L'Île Ste. Hélène. Passé, présent et avenir/Géologie


GÉOLOGIE.


ORIGINE ET FORMATION DE L’ÎLE.


Si l’île de Montréal, aux temps préhistoriques, surgit tout d’un coup des profondeurs de la mer silurienne, à la suite d’un de ces cataclysmes qui ébranlent un continent et en bouleversent les traits, l’île Ste. Hélène, elle, est de plus modeste origine. Son berceau ne fut point entouré des flammes bleuâtres, des panaches de fumée, des flots de lave, et des formidables détonations qu’un volcan laisse échapper de ses flancs convulsionnés.

Beaucoup moins éclatante, son apparition ne fut point instantanée, et sa croissance n’emprunte rien à ces phénomènes des premiers jours du monde. La forme et les matériaux de l’île Ste. Hélène sont dus à la lente accumulation des détritus de toute sorte transportés par les eaux du fleuve, qui, peu à peu, ont formé, à l’aide des débris arrachés aux calcaires de la vallée du St. Laurent, de quelques blocs transportés de points fort éloignés, du Saguenay, du lac Champlain, ont formé, disons-nous, l’île actuelle.

Chaque année et chaque jour, notre petite île augmentait son volume des débris de roches que la glace et les eaux charrient ; de nouvelles couches de vase, de sable, de pierres et de gravois venant s’ajouter aux premières, exhaussaient lentement son niveau, étendaient ses contours, et, un beau matin, notre gracieuse adolescente émergea du sein des eaux.


Son âge.


De même que la vieillesse se reconnaît chez les êtres vivants à des signes certains, ainsi l’âge des terrains s’atteste par d’irrécusables témoignages géologiques.

Entre la formation de l’île de Montréal et celle, beaucoup plus récente, de l’île Ste. Hélène, les observations de la science comptent une immense période de temps.

On suppute ces longs intervalles en comptant les siècles, les milliers d’années parfois qu’a exigées la formation de certaines couches. Dans le cas particulier qui nous occupe, c’est en calculant le temps nécessaire à la formation de couches absentes dans l’île Ste. Hélène, et présentes dans l’île de Montréal, que les savants ont pu établir l’acte de naissance des deux sœurs.

Ainsi l’île de Montréal comprend six couches de terrains, disposés comme les feuillets d’un livre ; savoir, en procédant de bas en haut : les formations de Chasy, de Bird’s Eye, de Black River, de Trenton, d’Utica. Cette dernière, la plus jeune de toutes, est celle sur laquelle coule le St. Laurent, et qui forme le soubassement même de l’île Ste. Hélène. Par l’excessive lenteur que chaque couche met à déposer son sédiment, on peut approximativement calculer le nombre d’années qu’a demandées chaque formation.

Le signe et la preuve de l’âge respectif des deux îles se montrent dans la partie occidentale de l’île Ste. Hélène, à fleur de terre, sous la forme de deux petits bancs de rochers de la formation Helderberg.

Les fragments de cette couche laissent au-dessous d’eux, lorsqu’on veut connaître les terrains qui la séparent de la couche la plus superficielle de l’île de Montréal, six formations différentes ayant une épaisseur de plus de 2,000 pieds.

En commençant de bas en haut, le nom et l’ordre de ces terrains sont les suivants :

Hudson-River.
Médina.
Clinton.
Niagara.
Guelph.
Onondaga.


Cette superposition donnerait à l’île Ste. Hélène environ deux cent mille années de bénéfice sur son aînée l’île de Montréal. Comme l’on voit, et toute coquetterie à part, cela vaut la peine d’être compté.

Les roches calcaires de la formation Helderberg situées sur l’île, contiennent bon nombre d’animaux et de plantes fossiles dont les noms, la monographie et la classification, œuvre de notre savant paléontologue canadien, M. Billings, se trouvent ci-après, au chapitre Paléontologie.

À ce propos, une citation, dont l’oubli accuserait autant notre ignorance que notre défaut de patriotisme :

« À notre pays revient l’honneur d’avoir pu signaler le premier être vivant connu jusqu’à ce jour pour avoir habité le monde, l’Eozoon Canadense, Dawson. Sir W. Logan avait le premier fait connaître le terrain Laurentien, roche métamorphique qui repose immédiatement sur le granite et où se trouve l’Eozoon, et M. T. W. Dawson, principal de l’Université McGill de Montréal, est celui qui le nomma et le décrivit en 1865, sur des échantillons recueillis au Grand-Calumet et à Grenville. C’est dans la seigneurie de la Petite-Nation, sur le 3e lot du rang St Pierre, qu’on a trouvé depuis les échantillons les plus parfaits de ce fossile.

« La découverte du plus ancien terrain stratifié connu, le Laurentien et celle de l’Eozoon, jetèrent un tel émoi parmi le monde savant, que le célèbre Sir Chs Lyell, ne craignit pas d’avancer, à l’égard du dernier, dans la réunion de l’Association Britannique pour l’Avancement de la Science, tenue à Bath en 1864, que c’était sans contredit la plus grande découverte géologique de son temps. »[1]

Ce que l’île offre aussi de remarquable, ce sont les blocs erratiques disséminés dans l’intérieur et sur les contours de ses rivages. À voir ces masses posées dans toutes sortes d’attitudes, les unes de couleur sombre, les autres affectant des tons fauves ou gris d’argent, on les prendrait pour des molosses accroupis, gardiens jadis vigilants, mais aujourd’hui immobiles de l’île, et qu’une divinité jalouse aurait métamorphosés en rochers.

Quant à la manière dont ces masses, véritables curiosités géologiques, ont été transportées sur l’île, c’est grâce au mode ordinaire propre aux périodes anciennes, par le charroi des glaces.

Il existe partout en Canada, comme ailleurs du reste, des milliers d’exemples de ce genre de charriage.

Ainsi, pour ne citer qu’un cas, on peut voir, encore aujourd’hui, incrusté dans le flanc occidental de la montagne d’Yamaska, à une hauteur de plus de cinq cents pieds, un énorme bloc de diallage, mesurant au-delà de mille pieds cubes.

Cette roche erratique provient d’une montagne de formation identique située sur les côtes du Labrador. C’est de cette distance de trois cents lieues que les glaces l’ont charriée à Yamaska.


TERRAIN DE FORMATION.
Nature du terrain. — Conglomérat à pâte,
dolomitique férugineuse.
Résultat donné par l’analyse chimique du conglomérat :
Carbonate de Chaux
58
Car.id.natede Magnésie
17
Car.id.natede Fer
23
Sable ou silice insoluble dans les acides
42

Espèces des roches contenues dans le conglomérat dolomitique de l’île :
Grès blanc, (formation Potsdam.)
Grès rouge, (formation Médina.)
Schistes ou ardoises
Schistes noirs, (formation Utica.)
Calcaire, (formation Trenton, Chasy, Hudson River.)


Ces divers fragments, arrondis ou angulaires, ont une grosseur variant entre cinq à six pouces ; quelques blocs atteignent un volume de 15 à 30 tonnes.


ROCHES MÉTAMORPHIQUES.

Dolérites, Trachytes, Diorites, Quartzite, Leptynite, Pegmatite, Agenite, Augite, Gneis, Porphyre noirâtre et jaunâtre, Trapp, Silex, Gneis grénatique, etc., etc. Cristaux de Feldspath, de Pyroxène, d’Hornblende, Jaspe rouge, noir, etc., etc.


Autres minéraux que l’on trouve dans l’île et sur ses rives :

Quartz vitreux. Calcaire carbonifère.
Quidrtzgranulaire. Calidairecloriteux.
Quidrtzcompacte. Calidairesiliceux.
Quidrtzcaverneux. Calidaireargileux.
Quidrtzhyalin. Calidaireconchilifère.
Protognie. Calidairemicacé.
Silex noir. Calidairetalqueux.
Siid gris. Silex jaune.
Albite. Siid corné.
Schiste argileux. Labradorite.
Schidtemicacé. Schiste siliceux.
SchistEtc., etc. Schidtepyriteux.
FORMATION HELDERBERG.

À l’est de l’île, au pied du rapide, deux bancs de calcaire fossilifères. Largeur, 10 pieds ; longueur, 25 à 30 pieds, coupés dans la direction sud-ouest par deux dykes parallèles de Dolérite.


  1. Naturaliste Canadien, Sept 1873. (l’Abbé Provancher.)