Lélia (1833)/Première Partie/I


H. Dupuy et L. Tenré (1p. 1-4).



PREMIÈRE PARTIE.


I



Qui es-tu ? et pourquoi ton amour fait-il tant de mal ? Il doit y avoir en toi quelque affreux mystère inconnu aux hommes. À coup sûr tu n’es pas un être pétri du même limon et animé de la même vie que nous ! Tu es un ange ou un démon, mais tu n’es pas une créature humaine. Pourquoi nous cacher ta nature et ton origine ? Pourquoi habiter parmi nous qui ne pouvons te suffire ni te comprendre ? Si tu viens de Dieu, parle et nous t’adorerons. Si tu viens de l’enfer… Toi venir de l’enfer ! Toi si belle et si pure ! Les esprits du mal ont-ils ce regard divin, et cette voix harmonieuse, et ces paroles qui élèvent l’ame et la transportent jusqu’au trône de Dieu !

Et cependant, Lélia, il y a en toi quelque chose d’infernal. Ton sourire amer dément les célestes promesses de ton regard. Quelques-unes de tes paroles sont désolantes comme l’athéisme : il y a des moments où tu ferais douter de Dieu et de toi-même. Pourquoi, pourquoi, Lélia, êtes-vous ainsi ? Que faites-vous de votre foi, que faites-vous de votre ame, quand vous niez l’amour ? Ô ciel ! vous, proférer ce blasphème ! Mais qui êtes-vous donc si vous pensez ce que vous dites parfois ?