L’INTERNATIONALE - Tome IV
Sixième partie
Chapitre IX
◄   Chapitre VIII Chapitre X   ►



IX


Du Congrès de Berne à la fin de 1876.


En Espagne, malgré l’arrestation de divers chefs de la conspiration républicaine Zorrilla-Salmeron, la fermentation révolutionnaire continuait, et on s’attendait à un soulèvement qui serait probablement appuyé par un pronunciamiento d’une partie de l’armée. En décembre, la Revista social de Barcelone publiait un tableau de la lamentable situation du pays : misère croissante, crise commerciale et industrielle générale, détresse du trésor public obligé de contracter des emprunts à des taux fantastiques ; ainsi, dans l’emprunt de Cuba, « pour treize millions que le gouvernement a reçus, il faudra que dans l’espace de dix ans il rembourse deux cent deux millions ». Et le journal socialiste concluait : « Allons toujours. Qui vivra verra ! Il est certain qu’un jour ou l’autre seront appliqués des remèdes énergiques, pour guérir la gangrène qui corrompt et détruit la société. »

La Commission fédérale espagnole adressa à la fin de novembre, aux autres Fédérations de l’Internationale, une lettre faisant appel au sentiment de la solidarité en faveur des familles des déportés, des prisonniers, des exilés. Il y avait là de si nombreuses infortunes à soulager, que les ressources des travailleurs espagnols ne pouvaient y suffire : « La cotisation régulière qu’ils versent à cet effet est malheureusement insuffisante ; ils s’adressent par conséquent à leurs frères des autres pays, en les priant de leur venir en aide par des souscriptions ou par des prêts remboursables ». Une souscription fut aussitôt ouverte dans la Fédération jurassienne ; le Bulletin (10 décembre) écrivit : « Puisse, malgré la misère qui pèse, en ce moment plus que jamais, sur les ouvriers de notre région, cet appel être entendu ; puisse l’obole des travailleurs jurassiens témoigner une fois de plus, dans cette circonstance, que chez nous la solidarité est comprise et pratiquée ».


Dans son numéro du 20 octobre, le Vorwärts avait commis une erreur, en confondant, à propos d’un télégramme adressé au Congrès ouvrier de Paris du 2 octobre par M. Filipperi, membre du comité central de l’Association ouvrière mazzinienne à Rome, les mazziniens avec les socialistes. Cafiero et Malatesta envoyèrent de Berne, où ils se trouvaient à ce moment, à ce journal une lettre de rectification, écrite sur le ton de la cordialité, où ils disaient :

« Ne savez-vous pas que les mazziniens sont en Italie les adversaires acharnés du socialisme, et que les sociétés ouvrières qui suivent encore le drapeau de Mazzini sont l’équivalent, dans le mouvement ouvrier de notre pays, des sociétés dirigées en Allemagne par MM. Hirsch et Duncker ? »

Cependant les quelques intrigants (Zanardelli, Nabruzzi, Gnocchi-Viani, Ingegneros, etc.) qui combattaient la Fédération italienne de l’Internationale cherchaient des appuis à l’étranger : ils étaient entrés en relations avec la rédaction de la Tagwacht, et Greulich vit en eux des alliés dont il accepta aussitôt le concours, comme le « patriarche » Becker avait, en 1873, recherché celui de Terzaghi (voir t. III, p. 138) ; par Malon, ils avaient obtenu accès auprès de la rédaction du Mirabeau, et ce journal, durant quelques mois, allait servir, dans l’ignorance où étaient nos amis de Verviers de l’état réel des choses, d’instrument à nos adversaires. La campagne de mensonges qui, commencée dès 1874, paraissait devoir continuer, décida Cafiero et Malatesta à écrire la lettre suivante, que publia le Bulletin du 3 décembre :


Compagnons, Par suite de quelques inexactitudes et de quelques omissions dans le Compte-rendu officiel du Congrès de Berne, certains journaux ont tiré, du rapport présenté par nous sur la situation et sur les principes de l’Internationale en Italie, des conclusions qui ne sont pas tout à fait conformes à la vérité. Nous vous prions en conséquence de bien vouloir insérer dans votre journal la déclaration suivante :

1° Nous n’avons jamais rien dit qui put faire supposer qu’en Italie l’Internationale fût divisée en deux branches suivant deux courants d’idées différents. Toute la grande majorité des socialistes italiens est groupée autour du programme anarchique, collectiviste et révolutionnaire de la Fédération italienne ; et le petit nombre de ceux qui jusqu’à présent, dupes d’intrigues et de mensonges, étaient restés en dehors, commencent à entrer tous dans notre organisation. Nous ne voulons pas parler d’un petit groupe qui, s’inspirant de vues personnelles et de buts réactionnaires, cherche à faire une propagande qu’il appelle « graduelle et pacifique » : ceux-là sont déjà jugés dans l’opinion des socialistes italiens, et ne représentent rien qu’eux-mêmes ;

2° La Fédération italienne croit que le fait insurrectionnel, destiné à affirmer par des actes les principes socialistes, est le moyen de propagande le plus efficace, et le seul qui, sans tromper et corrompre les masses, puisse pénétrer jusque dans les couches sociales les plus profondes et attirer les forces vives de l’humanité dans la lutte que soutient l’Internationale ;

3° La Fédération italienne considère la propriété collective des produits du travail comme le complément nécessaire du programme collectiviste, le concours de tous pour la satisfaction des besoins de chacun étant l’unique règle de production et de consommation qui réponde au principe de solidarité. Le Congrès fédéral de Florence a démontré éloquemment l’opinion de l’Internationale italienne sur ce point ainsi que sur celui qui précède.

Salut et solidarité.

Les délégués fédéraux italiens au Congrès de Berne : Errico Malatesta, Carlo Cafiero.


La nouvelle nous parvint, en novembre, que Costa avait été condamné, par le préteur d’Imola, à un mois de prison et à six mois de surveillance pour contravention à l’ammonizione. Mais, le 22 novembre, le tribunal correctionnel de Bologne, auquel le condamné en avait appelé, cassa la sentence du préteur et prononça l’acquittement de Costa. L’accusé s’était défendu lui-même, et le nombreux public accueillit son discours par de tels applaudissements que le président menaça de faire évacuer la salle. À sa sortie, Costa reçut de la foule une ovation enthousiaste. « C’est ainsi — ajoutait l’un des journaux bourgeois qui racontèrent le procès — que le zèle intempestif des autorités politiques a valu au jeune apôtre des idées de l’Internationale une seconde apothéose. »

La presse socialiste italienne continuait infatigablement son œuvre de propagande. Le Risveglio de Sienne venait de reparaître (novembre). Le Martello, de Fabriano, transporté à Iesi, luttait non seulement contre le gouvernement, mais contre les endormeurs qui, s’occupant de « science sociale », prêchaient la « modération » et attendaient tout du temps et d’une lente évolution ; le Bulletin (10 décembre) traduisit un article intitulé Poco a poco (Peu à peu), écrit par Costa, où étaient fouaillés ces « sages », ces « apôtres de la conciliation et de l’équivoque ». Ils veulent, disait Costa, que l’on marche lentement sur la route du progrès : « Et ils ont bien leurs motifs. Sans cela, en effet, que deviendraient-ils, eux et leurs journaux ? Pour eux, le champ des fécondes études et des profondes observations sur les phénomènes de la vie industrielle se trouverait fermé. Pour les journalistes, le moyen de gagner de l’argent aurait également disparu. Adieu la vanité, alors, adieu les ambitions des hommes graves et modérés, des professeurs au petit pied, des docteurs improvisés, dont tout le désir est uniquement d’éterniser la grande question, afin d’avoir l’avantage de l’examiner dans tous ses détails et de la discuter jusqu’à la consommation des siècles... Ils craignent la révolution populaire qui viendra les démentir, et s’efforcent anxieusement d’en éloigner la date. Trouvant la satisfaction de leurs propres aspirations dans l’état de misère actuel, ils finissent par devenir, souvent sans le vouloir, profondément égoïstes et mauvais, race trompeuse dont le visage est ami, mais dont le cœur est perfide. Tout en se disant socialistes, ils sont plus dangereux que les ennemis déclarés de la cause populaire. »

Un nouveau journal annonça son apparition pour le 15 décembre, à Florence, sous le titre de l’Anarchia. Son programme disait: « Nous ne sommes pas des Katheder-Socialisten ; nous parlerons un langage simple, afin que le prolétariat comprenne une bonne fois quel est le chemin qu’il doit suivre pour arriver à sa complète émancipation. L’Anarchia combattra sans trêve non seulement la bourgeoisie exploitante, mais aussi les nouveaux charlatans du socialisme : car ces derniers sont les ennemis les plus dangereux de la classe ouvrière. » Mais la publication de l’Anarchia dut être ajournée : le journal ne parut que huit mois plus tard, à Naples.

La conduite équivoque de la Plebe, à Milan, et ses procédés indélicats en matière de journalisme, nous dégoûtaient. Perdant patience, je lui dis son fait dans le Bulletin du 17 décembre, à propos du démarquage de nos articles, en ces termes :


Le journal milanais la Plebe publie de prétendues correspondances particulières de Paris ; ces correspondances sont tout simplement fabriquées par la rédaction en se servant des lettres parisiennes que publie notre Bulletin. Quand la Plebe (comme elle l’a fait dans presque tous ses derniers numéros) nous emprunte nos articles de fond et les publie comme siens, sans nous nommer, nous ne nous plaignons pas : au contraire, nous sommes bien aises de voir nos idées reproduites et propagées. Mais fabriquer de fausses correspondances au moyen des correspondances authentiques que reçoit un autre journal, c’est un procédé qui nous déplaît, et qui devrait être banni de la presse socialiste. Le Vorwärts de Leipzig a reproduit la lettre de Paris publiée dans notre numéro du 26 novembre, mais il l’a reproduite telle quelle, et en indiquant qu’il l’empruntait au Bulletin : voilà comme il faut agir entre confrères.


La Plebe, naturellement, ne fut pas contente ; elle riposta par des injures. Le Bulletin, alors, l’exécuta dans l’article suivant (numéro du 14 janvier 1877) :


La Plebe est furieuse que nous ayons dévoilé la supercherie au moyen de laquelle elle a fabriqué la prétendue correspondance de Paris publiée dans son numéro du 4 décembre.

Nous pouvons estimer un adversaire, malgré la différence des opinions, lorsqu’il nous combat franchement, mais nous haïssons et méprisons la duplicité. Que penser d’un journal dont l’unique préoccupation, cela est clair pour nous maintenant, est de tromper les uns et les autres ? d’un journal qui, pour amuser certains de ses lecteurs, ouvre une souscription pour ériger un monument à Bakounine ; se déclare révolutionnaire, se range au nombre des impatients, annonce avec sympathie la réapparition du Martello, « une vieille connaissance qui n’a pas besoin de recommandation », et adresse, à l’occasion, des flagorneries à certains membres connus de l’Internationale italienne, Costa, Faggioli, Malatesta, Natta, etc. ? d’un journal qui, pour plaire à une autre catégorie de lecteurs, glisse dans la petite poste de sa troisième page des méchancetés à l’adresse des hommes qu’il nomme avec éloges à sa deuxième page ; reproduit les attaques d’un autre journal contre les délégués italiens au Congrès de Berne ; cherche à semer la désunion dans les rangs des socialistes d’Italie, et se dit partisan de la propagande pacifique pour rassurer ceux qui auraient pu prendre au sérieux ses déclarations révolutionnaires ?

Mais c’est trop nous occuper de ces manœuvres de boutique. Nous n’avons du reste jamais pris la Plebe au sérieux, même quand elle ouvrait toutes grandes ses colonnes aux articles qu’elle demandait à nos amis ou qu’elle empruntait sans façon au Bulletin. Nous la laisserons continuer à annoncer à son de trompe, à sa 3e et à sa 4e pages, son Eau merveilleuse pour teindre les cheveux et la barbe, son cosmétique, sa poudre de riz, ses boîtes à musique, son Extrait de Kumys, ses billets de théâtre et ses brochures prétendues socialistes, et nous entretiendrons à l’avenir nos lecteurs de choses plus sérieuses.


À la fin de novembre eut lieu à Florence le Congrès des sociétés ouvrières de la Toscane : trente et une sociétés y furent représentées par cinquante délégués. Ce Congrès donna son adhésion au programme de l’Internationale. Une circulaire de la Commission italienne de correspondance, en date du 15 décembre, annonça qu’elle avait transféré son siège à Naples, et que son adresse était désormais : Gaetano Grassi, tailleur, Vico 2e Porta Piccola Montecal vario, n° 12, Naples.

Dans leur lettre publiée par le Bulletin du 3 décembre 1876, Malatesta et Cafiero avaient écrit : « La Fédération italienne croit que le fait insurrectionnel, destiné à affirmer par des actes les principes socialistes, est le moyen de propagande le plus efficace ». Cette déclaration significative était le témoignage d’un état d’esprit qui, chez les socialistes italiens, allait bientôt se manifester autrement que par des paroles. Nos amis d’Italie étaient arrivés à cette conviction que, dans leur pays du moins, la propagande orale et la propagande écrite étaient chose insuffisante, et que, pour se faire comprendre clairement des masses populaires, et plus particulièrement des paysans, il fallait leur montrer ce que tous les enseignements théoriques ne pouvaient rendre vivant et réel ; qu’il fallait leur enseigner le socialisme par des faits, en le leur faisant voir, sentir, toucher. Et ils conçurent le projet d’apprendre aux paysans italiens, par une leçon de choses, ce que serait la société si l’on se débarrassait du gouvernement et des propriétaires : il suffirait, pour cela, d’organiser une bande armée, assez nombreuse pour pouvoir tenir quelque temps la campagne, et qui irait de commune en commune réaliser, sous les yeux du peuple, le socialisme en action.

Après le Congrès de Berne, nos deux amis prolongèrent, comme je l’ai déjà dit, leur séjour en Suisse durant plusieurs semaines. Ce fut pendant ce temps que l’idée prit corps, et ils s’occupèrent tout d’abord à se procurer les ressources pécuniaires nécessaires à sa réalisation. Elles furent fournies principalement par une socialiste révolutionnaire russe, Mme Smelskaïa, qui donna quatre mille francs, et par Cafiero, qui consacra à cette affaire le dernier argent, cinq à six mille francs, qu’il put tirer de la liquidation de son héritage. Vers la fin de décembre, Malatesta et Cafiero retournèrent en Italie et s’installèrent à Naples ; là, ils s’occupèrent pendant tout l’hiver des préparatifs de l’entreprise, à laquelle s’intéressèrent de nombreux camarades de différentes parties de la péninsule.

Nos amis avaient choisi le massif montagneux qui touche à la province de Bénévent pour théâtre de l’action ; ils comptaient que les préparatifs, conduits dans le plus profond mystère, seraient achevés de façon à permettre à la bande d’entrer en campagne au mois de juin 1877 : ce n’est qu’à cette époque de l’année, en effet, que la neige a disparu des sommets du Matèse et que les bergers remontent dans les pâturages des régions élevées.

Malatesta et ses amis de Naples connaissaient un certain Salvatore Farina, ancien garibaldien, qui avait été employé autrefois à la répression du brigandage dans le Samnium, à l’époque où les partisans des Bourbons avaient organisé, contre le gouvernement de Victor-Emmanuel, un banditisme politique. Farina était familier avec la région choisie, et y avait conservé des relations ; il pouvait rendre des services : on voulut l’utiliser. Nos amis lui firent des ouvertures qui furent accueillies ; quelques-uns d’entre eux, le plus souvent Malatesta, se rendirent avec lui dans divers villages et y enrôlèrent des paysans pour le mouvement.

Un auxiliaire inattendu se joignit à eux : c’était Kraftchinsky, dont Malatesta avait fait la connaissance l’année précédente, à l’occasion des affaires de la Hertségovine. À la fin de 1876 ou au commencement de 1877, Kraftchinsky se rendit de Paris à Naples, en compagnie de Mme Volkhovskaïa, qui, phtisique au dernier degré, devait passer l’hiver en Italie, et d’une autre jeune femme russe dont je ne sais pas le nom. On le mit au courant du projet, et il s’y associa ; il écrivit même, à l’usage des révolutionnaires italiens, un petit manuel exposant la tactique de la guerre de bandes[1]. Nos amis, qui n’avaient songé d’abord qu’à faire acte de propagande, en vinrent-ils, à un certain moment, à se figurer que de leur mouvement pourrait sortir une insurrection générale ? il est difficile de le dire ; peut-être plusieurs d’entre eux se bercèrent-ils de ce rêve. La calme réflexion a beau la contredire, il arrive qu’on prête l’oreille, en dépit de tout, à la voix d’une illusoire espérance.

Ainsi se passa l’hiver ; Naples était le centre où les organisateurs du futur mouvement avaient leur quartier-général ; et un certain nombre d’affiliés, en Romagne, en Émilie, en Toscane, dans les Marches et l’Ombrie, se tenaient prêt à partir pour rejoindre leurs camarades aussitôt que le signal de l’action leur aurait été donné.


Coïncidence remarquable : tandis qu’en Italie on songeait à faire de la propagande sous la forme de mouvements insurrectionnels, en Russie une idée analogue s’était fait jour dans certains groupes socialistes[2]. Quelques révolutionnaires résolurent, pour frapper l’imagination populaire, d’organiser une démonstration dans la rue, en plein Pétersbourg, avec déploiement du drapeau rouge. Et les Russes devancèrent les Italiens dans la réalisation de leur plan. Ils prirent pour prétexte une manifestation de sympathie en faveur de Tchernychevsky, déporté en Sibérie depuis 1864 : on choisit le jour de la fête du saint dont il portait le nom (la Saint-Nicolas, 6-18 décembre 1876), et, dans l’église de Notre-Dame-de-Kazan, à Pétersbourg, une foule nombreuse d’étudiants, d’étudiantes et d’ouvriers se réunit pour assister à un service religieux commémoratif. À l’issue du service, la foule — un millier de personnes environ — se groupa sur la place devant l’église ; un jeune homme, un étudiant, prononça un discours pour rappeler les noms de ceux qui avaient souffert pour la cause populaire, en ajoutant : « Nous nous sommes rassemblés pour manifester ici, devant la Russie tout entière, notre solidarité avec ces hommes ; notre drapeau est leur drapeau ; il porte la devise : Terre et liberté ! » Un drapeau rouge sur lequel se lisaient les mots Terre et liberté fut alors déployé aux acclamations de la foule et aux cris répétés de : « Vivent la terre et la liberté ! Vive le peuple ! Mort au tsar ! » Mais bientôt arrivèrent la police et les cosaques, et on en vint aux mains. La police ne put réussir à s’emparer de l’étudiant qui avait parlé (c’était Georges Plekhanof, alors âgé de dix-neuf ans, qui depuis… !), mais elle arrêta une vingtaine d’hommes et onze femmes, qui, deux mois après, furent condamnés, les uns aux travaux forcés, les autres à l’exil en Sibérie. Quant à Plekhanof, il parvint à quitter Pétersbourg, à franchir la frontière, et se réfugia à Genève.

Le Vorwärts de Leipzig publia, au sujet de cette manifestation, une appréciation malveillante : il déclara que la démonstration du 18 décembre était « ou bien un coup monté par la police, ou bien un enfantillage », et que « ceux qui y avaient pris part n’étaient en tout cas pas des socialistes ». Quelques ouvriers et étudiants adressèrent alors à l’organe officiel du Parti socialiste allemand une lettre de rectification ; ils se plaignaient que la rédaction du Vorwärts eût emprunté ses renseignements aux organes du gouvernement russe, et la priaient d’insérer un récit exact des faits, qu’ils lui envoyaient. Le Vorwärts publia le récit, mais en ajoutant « qu’il persistait dans sa première appréciation ».


Dans son numéro du 12 novembre, le Bulletin publia l’entrefilet suivant au sujet de Gambetta :

« Dans le discours qu’il a récemment prononcé à Belleville, en une réunion privée, Gambetta a dit que la Commune était un crime. Ce qui n’a pas empêché ce charlatan d’aller, trois jours après, à l’enterrement de la sœur de Delescluze, du plus criminel parmi les hommes de la Commune... Est-ce que tous les moyens ne sont pas bons pour se faire de la popularité ? Le discours de Belleville était destiné aux oreilles de la bourgeoisie ; mais comme il y a des électeurs ouvriers et socialistes, qu’il faut amadouer aussi, on trouve habile de se faire passer à leurs yeux pour un admirateur de Delescluze. Et les majorités qui vont à l’urne électorale sont si bêtes, que ces trucs grossiers réussissent toujours. »

Notre correspondant de Paris nous envoyait des détails sur la misère qui régnait dans cette ville par suite du chômage croissant : « Les politiqueurs parlent avec épouvante de la guerre qui va peut-être éclater en Orient, et de la possibilité de voir la Russie s’établir sur le Bosphore et fermer ainsi à l’industrie de l’Occident d’importants débouchés, — comme s’il était indispensable à la prospérité de la France de transporter au loin ses produits, pour les faire consommer en Asie, tandis que dans Paris seul plus de quatre cent mille bouches réclament une consommation qu’on leur refuse, et offrent huit cent mille bras pour reproduire l’équivalent des produits qu’ils auraient consommés ! »

Le même correspondant appréciait ainsi le caractère du mouvement ouvrier parisien : « Bien que le mouvement actuel des corporations ouvrières parisiennes n’en soit encore qu’à sa phase préparatoire, qu’il ne soit en quelque sorte qu’ébauché, et que beaucoup d’idées arriérées s’y mêlent aux aspirations socialistes, il y a cependant un fait que nous constatons avec plaisir : c’est que ce mouvement est anti-gouvernemental, anti-étatiste si l’on peut se permettre cette expression barbare. Le programme des corporations parisiennes est en cela précisément l’opposé du programme des ouvriers anglais ou allemands : tandis que ces derniers réclament l’intervention de l’État, et se posent pour idéal d’avenir un État populaire, un État-Providence qui prendrait en mains la gestion du travail social, les ouvriers parisiens repoussent le concours de l’État : ils ne veulent pas entendre parler d’une organisation du travail qui aboutirait à ériger le gouvernement en patron ou en capitaliste commanditaire des associations ouvrières. L’organe le plus répandu des sociétés ouvrières de Paris, la Tribune, s’exprime à ce sujet de la façon la plus catégorique dans son numéro du 6 décembre...

« Qu’on remarque bien une chose. Du temps de l’empire, lorsque les internationaux déclaraient qu’ils ne voulaient rien avoir à faire avec l’État, il pouvait rester quelque place à un malentendu, à une interprétation erronée : on pouvait prétendre que ce qu’ils repoussaient, ce n’était pas l’État en lui-même, mais seulement l’empire. Mais aujourd’hui les choses ont changé : l’empire n’est plus là, la France est en république démocratique, le peuple est souverain ; en s’adressant à l’État, les ouvriers ne mendieraient plus les faveurs d’un gouvernement usurpateur, ils réclameraient l’appui du gouvernement élu par le peuple lui-même. Et cependant les ouvriers témoignent autant de répugnance pour l’État-république que pour l’État-empire : ce qui signifie clairement qu’ils ne veulent pas du socialisme d’État, du socialisme autoritaire. »

Le 17 décembre, le Bulletin publia une lettre de Ferdinand Gambon signalant les mauvais traitements dont les détenus politiques étaient victimes dans la prison de Belle-Isle-en-Mer.

Dans le courant de décembre, le ministère Dufaure fit place à un ministère Jules Simon, dont le Bulletin salua l’avènement en ces termes : « Grande nouvelle ! Le ministre Dufaure, l’auteur de la loi contre l’Internationale, est renversé du pouvoir, et il est remplacé à la présidence du Conseil par un membre de l’Internationale ! Oui, par un membre de l’Internationale, reçu dans l’association en février 1865, sous le n° 606, ainsi que le constatent les registres du bureau de Paris. Voilà ce qui s’appelle un triomphe du socialisme, ou je ne m’y connais pas ! — Malheureusement, le n° 606 s’appelle Jules Simon, généralement connu dans le monde politique sous le nom de « Judas Sinon », un traître et un fourbe. Consolons-nous, ce n’est pas des ministres que le peuple ouvrier attend son salut. »


J’ai dit que Malon avait réussi à surprendre la bonne foi des rédacteurs du Mirabeau, et qu’il se servait de ce journal pour diriger des attaques contre les révolutionnaires de France et d’Italie. En décembre, il lit envoyer au Mirabeau, par son factotum le cuisinier Joseph Favre, je ne sais plus quel article où étaient pris à partie Pindy et Brousse. Le Bulletin publia à ce sujet les lignes suivantes (7 janvier 1877) : « Les délégués français au Congrès de Berne nous prient d’annoncer que les sections qu’ils ont représentées à ce Congrès datent de 1872, et ont déjà voté au Congrès général de 1873 d’une manière collective, comme Fédération française. Ceci en réponse à une ineptie signée Favre, qui a paru dans un numéro du Mirabeau. »


On a vu que notre correspondant de Belgique avait écrit au Bulletin, après le Congrès belge du 1er octobre, qu’il doutait qu’à Verviers on fût disposé à appuyer la pétition gantoise relative au travail des enfants dans les fabriques. En effet, quelques socialistes verviétois publièrent dans le courant d’octobre une brochure[3] où ils disaient que « la question telle qu’elle était posée dans la pétition en circulation ne changerait rien au sort du prolétariat, et que c’était une illusion que de demander des réformes à la bourgeoisie, attendu que celle-ci ne ferait jamais que ce qui lui serait imposé par la force[4] ». Toutefois, à une lettre de la fédération anversoise de l’Internationale demandant qu’un meeting fût tenu à Verviers pour discuter la question, et annonçant qu’elle y enverrait des délégués, le Conseil fédéral de la vallée de la Vesdre répondit en acceptant la proposition et en fixant le meeting au 26 novembre. Le meeting eut lieu, et réunit quelques centaines de travailleurs. Un délégué d’Anvers y fit un appel chaleureux aux ouvriers du bassin de la Vesdre, en déclarant que si la pétition, après qu’elle aurait obtenu l’adhésion des travailleurs wallons, était repoussée par la Chambre, les Flamands alors s’uniraient aux Wallons pour lutter par la force contre l’ennemi commun. « Je vous demande, dit-il, encore un dernier effort, la main dans la main, un dernier essai avant de nous lancer définitivement dans les voies violentes. » Ce langage, qui n’était pas dépourvu d’habileté, fut vigoureusement applaudi. Mais P. Bastin et G. Gérombou combattirent le pétitionnement ; et lorsque, après une longue discussion, ou passa au vote, 27 mains seulement se levèrent en faveur de la pétition, 4 se levèrent contre ; tout le reste des assistants s’abstint. « Les ouvriers du bassin de la Vesdre, écrivit Émile Piette dans une lettre que publia le Bulletin, sont restés ce qu’ils étaient et n’ont aucunement changé d’idée : socialistes et révolutionnaires, ils ne peuvent et ne sauraient pactiser avec les partis bourgeois… La pétition sera mise au panier, et on s’occupera, comme du passé, de choses plus sérieuses que les pétitionnements. »

Notre Bulletin rappela aux Belges ce que le Volksstaat avait écrit en 1874 à propos d’une pétition analogue à la leur, que l’association autrichienne Volksstimme avait adressée à la Chambre des députés d’Autriche. « Nous pensons — avait dit le journal de Liebknecht et de Bebel — qu’après avoir vu leur pétition enterrée avec si peu de cérémonie, les ouvriers autrichiens comprendront une fois pour toutes que, par la voie parlementaire, ils ne peuvent pas même obtenir une minime amélioration de leur sort, à plus forte raison une amélioration radicale, et que ceux qui engagent la classe ouvrière à continuer dans cette voie sont, ou bien des hommes incapables et sans intelligence, ou bien des spéculateurs malhonnêtes et égoïstes. » (Voir t. III, p. 173.) Mais les meneurs des ouvriers flamands étaient bien décidés à faire la sourde oreille.

À Verviers, il s’était constitué, le 1er novembre, un cercle avant pour but « l’étude et la propagation des idées socialistes » ; il se donna pour nom l’Étincelle, cercle d’économie sociale. Ses fondateurs furent des ouvriers qui pendant des années avaient, dans le Mirabeau, lutté énergiquement pour la cause prolétarienne. Ce journal, à la suite d’intrigues dont je ne connais pas exactement le détail, était maintenant dominé par des influences qui tendaient à le transformer en un organe hostile à nos tendances ; une partie de ceux qui y avaient tenu ferme le drapeau du socialisme révolutionnaire, des hommes comme Émile Piette, Gérard Gérombou et quelques autres[5], s’étaient vus mis à l’écart : on refusait leurs articles, et on accueillait ceux de Sellier, un professeur français réfugié en Belgique, appartenant à la secte « positiviste », et qui, sous l’anagramme de Resille, attaquait et calomniait nos amis[6]. Le cercle l’Étincelle, fondé pour tenir tête à cette intrigue réactionnaire, fut un actif foyer de propagande ; et, grâce à son action, grâce aussi à l’intervention des Jurassiens et des Italiens, on verra, au cours de l’année 1877, les idées révolutionnaires reconquérir droit de cité dans le Mirabeau.

Le 10 décembre eut lieu à Bruxelles une réunion de délégués de différentes associations ouvrières. Cette réunion-conférence, qui avait été convoquée par la Chambre du travail de Bruxelles, donna son appui au pétitionnement en faveur d’une loi sur le travail des enfants ; elle approuva en outre l’idée de créer en Belgique une fédération de toutes les corporations du pays, qui prendrait le nom d’Union ouvrière belge. « Si ce mouvement, dit à ce propos le Bulletin (24 décembre), doit amener à l’Internationale, par une voie indirecte, celles des sociétés ouvrières belges qui jusqu’à présent étaient restées indifférentes, nous nous en féliciterons, quoique le programme pratique développé dans la réunion de Bruxelles ne soit pas le nôtre. »

Mais les initiateurs de la conférence de Bruxelles n’avaient nullement l’intention d’amener les sociétés ouvrières belges à l’Internationale ; tout au contraire, leur but secret — Louis Bertrand l’a raconté dans son Histoire de la démocratie et du socialisme en Belgique — était de la supplanter.

Qu’était-ce que la Chambre du travail de Bruxelles ?

Ce groupement avait été fondé un an auparavant par Gustave Bazin[7], ouvrier bijoutier, et par le jeune Louis Bertrand, secrétaire de la chambre syndicale des ouvriers marbriers de Bruxelles, qui tous deux faisaient partie de la Section bruxelloise de l’Internationale. « Dans des conversations particulières, — raconte Louis Bertrand (t. II de son Histoire, p. 294), — après les séances de l’Internationale, Bazin et quelques autres parlaient souvent de l’utilité qu’il y aurait de fédérer les quelques sociétés ouvrières de Bruxelles, afin de donner au mouvement socialiste un centre d’action et de propagande. De Paepe, consulté par nous, approuvait fort l’idée, bien qu’elle dût déplaire aux anciens de l’Internationale, qui semblaient craindre la création d’un autre groupe fédératif que le leur, qui n’existait du reste plus que de nom[8]. C’est ainsi que le 4 janvier 1875 fut fondée la Chambre du travail, fédération des sociétés ouvrières bruxelloises. Son programme était bien modeste : elle voulait simplement fédérer les groupes professionnels ouvriers, dans le but de défendre les intérêts qui étaient communs à tous les travailleurs. Voilà ce qui se disait ouvertement dans les appels adressés aux associations ouvrières. Mais les initiateurs de ce nouveau groupement avaient une ambition plus grande : ils voulaient créer un centre d’action et de réveil socialiste qui se bornerait à travailler Bruxelles pour le moment, mais qui devait, dans la suite, s’étendre au pays entier et en faire sortir un Parti socialiste belge. À peine constituée, la Chambre du travail eut à subir un double assaut. Les membres de la Section bruxelloise de l’Internationale protestèrent contre cette organisation nouvelle qui, dans leur pensée, devait remplacer leur groupement. D’un autre côté, dans les sociétés ouvrières dont on sollicitait l’affiliation, on déclarait que la Chambre du travail était en réalité l’Internationale ressuscitée sous une autre forme, et on ne voulait pas en entendre parler. »

Les fondateurs de la Chambre du travail de Bruxelles s’étaient mis en rapport avec le groupe des socialistes gantois, à la tête duquel était alors Edmond Van Beveren, ouvrier peintre en bâtiment, qui, ayant « étudié la littérature socialiste allemande, fut bientôt acquis à la méthode sociale-démocratique des marxistes allemands » (L. Bertrand). Les Gantois prétendaient imposer d’emblée leur tactique à toute la classe ouvrière belge, tandis que les Bruxellois, plus prudents, ne voulaient procéder que par degrés ; mais les uns et les autres étaient d’accord pour mettre au rancart l’Internationale, comme une machine usée. Et c’est ainsi que la Chambre du travail avait convoqué pour le 10 décembre la réunion de laquelle elle espérait faire sortir une organisation ouvrière nationale. Louis Bertrand explique en ces termes ce qui se passa :

« Ce n’était pas chose facile. Les anciens de l’Internationale, à Bruxelles surtout, Brismée, Steens, Verrycken, Standaert et d’autres, conservaient l’espoir de voir revivre la grande Association et regardaient comme sacrilège le fait de tenter l’organisation d’un autre groupement embrassant tout le pays. De Paepe, qui, tout en étant encore membre de l’Internationale, nous encourageait dans nos tentatives, fut blâmé fortement et faillit même être exclu de la Section bruxelloise. D’un autre côté, la méthode nouvelle, c’est-à-dire l’action à la fois politique et économique des ouvriers, n’avait pas encore obtenu l’adhésion de tous les travailleurs organisés, et il y eut là encore bien des résistances à vaincre. Il fallut donc se montrer très prudent, ne pas mécontenter les internationalistes et ne pas affirmer trop vigoureusement la tendance nouvelle, et ce pour réunir le plus d’adhésions possible... On voulait grouper en une seule organisation toutes les associations ouvrières et socialistes belges : mais quels seraient le programme et les statuts du parti nouveau ? Les Flamands, Gantois et Anversois, préconisaient l’adoption du programme du Parti socialiste allemand ; les Bruxellois étaient, en majorité, du même avis ; mais les Wallons de Verviers, du Centre et de Charleroi montraient encore quelque répugnance à faire de l’agitation politique et à inscrire la revendication du suffrage universel en tête du programme... Nous proposâmes, en guise de conciliation, que l’accord existerait sur le but économique et social commun à tous, mais que la participation au mouvement politique serait facultative pour les groupes qui ne voulaient pas encore en entendre parler. Cette proposition fut mal accueillie par les socialistes flamands, et l’on se sépara sans avoir rien fait de bien sérieux. »

Mais la question devait être reprise l’année suivante.


L’Angleterre subissait une crise industrielle. « Les quatre grandes industries du pays, fer, acier, houille, et coton, vont mal », nous écrivait le correspondant du Bulletin. « Mais les patrons ne veulent aucunement renoncer aux gros bénéfices qu’ils réalisaient : en conséquence, on diminue le salaire de l’ouvrier. Les diminutions se font de 10, 15, et même parfois de 25 pour cent. Tout ce qui avait été gagné pendant ces vingt dernières années par des grèves se perd donc au premier ralentissement de l’industrie. »


Dans son numéro du 3 décembre, le Bulletin raconta une émeute qui avait eu lieu sur le domaine de Zazonskowa, près de Neumarck (Prusse) : un certain nombre de paysans, irrités des procédés de l’inspecteur, le menacèrent et le battirent ; le propriétaire et son beau-frère vinrent à son secours, et le beau-frère tua un paysan d’un coup de feu ; mais les deux seigneurs durent alors se réfugier dans leur maison, où ils furent assiégés ; l’émeute finit par l’arrestation de deux paysans désignés comme meneurs. « Ce fait — conclut le Bulletin — prouve que le tempérament révolutionnaire n’est pas propre seulement aux têtes brûlées d’Espagne et d’Italie, et que, malgré le programme légal et la tactique parlementaire prônés dans d’autres pays, on le trouve partout où il y a des exploités qui ont intérêt à un changement immédiat de l’ordre de choses actuel. »


La commission de correspondance du Congrès de Berne avait envoyé à l’Association démocratique de Patras le Compte-rendu du Congrès. Celle-ci répondit, en décembre, par une lettre disant : « Si nous avons bien compris votre pensée, nous sommes persuadés qu’il y a complète harmonie entre nos idées et les principes de votre programme. Ayant grand désir d’établir des relations plus intimes avec vous, nous commencerons dès ce jour avec vous une correspondance régulière. »


La Section internationale de Montevideo, qui n’avait pu être prévenue en temps utile de la date exacte du Congrès de Berne, avait adressé au Comité fédéral jurassien un mandat qui n’arriva qu’au commencement de décembre. La lettre d’envoi disait entre autres : « Veuillez nous envoyer l’adresse des organes de l’Association internationale, afin que nous puissions nous y abonner. Recevez un salut fraternel de la part d’hommes qui désirent fortifier notre Association par la solidarité et établir des relations régulières avec vous, afin que nous marchions unis et d’accord pour la grande œuvre que vous avez entreprise et à laquelle nous voulons travailler avec vous. »


La situation de l’industrie horlogère, dans le Jura neuchâtelois et bernois, ainsi qu’à Genève, apparaissait de plus en plus compromise ; et aux maux de la crise présente, dont souffraient si fort les ouvriers, se joignaient les menaces de l’avenir. Un industriel neuchâtelois, M. Favre-Perret, qui avait fait partie du jury international à l’Exposition de Philadelphie, et avait recueilli des renseignements sur la fabrication de la montre aux États-Unis, fit à son retour une tournée de conférences à Neuchâtel, au Locle, à la Chaux-de-Fonds, à Saint-Imier, pour raconter ce qu’il avait vu, et indiquer ce qui lui paraissait l’unique moyen de sauver, en Suisse, l’industrie horlogère en péril. Les Américains ont établi d’immenses fabriques, dans lesquelles la montre se fait d’un bout à l’autre à la machine : ces fabriques distribuent à leurs actionnaires de gros dividendes, qui se sont élevés jusqu’à 40 %, et qui, en 1875, malgré la crise, étaient encore de 12 % pour la fabrique de Waltham. Il faut donc que, en Suisse aussi, des sociétés d’actionnaires se constituent, que des « fabriques » de montres s’installent à la Chaux-de-Fonds, au Locle, à Saint-Imier, à Bienne, à Porrentruy. Les actionnaires pourront se partager, dans les années de crise, des dividendes de 12 % ; quant à la population ouvrière, elle ira, pour une partie, peupler ces fabriques ; l’autre partie, inemployée, devra trouver d’autres moyens d’existence, ou émigrer, ou mourir de faim. Telles étaient les perspectives ouvertes par les révélations de M. Favre-Perret aux « établisseurs » (c’est-à-dire aux petits patrons), aux chefs d’atelier, et aux salariés de l’industrie horlogère.

Ces conférences produisirent une grande émotion dans le pays. Au Val de Saint-Imier, la Commission d’organisation de la Fédération ouvrière du district de Courtelary convoqua une grande assemblée populaire, qui eut lieu à Saint-Imier le 18 décembre. L’assemblée, où furent représentées diverses nuances d’opinion, adopta à l’unanimité, après discussion, le texte d’un Manifeste aux populations horlogères, qui fut imprimé. La situation y était clairement exposée, et la solution indiquée en ces termes[9] :


L’industrie horlogère, comme beaucoup d’autres industries importantes, subit les lois de la production moderne ; elle entre dans la phase de la production centralisée dans les mains de compagnies financières, elle assiste à la disparition de la classe moyenne pour ne laisser en haut que quelques riches entrepreneurs, et en bas un prolétariat.

Appropriation de tout au profit de quelques-uns, transformation des conditions de l’industrie au profit d’une minorité qui se réduira toujours, tel est le mot de la situation.

L’Internationale a posé la question autrement. Nous sommes pour la science, pour le perfectionnement de l’outillage, pour l’emploi des machines, pour la production sur une grande échelle, mais à condition que ces progrès soient au bénéfice de tous, et non au profit exclusif de quelques-uns.

Ouvriers ! Il faut choisir entre les deux solutions : consentir à n’être que des machines vivantes dans l’immense engrenage industriel, ou vouloir être des hommes donnant leur part de travail, mais jouissant aussi de leur part légitime des fruits de la production collective.

Suivant la solution à laquelle vous vous rattacherez, vous vous prêterez à l’abaissement moral et physique des populations ouvrières, ou vous contribuerez à préparer un avenir de réparation et de justice.


La Fédération jurassienne témoignait d’une énergique vitalité et d’une force d’expansion croissante. À Genève, à la suite de l’expulsion d’Auguste Reinsdorf de la Société typographique de la Suisse romande, prononcée par le Comité central de cette société[10], il se constitua, le 14 novembre, une Section internationale de typographes, qui, déclarant poursuivre le but de l’Internationale, adhéra à la Fédération jurassienne. Quinze jours plus tard, dans la même ville. était formée une Section de propagande de langue allemande, qui envoya également son adhésion au Comité fédéral jurassien.

Le dimanche 12 novembre eurent lieu dans le canton de Genève les élections pour le Grand-Conseil : les listes radicales passèrent tout entières dans les trois collèges, sauf un seul nom ; il y eut donc 119 députés radicaux et un député conservateur élus. Les radicaux avaient placé sur leurs listes neuf candidats ouvriers, pour s’assurer les voix des travailleurs. Ce résultat fut annoncé par la dépêche suivante, que publia la Tagwacht : « Victoire complète de la liste radicale. Neuf candidats ouvriers élus. Notre travail a été récompensé. Grande allégresse. Becker, Gehrig. » Le Bulletin, par la plume d’un correspondant genevois, commenta ainsi cette nouvelle :


La Tagwacht publie sous la signature des socialistes Becker et Gehrig un télégramme qui est un indicible cri de joie, de triomphe, d’enthousiasme et d’espoir, pour célébrer la grande victoire électorale remportée dimanche 12 novembre... Eh bien, ce beau succès nous laisse froids ; cet enthousiasme nous cause la plus pénible impression... Nous sommes partisans de l’abstention des travailleurs en matière électorale ; nous croyons que la participation directe ou indirecte des ouvriers dans l’élaboration des lois d’un État n’est pas le meilleur chemin à suivre pour renverser le colosse qui perpétue la misère humaine. Mais, si telle est notre conviction, nous ne saurions toutefois refuser nos sympathies et même notre concours à ceux qui choisissent cette voie pour arriver au but que nous nous proposons tous. Pourtant, c’est à une condition : c’est qu’à l’exemple de nos frères d’Allemagne, cette participation de la classe ouvrière aux luttes politiques se fasse sans être souillée par des compromissions avec l’ennemi... Il est de fait que les ouvriers de Genève veulent prendre part aux luttes politiques. Eh bien, soit ! mais que du moins ils le fassent avec dignité, qu’ils se constituent en parti à part, indépendant de toute attache bourgeoise. Il y a plus de cinq mille ouvriers électeurs à Genève : que ne s’entendent-ils entre eux ? Une telle force na plus besoin du concours des bourgeois, elle n’a qu’à s’organiser pour être absolument maîtresse du collège de la ville. Alors ce ne serait plus une maigre et stérile représentation de neuf députés, concédée par grâce, que posséderaient les travailleurs de Genève ; ils auraient dans l’assemblée législative quarante-trois sièges qu’ils ne devraient qu’à eux-mêmes... Ce jour-là, nous nous associerons de grand cœur à l’enthousiasme de la victoire remportée par les ouvriers genevois sur la bourgeoisie de toute nuance ; mais jusque-là on comprendra notre réserve en face de résultats stériles honteusement obtenus par des compromis de dupes.


Dans une réunion qui eut lieu, en décembre, au Deutscher Arbeiterverein, à Genève, on échangea des explications sur la véritable signification de ces élections. Deux des candidats ouvriers élus, Lichtenberg et Hoferer, étaient présents. Lichtenberg déclara qu’il considérait les élections à la fois comme moyen de propagande et comme moyen d’émancipation pour les ouvriers : en Suisse, dit-il, on possède la liberté de la presse, le droit de réunion et d’association ; aucun obstacle n’empêcherait donc le peuple suisse d’établir immédiatement la République sociale ; il ne lui manque que la compréhension des choses. Hoferer expliqua la nécessité d’une alliance des ouvriers avec les radicaux : « Nous n’avions, dit-il, le choix qu’entre ces deux alternatives : ultramontains ou radicaux ; nous avons donné la préférence à ces derniers, parce qu’ils offraient à notre parti dix sièges ; c’est là une faveur que les radicaux nous ont faite, car sans notre concours leur liste aurait passé tout de même ».

Kachelhofer et Franz publièrent dans la Tagwacht, au nom d’un groupe de membres de l’Arbeiterbund, un article blâmant l’alliance électorale conclue à Genève. « Une alliance de ce genre, dirent-ils, ne peut qu’enraciner dans les ouvriers suisses la triste habitude de tirer les marrons du feu pour la bourgeoisie, et gâter d’avance le terrain pour la constitution d’un parti ouvrier indépendant… Si les ouvriers veulent participer aux élections, ils doivent toujours avoir leurs listes de candidats à eux. L’important, ce n’est pas de gagner quelques sièges dans les assemblées, c’est d’éveiller chez les ouvriers la conscience de leur existence comme classe spéciale… Nous sommes bien résolus, de ne pas permettre plus longtemps, en ce qui nous concerne, que le mouvement ouvrier suisse soit exploité, à dessein ou inconsciemment, pour en faire un marche-pied à l’un ou à l’autre des partis bourgeois. »

Le Bulletin reproduisit une partie de cet article, en ajoutant :

« Bravo ! voilà qui s’appelle parler. Avec des hommes qui pensent de la sorte, nous pourrons marcher d’accord, quelles que soient d’ailleurs les divergences théoriques qui nous séparent sur des questions d’avenir. »

Mais la Tagwacht avait supprimé, en la remplaçant par une ligne de points, une phrase de l’article de Franz et de Kachelhofer, et cette suppression fut relevée par le Bulletin en la façon qu’on verra au chapitre suivant (p. 152).

Dans ce même mois de novembre, les membres de l’Arbeiterbund furent appelés à voter sur le choix d’un rédacteur pour la Tagwacht. Un parti voulait le maintien du rédacteur Greulich ; d’autres, mécontents de la direction donnée à la Tagwacht, désiraient remplacer Greulich par une autre personnalité, et avaient proposé J. H. Staub[11], de Glaris. Au vote, Greulich obtint 1401 voix, Staub 416. Nous apprîmes, par ces chiffres (qui nous révélaient en même temps la faiblesse numérique de l’association), que près d’un quart des membres de l’Arbeiterbund avaient des velléités d’indépendance.

Le 24 décembre, le Comité central de l’Arbeiterbund, siégeant à Winterthour, adressait au Comité fédéral jurassien une lettre signée Herter, où l’on nous proposait de nous communiquer mutuellement et de publier les nouvelles concernant les accidents du travail. « Veuillez, disait la lettre, publier dans votre Bulletin tous les accidents d’ouvriers dont vous aurez connaissance de la part de vos sections, ainsi que ceux que nous publierons de notre côté dans la Tagwacht. Nous ferons de même. Nous trouverons là un excellent moyen, non seulement de montrer à nos législateurs combien leurs discours sur le bonheur des ouvriers sont vrais, mais encore de montrer aux ouvriers eux-mêmes combien il est nécessaire, au lieu de se quereller et de se diviser pour des principes théoriques, de s’entr’aider et de marcher unis sous le drapeau du prolétariat. »

En publiant cette lettre, et en remerciant le Comité de l’Arbeiterbund pour son initiative, notre Bulletin (31 décembre) fit cette observation : « Combien ce langage est différent de celui de la fameuse lettre de J.-Ph. Becker, si haineuse, si pleine de fiel et de mauvaise foi, dont l’auteur rejetait la conciliation proposée par nous... Le citoyen Becker n’a heureusement pas été écouté de tout le monde ; et la lettre du Comité de l’Arbeiterbund prouve une fois de plus que, tout en différant sur des questions théoriques et sur des points de tactique très essentiels, on peut se rapprocher et marcher d’un commun accord sur tous les terrains où l’entente est possible. »

Dès son premier numéro de 1877, le Bulletin ouvrit une rubrique que nous intitulâmes Aubaines et profits des travailleurs en Suisse, titre emprunté à l’organe des internationaux parisiens de 1870, le Socialiste.


Dans le Bulletin du 26 novembre, une lettre de Saint-Imier signalait ce fait que, lors des fêtes et des réunions familières, « le choix, soit de chansons, soit de morceaux de déclamation ayant un caractère socialiste, présentait des difficultés sérieuses » : en conséquence, le correspondant proposait qu’on entreprit la publication d’un recueil de chansons et de pièces de vers. Cette idée reçut un accueil favorable ; les sections et les groupes socialistes furent invités à envoyer au Comité fédéral jurassien les pièces qu’ils jugeraient convenable de proposer pour être admises dans le recueil. Mais la chose traîna en longueur, et le recueil ne fut pas publié.

Le groupe qui, en 1874, avait édité à Genève pendant quelques mois la Revue socialiste, publia à la fin de 1876 un almanach socialiste pour 1877, intitulé la Commune. Cet Almanach, dont les collaborateurs avaient été recrutés avec un éclectisme intentionnel, fut imprimé à l’imprimerie du Rabotnik, 26, Chemin de Montchoisy ; il contient les articles suivants : L’avenir de nos enfants, par Élisée Reclus ; Paris sous la Commune, par Arthur Arnould ; La liberté, par Paul Brousse ; Stenko Razine, par Alexandre Œlsnitz ; De la justice en France, par Élie Reclus ; Aux travailleurs des communes de France, par F. Gambon ; De l’antagonisme des classes, par Adhémar Schwitzguébel ; Les délégations ouvrières aux Expositions internationales, par Adolphe Clémence ; Le parti socialiste en Russie, par Z. Rall i; Études de socialisme rationnel, par Un ouvrier parisien.

Dans son numéro du 29 novembre, la Tagwacht publia une « lettre ouverte » adressée à César De Paepe par la Section du Ceresio (Zanardelli, Nabruzzi, etc.), dans laquelle cette Section se plaignait que son délégué Ferrari n’eût pas été admis au Congrès de Berne. C’était une erreur : on a vu au contraire (p. 93, note) que le mandat délivré par la Section du Ceresio n’avait pas été contesté. Cette réclamation aussi injustifiée qu’intempestive appela de nouveau l’attention sur le petit groupe des dissidents de Lugano, et le Bulletin du 17 décembre publia l’entrefilet suivant :


Un membre de l’Internationale nous écrit de Lugano en date du 13 courant : « Si la Section dite du Ceresio existe, il faut qu’elle soit clandestine. Personne ici n’en parle ou ne veut en entendre parler. Elle a réussi d’autre part à discréditer le travail socialiste dans cette ville ; car tous les Luganais qui en ont fait partie en sont sortis dégoûtés ; et maintenant, confondant le Ceresio avec l’Internationale et le socialisme, ils croient que tous les socialistes sont des brouillons et que l’Association internationale est une machine à escroquer de l’argent. »


Sept semaines plus tard (4 février 1877), on put lire encore dans le Bulletin cet autre entrefilet :


Le Mirabeau du 28 janvier a publié une lettre signée Joseph Favre, chef de cuisine, et émanant de la Section dite du Ceresio (ou de Lugano). Cette lettre prétend que l’entrefilet publié par le Bulletin dans son numéro du 17 décembre passé, et dans lequel un membre de l’Internationale émettait un jugement défavorable sur la prétendue Section du Ceresio, — que cet entrefilet, disons-nous, bien que daté de Lugano, a été fabriqué à Neuchâtel.

La rédaction du Bulletin déclare que l’entrefilet en question, dont le texte original en italien est encore entre ses mains, lui a été envoyé de Lugano par le citoyen Malatesta.

Quant aux diverses injures, calomnies et insinuations qui forment le reste de la lettre signée Favre, nous n’y répondrons pas.


Favre et son ami Malon empochèrent sans souffler mot le démenti de Malatesta.




  1. Ce manuscrit a été rendu à Kraftchinsky en 1893, et sans doute il existe encore.
  2. Voir, à ce propos, les idées émises, dès 1870, par le correspondant du Bulletin, B. Zaytsef, sur la nécessité d’ajouter à la propagande pacifique la lutte à main armée (tome III, p. 306.)
  3. De Paepe avait mentionné cette brochure dans son rapport au Congrès de Berne (voir ci-dessus p. 98).
  4. Guillaume De Greef avait écrit le 26 septembre 1876 aux auteurs de la pétition : « S’il existait en Belgique une organisation ouvrière sérieuse, elle n’aurait pas besoin de pétitionner à la Chambre des représentants pour obtenir ce qu’elle serait en état d’exécuter sans l’intervention du bon plaisir d’une autorité quelconque ; elle n’aurait qu’à s’engager elle-même à ne plus envoyer ses enfants à l’atelier. La Chambre des représentants, qui représente la banque, la grande industrie et le trafic, ne cédera donc que si cela lui plaît. » (Lettre citée par Louis Bertrand dans l’Histoire de la démocratie et du socialisme en Belgique, 1907, t. II, p. 298.)
  5. Malon, qui était maintenant en froid avec ces militants, avait fait l’année précédente, dans une lettre à Mathilde Rœderer du 10 novembre 1875, leur éloge en ces termes : « Je voudrais vous intéresser à un journal socialiste belge dans lequel j’écris et qui est rédigé exclusivement par des ouvriers. Ce journal a pour rédacteur en chef un ouvrier tisserand qui ne sait pas très bien son orthographe, et pour inspirateur un groupe que vous aimeriez. Il y a surtout mes excellents amis Pierre Bastin, Gérard Gérombou et Mme Gérombou, qui sont véritablement charmants. Le journal n’est pas bien fait, tant s’en faut, mais toutes les observations qu’on fait à ce sujet sont reçues avec des remerciements et l’on en tient compte. Ces jeunes ouvriers veulent bien faire, il faut les aider. »
  6. Sellier écrivait, par exemple, dans le Mirabeau du 3 décembre 1876 : « L’autonomie semble être un mot jeté par la bourgeoisie au sein de la classe ouvrière pour la diviser. L’autonomie a tué l’Internationale. L’autonomie, sachons-le bien, c’est la division : nous sommes pour la centralisation. » Cette attitude de Sellier — qui était un ami de De Paepe — nous força de lui donner sur les doigts. Le Bulletin du 14 janvier 1877 publia ce qui suit :
    « On nous affirme que le correspondant du Mirabeau qui signe Résille est le même personnage qui a publié, dans l’Économie sociale du 17 juin 1876, un article intitulé Confession d’un révolutionnaire. Dans cet article, l’auteur, M. Sellier, après avoir raconté sa participation aux événements de la Commune, avoue avoir signé à deux reprises une demande en grâce ; et il termine par des réflexions sur l’amnistie, dans lesquelles il engage les proscrits de la Commune à amnistier leurs bourreaux ! Voici quelques lignes de cette triste Confession : « Nous ne devons pas demander la revanche, malgré la cruauté de nos vainqueurs. Pardonnons-leur, cela est beaucoup plus philosophique ; mais que le pardon soit réciproque. Quant à ceux-là qui conservent toutes les passions de 1871, disait le président du Conseil des ministres, ils ne nous accordent pas l’amnistie, rious ne voulons pas la leur accorder. — Et si on vous l’accordait, monsieur le ministre ? » — Lorsque les ouvriers socialistes de la vallée de la Vesdre ont ouvert les colonnes de leur journal au correspondant Résille, ils ignoraient certainement que celui-ci fût l’auteur de ce plat agenouillement devant les bourreaux versaillais. »
  7. Bazin, réfugié de la Commune, qui avait séjourné d’abord deux ans à Genève, avait été en septembre 1873 l’un des secrétaires du Congrès marxiste tenu dans cette ville. Fixé ensuite à Bruxelles, il y fut en 1873 et 1874 le correspondant du journal l’Union des travailleurs, dont le rédacteur en chef était M. Jules Nostag (voir t. III, p. 139, note 1). Il épousa plus tard la sœur de César De Paepe (Louis Bertrand, Histoire, t. II, p. 50).
  8. À Bruxelles, s’entend. Dans d’autres parties du pays, la Fédération belge militait toujours.
  9. Ce Manifeste avait été rédigé par Adhémar Schwitzguébel.
  10. Cette expulsion fut prononcée sans motif aucun, simplement parce que les opinions socialistes de Reinsdorf déplaisaient au Comité central. Les sections de la Société typographique ne protestèrent pas.
  11. Staub était un homme plus conciliant. Le 24 avril 1875, nous nous étions rencontrés dans un meeting à Neuchâtel (voir t. III, p. 274).