L'Interprétation des rêves/Chapitre 1

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The dream doctor ..
Harper & Brothers (p. 17-31).


I

L’Interprétation des rêves


« Jameson, je veux que vous nous écriviez la vraie histoire de votre ami, ce professeur Kennedy », annonça le directeur de la rédaction du Star, un début d’après-midi où j’avais été appelé dans le saint des saints.

Il choisit une lettre parmi celles qui s’étaient accumulées dans le fouillis de son bureau et la parcourut rapidement.

« Tenez, continua-t-il en réfléchissant, voici une lettre d’un fidèle lecteur qui demande : « Ce professeur Kennedy est-il vraiment aussi formidable ce que vous le dites et, si c’est le cas, comment puis-je en savoir plus sur sa nouvelle méthode de détective scientifique ? »

Il fit une pause et se pencha en arrière sur sa chaise.

« Eh bien, je ne veux pas mettre ces lettres à la corbeille. Quand les gens écrivent des lettres à un journal, c’est important. Je pourrais leur répondre que le professeur Kennedy est bien réel, tout comme le combat que mène la société contre le crime. Mais je veux aller plus loin. »

Le directeur s’était levé, comme pour se défaire momentanément de la routine du bureau.

« Vous me suivez, continua-t-il avec enthousiasme ? Autrement dit, Jameson, votre tâche pour le mois à venir sera uniquement de suivre votre ami Kennedy. Commencez dès aujourd’hui, le premier, et étudiez sa vie pendant seulement un mois, un mois normal. Prenez les choses comme elles viennent, prenez des notes sur le vif et quand vous aurez fini donnez-moi une description approfondie de l’homme et de son travail. »

Il se pencha sur le programme de la journée et je compris que l’entretien était terminée. J’étais sur le dossier Kennedy.

Souvent j’avais relaté des bribes des aventures de Craig, mais je n’avais jamais eu une tâche aussi ambitieuse : décrire un mois entier. D’abord je fus ébranlé, puis plus j’y pensais, plus j’étais enthousiaste.

Je me pressai vers l’appartement des Heights que Kennedy et moi occupions depuis quelque temps. Enfin, si l’on peut dire, car nous ne l’occupions que pendant les rares heures où il n’était pas à son laboratoire dans le département de chimie du campus de l’université, ou occupé par une de ces affaires qui le fascinaient. Par chance, il se faisait qu’il était là et je tombai sur lui comme je rentrai précipitamment.

Il leva les yeux d’un livre, un des derniers traités de nouvelle psychologie, encore non traduits, dus à la plume du docteur Freud de Vienne, l’éminent scientifique, et il demanda d’un air absent : « Eh bien, qu’est-ce qui vous amène ici si tôt ? »

Aussi brièvement que possible, je lui expliquai ce que je me proposais de faire. Il écoutait silencieusement et je continuais à parler, déterminé à ne pas le laisser rejeter mon projet.

J’ajoutai, animé par le sujet : « Et je pense que j’ai une dette envers le directeur de la rédaction. Il a cristallisé dans mon esprit une idée qui était latente depuis longtemps. En fait Craig, continuai-je, c’est exactement ce que vous voulez : montrer qu’on ne peut pas espérer tromper le détective scientifique moderne, montrer que les justiciers ont progressé plus vite même que… »

Le téléphone tinta avec insistance.

Sans un mot, Kennedy me fit signe d’écouter la conversation grâce au poste de mon bureau, qu’il avait placé afin que je puisse corroborer tous les échanges téléphoniques qui passaient par notre ligne.

Son attitude montrait bien qu’au moins il n’avait pas d’objections à mon projet.

« C’est le docteur Leslie, le coroner. Pouvez-vous venir à l’hôpital municipal, tout de suite ?

— Tout de suite, docteur, répondit Craig en raccrochant. Walter, vous venez aussi ? »

Un quart d’heure plus tard nous étions dans la cour du plus grand hôpital de la ville. Dans la lumière douce du soleil, les patients convalescents étaient assis sur des bancs ou mettaient leurs forces à l’épreuve en marchant lentement sur la pelouse dans les robes de chambre délavées de l’hôpital.

Nous entrâmes dans le bureau et rapidement un aide-infirmier nous conduisit à un petit laboratoire dans une aile isolée.

« De quoi s’agit-il ? demanda Craig, comme nous le suivions d’un pas pressé.

— Je ne sais pas exactement, répondit l’homme, mais il semble qu’on a trouvé en rue Price Maitland, vous savez, le courtier, et qu’on l’amené mourant ici. Il est mort avant que les médecins aient pu le secourir. »

Le docteur Leslie nous attendait impatiemment. « Que pensez-vous de ça, professeur Kennedy ? »

Le coroner étala sur la table devant nous une demi-page pliée couverte d’un texte tapé à la machine. Il scruta le visage de Craig pour voir quelles impressions s’y dessinaient.

« Nous l’avons trouvé dans la poche extérieure du manteau de Maitland », expliqua-t-il.

Le bref texte n’était pas daté :


Très chère Madeline,
Puisse Dieu dans sa miséricorde me pardonner ce que je m’apprête à faire. Je viens de voir le docteur Ross. Il m’a dit quelle était la nature de ta maladie. Je ne peux pas supporter l’idée que j’en suis la cause. Je vais donc simplement sortir de ta vie. Je ne peux pas vivre avec toi et je ne peux pas vivre sans toi. Ne m’en veux pas. Essaye de garder un bon souvenir de moi, même si tu n’as pas pu tout me donner. Adieu.

Ton mari bouleversé,
Price.

Immédiatement, j’imaginai que Maitland avait découvert qu’il souffrait d’une maladie incurable et qu’il avait choisi le moyen le plus rapide de résoudre ce dilemme.

Kennedy détacha brusquement son regard de la note.

« Pensez-vous que c’est un suicide ? demanda le coroner.

— Un suicide ? répéta Craig. Les suicidaires n’écrivent généralement pas à la machine. Une note au stylo ou au crayon, rapidement griffonnée d’une main tremblante sur un bout de papier, c’est ce qu’on retrouve d’habitude. Non, quelqu’un essaye d’échapper aux experts en graphologie.

— C’est également mon avis, répondit le docteur Leslie avec satisfaction. Mais voyez : Maitland est resté conscient presque jusqu’au dernier moment et pourtant les médecins de l’hôpital m’ont dit qu’ils n’ont pas pu obtenir le moindre mot avant son décès.

— Vous voulez dire qu’il refusait de parler ? demandai-je.

— Non, répondit-il, c’était plus étrange que ça. Même si la police n’avait pas fait l’erreur habituelle de l’arrêter pour ivresse au lieu de l’envoyer directement à l’hôpital, ça n’aurait fait aucune différence. Apparemment, les médecins n’auraient pas pu le sauver. À vrai dire, professeur, nous ne savons même pas ce qui lui est arrivé. »

Le docteur Leslie semblait, à juste titre, très intéressé par l’affaire.

« Maitland tenait à peine debout quand on l’a trouvé ce matin à Broadway, continua le coroner. On peut sans doute comprendre le policier qui l’a arrêté, mais quand le fourgon est arrivé Maitland ne pouvait déjà plus parler et était absolument incapable de bouger le moindre muscle. »

Le docteur Leslie fit une pause dans son récit de ces faits étranges, puis reprit : « Ses yeux réagissaient, pourtant. On aurait dit qu’il voulait parler ou écrire, mais qu’il ne pouvait pas. La bave coulait de sa bouche, mais il ne pouvait former un mot. Il était paralysé et il respirait bizarrement. Alors ils l’ont amené à l’hôpital aussi vite qu’ils ont pu, mais ça n’a servi à rien. »

Comme le docteur parlait, Kennedy fixait son regard sur lui. Le docteur Leslie fit à nouveau une pause pour insister sur ce qu’il allait dire.

« Il y a une autre chose étrange. Je ne sais pas si c’est vraiment important, mais c’est néanmoins étrange. Avant la mort de Maitland, on a appelé sa femme. Il était encore conscient quand elle est arrivée à l’hôpital. Il la reconnaissait. Il semblait vouloir parler, mais ne pouvait ni bouger ni prononcer un mot. C’était terrible. Elle était effondrée, bien sûr, mais elle ne s’est pas évanouie. Elle n’est pas du genre à s’évanouir. C’est ses paroles qui ont marqué tout le monde. Elle a dit en pleurant : « Je le savais, je le savais. » Elle est tombée à genoux près du lit. « Je le sentais. L’autre nuit j’ai fait ce rêve horrible. Je l’ai vu lutter ainsi. Je n’ai pas vu ce que c’était… On aurait dit une force invisible. J’ai couru vers lui… Puis la scène a changé. J’ai vu un cortège funèbre et je pouvais voir… son visage à travers le bois du cercueil… Oh, c’était un avertissement ! Cela s’est réalisé à présent. C’est ce que je craignais, même si je savais que ce n’était qu’un rêve. Je rêve souvent de cortèges funèbres et je vois toujours le même visage, son visage. Oh, c’est horrible… c’est terrible ! »

Il était clair que le docteur Leslie était impressionné par ce rêve.

« Qu’est-ce que vous avez fait depuis lors ? demanda Craig.

— J’ai mis sur l’affaire tous les hommes que j’ai pu trouver », répondit le docteur Leslie en lui tendant une liasse de rapports.

Kennedy examina attentivement les documents étalés sur la table. « J’aimerais voir le corps », dit-il finalement.

Il reposait dans la pièce voisine, en attendant que le docteur Leslie donne l’autorisation de l’enlever.

Avançant le premier, le docteur expliqua : « D’abord, nous avons cru qu’il avait pris un soporifique, du chloral, par exemple… ou peut-être du chloral et du whiskey, une combinaison qui peut conduire à la formation de chloroforme dans le sang. Mais non. Nous avons fait les tests pour toutes les substances imaginables. Il semble n’y avoir aucune trace de médicament. C’est inexplicable. Si Maitland s’est vraiment suicidé, il doit avoir pris quelque chose… et on ne peut déceler aucune trace. À ce stade, nous sommes donc revenus à notre première idée : la mort naturelle… Peut-être causée par un choc ou la faiblesse de l’organisme. »

Plongé dans ses réflexions, Kennedy avait soulevé une des mains inanimées et l’examinait.

Il reprit le docteur Leslie : « Ça ne peut pas être ça. Même si l’autopsie ne donne rien, ça ne prouve pas pour autant que c’était une mort naturelle. Regardez ! »

Sur le dos de la main il y avait une minuscule marque rouge et enflée. Le docteur Leslie la considéra en se pinçant les lèvres comme s’il ne savait pas si c’était un élément important.

« Il semble que les tissus ont été profondément pénétrés par un sérum rougeâtre et que les vaisseaux sanguins ont été congestionnés, nota-t-il lentement. On a trouvé un mucus écumeux dans les bronches. Le sang était liquide, sombre, il ne coagulait pas. En fait, l’autopsie n’a absolument rien révélé, à part une désorganisation générale des corpuscules sanguins, une chose très curieuse, mais dont personne ici ne peut comprendre l’importance. Si c’est un poison qu’il a pris ou qu’on lui a donné, c’est le plus subtil, intangible, insaisissable que j’ai jamais rencontré. Voilà, il n’y a absolument aucune trace ou indice…

— Ni aucune chance d’en trouver de cette manière, interrompit fermement Kennedy. Si nous voulons progresser dans cette affaire, nous ne devons pas nous limiter à l’autopsie. Si je ne me trompe pas, elle ne révélera rien de plus que ce que vous avez trouvé. Et je pense ne pas me tromper. C’était du venin de cobra.

— Du venin de cobra ? répéta le coroner en consultant des ouvrages scientifiques.

— Oui. Il est inutile de chercher dans ces livres. Il est impossible de détecter un empoisonnement au venin de cobra, à part par l’examen des symptômes. C’est un poison unique au monde. »

Le docteur Leslie et moi nous regardions l’un l’autre, atterrés en pensant à ce poison si subtil qu’il était indétectable.

« Vous pensez qu’il a été mordu par un serpent ? laissai-je échapper, à demi incrédule.

— Voyons, Walter, à Broadway ? Non, bien sûr que non. Mais le venin de cobra est utilisé comme médicament. Il est importé ici en petites quantités pour diverses utilisations médicales. Donc, il est facile de l’utiliser. Une égratignure sur la main dans une foule en mouvement, tout en glissant rapidement la lettre dans la poche de la victime… et le meurtrier peut espérer ne pas être repéré. »

Nous étions horrifiés par ce meurtre scientifique et le peu d’indices laissés pour identifier l’assassin.

« Le rêve est curieux, en effet, rumina Craig, avant que nous ayons pu réaliser la portée de ce qu’il avait rapidement découvert.

— Vous n’aller pas nous dire que vous accordez une quelconque importance à ce rêve ? » demandai-je brusquement, en essayant de suivre son raisonnement.

Kennedy haussa les épaules, mais je voyais clairement que le rêve était important à ses yeux.

« Vous n’avez pas parlé de cette lettre à la presse ? demanda-t-il.

— Pas encore, répondit le docteur Leslie.

— Eh bien n’en faites rien pour le moment. Je vais devoir la garder. »

Le taxi que nous avions pris à l’aller attendait toujours. « Nous devons d’abord voir Mrs. Maitland », dit Kennedy, comme nous quittions le coroner déconcerté et ses assistants.

Nous apprîmes rapidement que les Maitland vivaient dans une grande maison ancienne en brownstone juste à côté de la Cinquième Avenue.

En donnant la carte de visite de Kennedy et en disant que c’était très urgent, nous fûmes admis jusqu’à la bibliothèque, où nous nous assîmes un moment en examinant le style calme et raffiné de cette maison plus que cossue.

Sur le bureau au fond de la longue pièce se trouvait une machine à écrire. Kennedy se leva. Il n’y avait pas le moindre bruit ni dans le couloir, ni dans les pièces voisines. Un instant plus tard, il se penchait sans un bruit sur la machine à écrire et il tapait une série de caractères sur une feuille de papier. On entendit une porte se fermer à l’étage et il enfonça rapidement le papier dans sa poche, revint sur ses pas et s’assit à nouveau tranquillement en face de moi.

Mrs. Maitland était une femme grande aux formes parfaites, d’un âge difficile à cerner, mais elle donnait à la fois une impression de jeunesse et de maturité, ce qui était fascinant. Elle était calmée à présent et, même si elle ne semblait pas du tout hystérique, il était clair que sa nervosité avait d’autres causes que le choc du récent événement tragique, bien qu’il ait été important. Peut-être parce que je me rappelais les mots de la note, « le docteur Ross m’a dit quelle était la nature de ta maladie », j’imaginai qu’elle souffrait d’une maladie nerveuse.

« Il est inutile de faire durer les présentations, Mrs. Maitland, dit Kennedy en guise d’introduction. On a fait appel à nous parce que les autorités ne sont pas encore complètement convaincues que Mr. Maitland s’est suicidé. »

Il était évident qu’elle avait vu la note. « Ce ne serait pas un suicide ? répéta-t-elle nous regardant tour à tour.

— Mr. Masterson vous demande au téléphone, madame, murmura la femme de chambre. Souhaitez-vous lui parler ? Il m’a prié de dire qu’il ne voulait pas vous déranger, mais il pensait que s’il…

— Oui, je vais prendre son appel… dans ma chambre », interrompit-elle.

Je pensai déceler une trace de confusion bien dissimulée quand elle s’excusa.

Nous nous levâmes. Kennedy ne se rassit pas immédiatement. Sans un mot, il termina son travail à la machine à écrire en subtilisant quelques pages blanches.

Un peu plus tard, Mrs. Maitland revint, plus calme.

« Dans sa note, reprit Kennedy, il parlait du docteur Ross et…

— Oh, s’écria-t-elle en pleurs, ne pourriez-vous pas plutôt questionner le docteur Ross ? Vraiment je… je ne devrais pas être… interrogée comme ça… pas maintenant, si vite après ce que j’ai enduré. »

Il semblait que ses nerfs lâchaient à nouveau. Kennedy se leva pour partir.

« Revenez me voir plus tard, supplia-t-elle. Mais maintenant… rendez-vous compte… C’est trop. Je ne peux pas parler… je ne peux pas.

— Connaissiez-vous des ennemis à Mr. Maitland ? demanda Kennedy, déterminé à apprendre tout de même quelque chose.

— Non, non. Personne qui aurait pu… faire ça.

— Vous ne vous disputiez pas ? ajouta-t-il.

— Non, nous ne nous disputions jamais. Oh, Price, pourquoi ? Comment as-tu pu ? »

Il semblait que ses émotions s’emparaient rapidement d’elle. Kennedy s’inclina et se retira silencieusement. Il avait appris une chose. Elle croyait que la note était authentique, ou bien elle voulait qu’on croie qu’elle l’était.

Quelques minutes plus tard, à un téléphone public, Kennedy examinait les noms dans l’annuaire. « Voyons, il y a un Arnold Masterson », dit-il. En tournant les pages, il continua : « À présent, nous devons trouver ce docteur Ross. Voilà… Dr. Sheldon Ross… spécialiste des maladies des nerfs… Ça doit être lui. Il vit à deux pas d’ici. »

Beau, costaud, grand, élégant, réellement distingué, le docteur Ross s’avérait charismatique rien que par son visage et ses manières, comme doivent l’être ceux qui choisissent cette branche de la médecine.

« Vous avez appris, je suppose, la mort étrange de Price Maitland ? demanda Kennedy quand nous fûmes assis dans le cabinet du médecin.

— Oui, il y a environ une heure. » Il était clair qu’il étudiait nos attitudes.

« Mrs. Maitland, je crois, est une de vos patientes ?

— Oui, Mrs. Maitland est une de mes patientes », admit-il d’un ton interrogatif. Puis, comme s’il estimait que seule une démonstration de son assurance pouvait apaiser l’attitude de Kennedy, il ajouta : « Elle a commencé à me consulter il y a quelques mois. Je soigne sa maladie nerveuse depuis lors, sans avoir pu améliorer significativement son état.

— Et Mr. Maitland, demanda Kennedy, c’était aussi un de vos patients ?

— Mr. Maitland, avoua le docteur avec une certaine réticence, m’a appelé ce matin, mais non ce n’était pas un patient.

— Avez-vous remarqué quelque chose d’inhabituel ?

— Il semblait très soucieux », répondit prudemment le docteur.

Kennedy sortit la lettre d’adieu de sa poche et la lui tendit.

« Je suppose que vous êtes au courant pour ceci ? » demanda Craig.

Le docteur la lut rapidement, puis observa l’attitude de Kennedy, comme pour évaluer ce qu’il savait déjà. « À ce que j’ai pu comprendre, dit-il lentement, sans plus aucune réticence apparente,

"And Mr. Maitland," asked Kennedy, "was he a patient, too ?"

"Mr. Maitland," admitted the doctor with some reticence, "had called on me this morning, but no, he was not a patient."

"Did you notice anything unusual ?"

"He seemed to be much worried," Dr. Eoss replied guardedly.

Kennedy took the suicide note from his pocket and handed it to him.

"I suppose you have heard of this ?" asked Craig.

The doctor read it hastily, then looked up, as if measuring from Kennedy’s manner just how much he knew. "As nearly as I could make out," he said slowly, his reticence to outward appearance gone, Maitland semblait avoir des soucis. Il est venu se renseigner sur la cause réelle de la nervosité de sa femme. Après avoir échangé quelques mots avec lui, j’ai conclu qu’il était hanté par l’idée qu’elle ne l’aimait plus, voire qu’elle ne l’avait jamais aimé. J’ai même pensé qu’il doutait de sa fidélité. »

Je me demandai pourquoi le docteur parlait si librement à présent, alors qu’il semblait initialement vouloir dissimuler certains faits.

« Pensez-vous que ses doutes étaient fondés ? demanda rapidement Kennedy en fixant le docteur Ross intensément.

— Non, et je suis catégorique, non ; ils n’étaient pas fondés », répondit le docteur, qui subissait le regard scrutateur de Craig sans sourciller. Il continua plus lentement comme s’il pesait chaque mot : « Mrs. Maitland appartient à une catégorie de plus en plus importante de femmes qui, pour le dire franchement, bannissent le sexe de leur vie. C’est pourtant une femme très belle et attirante. Vous l’avez déjà rencontrée ? Oui ? Vous devez avoir cependant remarqué qu’elle est frigide, froide, intellectuelle. »

Le docteur était si net et affirmatif dans sa première déclaration et si minutieux dans la formulation de la seconde que je conclus que Maitland avait peut-être raison, après tout. Je supposai que Kennedy soupçonnais également le docteur.

« Avez-vous déjà entendu parler du venin de cobra et l’auriez-vous déjà utilisé dans le cadre de votre travail ? » demanda-t-il nonchalamment.

Le docteur Ross se redressa brusquement sur sa chaise, surpris.

« Pourquoi ? Oui, répondit-il rapidement, vous savez qu’il est utilisé dans un test pour les maladies sanguines, un test récemment découvert qui est utilisé parallèlement à des tests plus anciens. On l’appelle le test Weil.

— Est-ce que vous en utilisez souvent ?

— N… non, répondit-il. Je ne travaille habituellement pas dans ce domaine. J’en ai pourtant utilisé il y a peu. C’était pour un de mes patients, une figure de la vie mondaine. Au départ, il est venu chez moi pour…

— Arnold Masterson ? demanda Craig.

— Oui. Comment connaissez-vous son nom ?

— Je l’ai deviné, répondit laconiquement Craig, comme s’il en savait bien plus long que ce qu’il voulait bien dire. C’était un ami de Mrs. Maitland, n’est-ce pas ?

— Je ne crois pas », répondit le docteur Ross sans hésitation. Il ne fallait pas le pousser pour qu’il parle. « D’habitude, expliqua-t-il sur le ton de la confidence, je suis tenu au secret professionnel, mais dans ce cas, comme vous semblez déjà en savoir tant, je crois que je peux en dire un peu plus. »

Je ne savais pas s’il fallait accorder de la crédibilité à ses propos. Mais il continua : « Mrs. Maitland est, comme je l’ai laissé entendre tout à l’heure, ce que nous spécialistes appelons une femme consciemment frigide mais inconsciemment passionnée. Comme c’est une femme intellectuelle elle réprime sa nature. Mais la nature s’impose toujours, selon nous. Souvent on rencontre des femmes intellectuelles attirées uniquement par le physique des hommes… Je parle ici en général, pas d’un cas en particulier. Vous avez lu Ellen Key, je suppose ? En bien, elle a formulé des idées claires à ce propos dans ses écrits sur les affinités. Mais ne vous méprenez pas, nous avertit-il, je parle ici en termes tout à fait généraux, je ne veux pas parler de cas individuels. »

Je suivais la démonstration du docteur Ross. Quand il parlait ainsi, c’était un homme fascinant.

« Mrs. Maitland, reprit-il, a été troublées par ses rêves, comme vous le savez sans doute. L’autre jour elle m’a raconté un de ses rêves dans lequel elle était attaquée par un taureau, qui soudainement se changea en serpent. En fait, je lui avais demandé de prendre des notes, entre autres choses à propos de ses rêves, car je pensais que cela pourrait être utile pour l’étude et le traitement de ses troubles nerveux. Je crois volontiers que ce n’est pas le rêve en tant que tel qui l’inquiète, mais peut-être un souvenir que le rêve lui rappelle. En l’interrogeant minutieusement j’ai découvert de quoi il s’agissait : une rupture de fiançailles.

— Ah oui, dit Kennedy.

— Elle avoua que le taureau-serpent avait un visage partiellement humain : le visage d’Arnold Masterson ! »

Je me demandai si le docteur Ross essayais désespérément d’éloigner les soupçons de lui-même.

« Très étrange en effet, rumina Kennedy. Ça me fait penser à nouveau au venin de cobra. Ça vous dérangerait de m’en confier un échantillon ?

— Pas du tout. Excusez-moi un instant, je vais en chercher. »

(…)