architecte chargé de la conservation des monuments historiques de la région de visiter ce calvaire et de me mettre à même, en m’adressant soit des photographies, soit un relevé, de faire étudier la question de son classement parmi les monuments historiques.

« Recevez, etc.

« Pour le ministre et par autorisation :
« Le directeur des beaux-arts, membre de l’Institut,
« Roujon».

Espérons que le rapport de l’architecte sera favorable au classement du calvaire de Kergrist-Moêlou et que ce beau spécimen de l’architecture et de la statuaire indigène, relevé de ses ruines, reprendra bientôt la place de choix qu’il occupait dans la galerie de nos monuments armoricains.

II. À la suite de la publication, dans la Quinzaine, de l’article sur Joseph Koun, Mme Vve Koun, mère de l’héroïque enseigne, nous adressa une rectification portant sur quelques points de la biographie de son fils. Nous donnons ici la partie la plus importante de cette lettre, que nous n’avions pu utiliser dans la première édition de l’Âme Bretonne :

«… Je tiens à vous dire, Monsieur, que notre famille ne s’est jamais trouvée dans la situation précaire que lui prête M. Tual. Si nombreuse qu’ait été notre famille, elle n’a jamais, Dieu merci ! manqué du nécessaire. Mon regretté mari était depuis longtemps au premier rang des instituteurs du Morbihan et, comme tel, jouissait d’un traitement qui, joint à nos autres ressources, nous mettait à l’abri du besoin sans pour cela nous permettre de donner à notre aîné un enseignement selon ses goûts. Nul autre non plus que mon mari ne s’est occupé de mon fils, sauf mon beau-frère, le lieutenant de vaisseau Le Veux qui lui a prêté son appui moral l’année de son entrée au Borda. Son oraison funèbre vous apprendra combien il aimait ses frères et comme il leur était dévoué. En voici une preuve de plus : dans une lettre datée de la baie d’Alon, où il a passé huit mois, il nous disait : « Lorsque j’aurai fini avec Louis (élève à l’école de Bordeaux et dont il sort cette année pour prendre rang dans l’armée coloniale), ce sera le tour d’Auguste (son 2e, frère), car je veux donner à tous mes frères de bonnes positions ». Comme elle était touchante, l’affection qu’il portait à ses sœurs, depuis l’aînée, qui était sa filleule, jusqu’à la plus jeune, née en 1897, pendant sa campagne sur la frégate-école l’Iphigénie ! Lorsqu’il apprit la nouvelle de la naissance de notre petite Marguerite, il nous écrivit une charmante lettre pour lui souhaiter la bienvenue. Lorsqu’il partit pour cette campagne, dont, hélas ! il ne devait pas revenir, il embrassa bien tendrement la chère petite en disant ces paroles que jamais je n’oublierai et qui malheureusement étaient prophétiques : « Chère petite Marguerite, moi je ne te verrai pas grandir ! »

« Avec quel plaisir ses autres petites sœurs grimpaient sur ses genoux pour entendre les contes et les histoires qu’il savait si bien leur raconter ! Tous les dimanches nous avions l’habitude de réciter le chapelet en commun : je commençais et chacun des enfants disait sa dizaine, à commencer par les plus jeunes à même de le faire, jusqu’à l’aîné, tout aspirant de marine qu’il était. Et ç’a été pour moi une grande consolation d’apprendre par l’aumônier du Bayard, puis par son journal, qu’il avait conservé ces pieux sentiments. Il assistait à la messe tous les dimanches où il pouvait le faire. Si quelque chose pouvait égaler le mérite de ce cher enfant, c’était assurément sa modestie : il n’aurait pas voulu se prévaloir de quoi que ce soit et craignait de paraître meilleur qu’il n’était ou de se faire remarquer. Pour me faire plaisir ainsi qu’à son père et à sa famille, il consentait parfois revêtir son coquet habit d’aspirant, mais c’était un sacrifice pour lui. Il ne méconnaissait pas non plus ses anciens camarades du cours de marine moins chanceux que lui. Il en rencontra deux en Cochinchine, sous-officiers dans l’infanterie de marine, qui furent, me dit la mère de l’un d’eux, enchantés de l’accueil qu’il leur fit. Ils avaient été d’autant plus heureux de l’accueil de mon fils que d’autres camarades dans les mêmes conditions ne les regardaient plus. Je répondis à cette dame que mon fils avait le cœur trop haut placé pour se prévaloir de sa situation et mépriser des camarades moins heureux… »