L'église habillée de feuilles/Il dit au cantonnier, au sortir de l’église

9


Il dit au cantonnier, au sortir de l’église :
« Salut ! » Et l’autre dit : « Salut, maître ! » Et la brise
fait bouger le platane aux fraîcheurs d’ombre et d’eau.
Ce frisson se propage et, plus loin, des bouleaux
fourmillent. Tout bientôt redevient immobile.
Ils causent. Un coq chante. Et la petite ville
découpe sa blancheur sur le noir du coteau.
Alors, ouvrant son paroissien à l’Évangile,
le poète dit au cantonnier : Quand tu auras
cassé tous les cailloux de ta vie, tu pourras
te reposer au Ciel de toutes tes fatigues.

 

Je l’espère. Monsieur, dit l’autre. Vous aussi
vous travaillez. Et le poète : Oui, mon ami,

auprès de toi je me reposerai, j’espère.
Nous sommes les ouvriers de Celui qui est le Père.
Si le grain de froment dont parle l’Évangile
ne meurt pas sur la terre, il demeure stérile.
Seul, le grain dont le cœur souffre porte un épi.
L’homme est un grain de blé mis sur terre par Dieu,
et, s’il germe ici-bas, c’est pour gagner les Cieux.

 

Ils causaient et, debout, dans l’ardeur bleue solaire
la Croix dont deux bras sont au ciel, l’autre est sur terre,
protégeait le sommeil d’une déshéritée.
Elle était là, béate, et ses bardes bâillaient
mettant sa chair à nu comme d’un grain de blé
dont l’écorce travaille et qui veut éclater.
Le poète dit au cantonnier : Cette femme
est bien le grain de blé que travaille son âme.