K.Z.W.R.13/Mission délicate

Imprimerie Financière et Commerciale (p. 20-26).

Chapitre IV

MISSION DÉLICATE


Au moment où le ministre pénétrait dans son cabinet, ayant à la bouche le sourire pincé qui convient à un aussi haut personnage, Vaucaire et Marius y entraient par la porte de communication qui permettait au jeune chef de cabinet d’entrer à toute heure, sans se faire annoncer selon les règles d’un immuable protocole, dans le bureau de son oncle.

Il n’était pas besoin de demander au ministre s’il avait combattu victorieusement ses adversaires : l’œil rieur, malgré la solennité du lieu, le geste large, l’air de triomphe répandu sur ses traits, disaient l’animation de la lutte récente et la victoire remportée. C’était le succès !

Vaucaire n’eut que le temps de dire :

— Eh bien ?

— Pulvérisés, mon enfant, je les ai pulvérisés !

— Pas possible ?

— C’est comme je te dis. Dès mon arrivée, j’ai senti tout de suite comme une odeur de poudre dans l’air ; les ministres présents se sont précipités vers moi : « Vous savez qu’il y a une demande d’interpellation déposée. — Par qui ? Par Vaugoyer. (Vaugoyer, un homme du nord ! Tu penses si cela pouvait m’effrayer.) Je les calme du geste. — Oui, mais Aubanès s’est fait inscrire pour prendre la parole. — Celui-là, c’est, plus grave, il est de Toulouse, Aubanès ! — Enfin le vin était tiré : il fallait le boire, je venais de voir Lépine dans les couloirs, et comme il était attaqué, lui aussi, tu penses s’il m’avait documenté. J’étais donc assez tranquille. Le président ouvre la séance…

— Palpitant, opina Vaucaire.

— Et on commence à discuter des choses sans intérêt.

— Quoi encore ?

— Rien, je te dis : le budget voté depuis hier, le projet d’amnistie retour du Sénat, l’expropriation de la forêt d’Eu, le projet relatif aux retraites des agents des chemins de fer, et cœtera, et cœtera, un tas de choses d’intérêt secondaire, tout cela discuté du reste au milieu du bruit des conversations particulières. Enfin, Vaugoyer se lève et monte à la tribune. — On aurait entendu le bourdonnement d’une mouche. — Donc, Vaugoyer monte à la tribune et commença, au milieu de l’attention générale, à développer sa demande d’interpellation sur la police parisienne et suburbaine.

— Qu’est-ce qu’il a dit ?

— Des pauvretés. Un homme du Nord que je te dis. Naturellement il a parlé des chauffeurs de la Marne, et d’un tas de crimes récents, que personne ne connaît et dont les auteurs sont restés impunis. Dame, pendant ce temps-là, je n’étais pas fier. Mais heureusement, il a resservi la bande Bonnot ! Tout y a passé, depuis l’attentat de la rue Ordener, « l’audacieuse agression » a-t-il dit ! Des lieux communs quoi !

— Piteux !

— Je te cite ce mot parce que je m’en suis servi pour la réponse, et comment ! Tu verras tout à l’heure. Il a ressassé toute l’histoire, énuméré les victimes (je ne croyais pas, tu sais, qu’il y en eût autant), il a raconté le siège du hangar de Choisy-le-Roi, celui de la Villa de Nogent, montré Lépine, tel un général de corps d’armée, venant diriger les opérations, mobilisant la police, la gendarmerie, l’armée, l’artillerie, — près de 500 hommes, — obligé d’employer des bombes pour réduire un ou deux malfaiteurs, enfin, il a retourné sur le gril tout le haut personnel de la Préfecture, « impuissant à empêcher le crime, ridicule dans sa répression » !

— Fichtre !

— Il a alors pris un petit air avantageux, et a offert au ministre, responsable de ses subordonnés, de remettre l’interpellation, pour lui permettre de prendre ses informations et de décider des sanctions nécessaires.

— Si vous aviez accepté…

— J’étais perdu ! j’ai boudé à la tribune…

— Tel le jaguar !

— Sois donc sérieux. Et je te l’ai secoué ! Ah ! tu aurais ri. J’ai naturellement glissé sur les premières histoires — vraiment embarrassantes — et suis arrivé aux péripéties de la bande Bonnot, Garnier, Carrouy et consorts. Là, j’étais sur mon terrain, je le tenais. « Comment, lui ai-je dit, vous osez reprocher à la police parisienne son incapacité à propos de cet horrible cauchemar, au moment où nous venons à peine de nous réveiller, grâce à elle ! Vous reprochez à son chef, l’honorable préfet de police, d’avoir singé le rôle d’un général de corps d’armée, alors qu’au contraire vous devriez le féliciter, car s’il était là, c’était au premier rang, à l’endroit le plus dangereux, faisant son devoir avec calme, fermeté et simplicité, et cœtera, et cœtera… Vous citez la liste des victimes, c’est me rendre la réponse trop facile, car parmi elles, je vois l’agent Desmarey (celui-là est de Charleroi, mais personne ne le sait), le brigadier Dormoy, l’agent Garnier, le gendarme Trinquier, Messieurs Jouin, Colmar, Augène, Arlon, tous appartenant à des titres divers à notre police, à notre police que je couvre, et à laquelle je suis heureux de témoigner, ici, mon admiration et mon respect ! et cœtera, et cœtera ! »

— Bravo ! Je vois cela d’ici, le succès, mon oncle !

— Eh oui, on a applaudi ! Vous avez, ai-je continué, prononcé un mot tout à l’heure, pour qualifier le premier de ces actes de banditisme : « Audacieuse agression », avez-vous dit ? c’est donc que la police n’est pas chose inutile et vaine, puisque vous l’avez avoué vous-même, il faut de l’audace pour être criminel !

— Parfait ! très adroit !

— Alors, dans une péroraison émouvante, j’ai donné ma mesure, j’ai fait le tableau de tout ce dont nous menace l’armée du crime, accrue chaque jour d’éléments nouveaux, aguerrie, elle aussi, et disciplinée, j’ai montré, toujours en lutte avec elle, luttant d’initiative et de courage, la phalange dévouée de nos protecteurs, toujours prête à mettre leurs poitrines entre la population et les criminels ! et cœtera, et cœtera… Moi, quand je suis parti, on ne me retient pas !

— C’était envoyé !

— Et malin, car je donnais beau jeu à Aubanès pour m’attaquer, je lui préparais le terrain où je voulais l’amener. Je suis un vieux finaud, moi. Les interpellations, petit, ça me connaît ! J’avais mes réponses prêtes.

— Tu étais donc averti de ce qu’il allait dire ? C’était combiné !

— Non, mais entre gens du Midi, on se connaît tellement bien qu’on prévoit la riposte, avant que l’attaque soit faite ! Donc, aussitôt Vaugoyer aplati, au milieu des applaudissements qui couvraient ma péroraison, Aubanès monte à la tribune.

— C’était l’ennemi sérieux.

— D’autant que dans le prochain ministère, c’est lui qui me remplacera. Il commence, rappelle rapidement les choses déjà dites et portant la question plus haut, établit que si les crimes augmentent, c’est que la répression est insuffisante. À notre époque, dit-il, la peine de mort n’existe pour ainsi dire plus, et du reste pour beaucoup la guillotine est un piédestal. Quant au bagne c’est une villégiature enviée, et le voilà qui nous fait un tableau de la vie des forçats, à donner envie de l’être !

— Je ne sais pas, je n’y ai pas encore été !

— Moi non plus. Il paraît que là-bas, aux îles du Salut, la vie est vraiment charmante. Les bandits sont plus heureux à Cayenne que les ouvriers agricoles ou les ouvriers manœuvres de nos corps d’État ! Ils sont parqués (tu sais qu’il avait en mains des documents irrécusables), dans des bagnes où personne ne travaille ; ils sont nourris, habillés, chaussés et perçoivent journellement du café, du vin et du tabac : leurs occupations sont dérisoires ; leur liberté est inconcevable. Ils portent eux-mêmes leurs lettres à la poste et en reçoivent directement poste-restante, ou par l’entremise de libérés, et c’est ainsi qu’ils renseignent sur leur mode d’existence leurs camarades ; ceux-ci ne sont nullement effrayés par la perspective d’un séjour au bagne quand ils ont lu les lettres de « là-bas » et certes, les condamnés de basse condition sont plus heureux dans un pénitencier qu’ils ne l’étaient dans les villes où ils se livraient aux exploits qui leur ont valu d’être expédiés à Cayenne.

— C’est gai ! Ah, mon oncle !

— Cela ne l’était pas pour moi, en tous cas : cet animal d’Aubanès retournait, petit à petit, la Chambre, et dame, s’il s’était tenu dans cet ordre d’idées, cela pouvait mal finir. Heureusement, il a donné en exemple, à la police française, les polices étrangères. Il a exalté les pénitenciers américains, les prisons anglaises, les prisons cellulaires, les châtiments corporels ! C’est là où je l’attendais.

— Tu l’avais belle. Eh oui !

— Aussi, quand il a eu fini, ai-je négligé de répondre à toute la partie sensée de son discours, et suis-je tombé à bras raccourcis sur les modèles qu’il proposait. On nous donne des exemples à suivre, et où va-t-on les chercher, ai-je dit. Est-ce en Angleterre où nous avons vu, l’an dernier, la police obligée de se ruer, de démolir une maison de Sidney Street, qui servait de refuge à des anarchistes, pour l’assassinat de trois agents au cours d’une affaire de « perceurs de murailles ». Et à ce propos, on a reproché, tout à l’heure, à notre honorable préfet de police, d’avoir dirigé en personne l’attaque du hangar où s’était réfugié le sinistre chef de la triste bande Bonnot ; reprochez-vous au ministre de l’intérieur anglais d’avoir assisté en personne à ce drame londonien ? Rappelez-vous qu’au moment où les criminels, qu’on n’a pas arrêtés du reste, mirent le feu à leur refuge, le ministre ordonnait de braquer sur cette maison des canons, pour en finir !

— Il me semble, en effet, que j’ai lu quelque chose comme cela dans « Je sais tout ».

— C’est là où je me suis documenté. Lépine m’avait communiqué l’article. J’ai continué : Est-ce la police des États-Unis que vous nous indiquez ? A-t-elle pu empêcher l’attentat, l’audacieuse agression, pour parler comme l’honorable député qui m’a précédé à cette tribune, de ces quatre bandits armés, qui dans un restaurant de l’East-Side, ont dévalisé quarante personnes ; les bandits étaient installés dans le restaurant. Soudain ils se levèrent et pendant que deux d’entre eux tenaient les consommateurs et le personnel sous la menace de leurs revolvers, les autres s’emparaient d’une quantité considérable de bijoux et de porte-monnaies et le coup fait, tous s’enfuyaient dans un taxi-auto !

— Dis donc, ça, c’était dans le « Petit Journal ».

— Preuve que c’est vrai. Chaque jour, les statistiques américaines l’établissent, on assassine trente citoyens des États-Unis, ce qui fait plus de 200 par semaine et 10,000 à la fin de l’année. Sur 100 meurtriers, deux sont condamnés par la justice, les quatre-vingt-dix-huit autres échappent au châtiment. Dans les quartiers mal famés de New-York, sur cent voleurs qu’on arrête, soixante-quinze au moins sont relâchés comme parents, amis ou agents électoraux d’hommes politiques influents.

— Nous n’en sommes pas encore là !

— Est-ce la police russe qui est votre idéal ? Je puis vous servir l’histoire du policier Griu, dénoncé par un de ses complices comme étant à la tête de la bande des faux monnayeurs de Varsovie. Et ce Griu n’était pas un policier vulgaire. Plusieurs fois, il fut chargé de hautes surveillances administratives, de graves missions de confiance ! Allons, Messieurs, avouons-le, ai-je dit en terminant, nous autres, Français, nous sommes enclins à attaquer les braves gens qui nous défendent. Les récents scandales qui se sont passés dans nombre d’autres pays prouvent que nous devrions, au contraire, nous enorgueillir de la loyauté de ceux qui protègent notre vie et nos propriétés. Je rappellerai pour finir la définition, jetée un jour de cette tribune, par un de nos illustres prédécesseurs au ministère de l’Intérieur, de l’agent parisien, c’est « l’honnête homme en permanence ». Quant au service de la Sûreté, il n’est pas impeccable peut-être, mais tel qu’il est, c’est le plus parfait de tous ceux qui existent. Cependant…

— Mouvement d’attention, dira le compte-rendu sténographique.

— Cependant, le ministère ne pouvait pas se désintéresser des faits qui vous ont été signalés aujourd’hui ; bien avant l’intervention des personnalités…

— Tu n’as pas mis un adjectif ?

— Je n’en ai pas trouvé sur le moment ! Bien avant l’intervention des personnalités que vous avez entendues tout à l’heure, des mesures avaient été prises…

— Lesquelles ?

— Tais-toi donc, tu m’interromps tout le temps !

— C’est pour te rappeler la Chambre !

— Tu es insupportable ! Ces mesures consistent dans un important remaniement des services de la préfecture de police, et dans l’envoi à l’étranger de missions d’études sur les façons de procéder de la police et sur les différents moyens de répression employés. Nous remercions les honorables membres de cette Chambre qui nous ont fourni l’occasion de dire, non pas ce que nous pouvions avoir l’intention de faire, mais ce que nous avons fait ! Là-dessus applaudissements prolongés. Vaugoyer retire sa demande d’interpellation…

— Et Aubanès ?

— Me félicite à la descente de la tribune. Bref, succès sur toute la ligne. On n’a même pas voté par assis et levé.

— Tous mes compliments. Parle donc, toi, dit-il en poussant Marius.

— Toutes mes félicitations, balbutia celui-ci, toutes mes félicitations.

— Permets-moi, dit Vaucaire, au ministre un peu étonné, de te présenter mon cousin…

— Ton cousin ?

— Mais oui, tu ne connais que lui. Marius Boulard, un de tes électeurs les plus influents, et, permets-moi de te le dire, des plus fidèles. Cela se comprend, il est presque de ta famille, puisqu’il est de la mienne.

— Enchanté, monsieur Boulard. Enchanté vraiment.

— Et il t’est chaudement recommandé par notre ami Margalère.

— Ah ! ah ! ce bon Margalère !

— Et par madame Escoubianès.

— Ah ! ah ! Cette bonne madame Escoubianès ! Comment va-t-elle, depuis que je ne l’ai vue ?

— Mais bien, très bien… monsieur le ministre.

— Allons, tant mieux, vous m’apportez ses compliments !

— Mais oui… monsieur le ministre.

— Ne soyez pas si ému, mon garçon.

— Tu sais qu’il consent à nous rendre service, intervint Vaucaire.

— Il consent !… Ah mais… Mais quel service consent-il à nous rendre… monsieur… monsieur… comment donc encore ?

— Boulard… Marius Boulard…

— Parfaitement. Tu dis, Vaucaire, que monsieur Boulard va nous rendre service ?

— Oui, il consent à accepter cette mission.

— Quelle mission ?

— Mais la mission d’aller en Amérique enquêter sur les moyens de répression employés à l’égard des criminels.

— Mais, dis donc. Je…

— J’ai eu beaucoup de mal à le décider, mais comme c’est tout à fait l’homme qu’il nous faut…

— C’est curieux, j’aurais plutôt pris monsieur Boulard pour un artiste peintre, à sa mise, à sa tournure…

— Justement : tu vois qu’il s’arrange admirablement. Tout cela est faux, absolument faux !

— Non.

— Si !

— Comment, la barbe ?

— Postiche.

— Les cheveux, les moustaches ?

— Marius les a laissés allonger depuis deux mois pour l’enquête qu’il faisait en qualité de détective privé.

— Détective privé ? Je ne comprends pas !

— C’est simple, il recherche un fabricant de faux tableaux, et tu vois, toi-même, tu l’as pris pour un peintre. Mais parle donc, animal, fit Vaucaire en aparté, bousculant Marius.

— Et de quel peintre sont les faux tableaux que vous êtes, Monsieur… chargé d’identifier ?

— De… de Henner. Après tout, se dit à part soi Marius, comme il y en a plus de faux que de vrais, on peut toujours en convenir.

— Serait-ce indiscret de vous demander à quel résultat vous êtes arrivé ?

— Jusqu’à présent, à…

— À découvrir que tous ces faux tableaux nous arrivent d’Amérique.

— C’est curieux.

— Oui, n’est-ce pas. Du vivant de Henner, les Américains achetaient tous ses tableaux. Alors maintenant on les copie là-bas et on les renvoie en Europe. Comme les copies sont admirablement faites, comme on sait qu’il y a beaucoup de Henner aux États-Unis, les amateurs s’y laissent prendre, et en somme comme cette industrie fait du tort aux marchands français…

— Qui, eux, vendent de vrais tableaux du maître ?

— Des vrais ou des faux, peu importe. Comme il y a là une sorte de concurrence déloyale, ils ont formé un syndicat pour découvrir la fabrique inconnue et mon cousin a été chargé de cette mission. Alors, tandis qu’il me racontait tout cela, l’idée m’est venue de lui confier cette enquête sur la police américaine.

— Peut-être, en effet…

— Les avantages de cette combinaison m’ont sauté aux yeux : Marius, quoique du métier, est inconnu du monde officiel de la police. Son envoi en mission n’excitera donc aucune jalousie ni aucune réclamation…

— Évidemment…

— Et puis sa nomination, que nous ne sommes pas du tout obligés de faire paraître à l’Officiel, fera un plaisir énorme à Margalère, son compatriote et le nôtre.

— Ça, c’est une raison.

— Et madame Escoubianès t’en sera personnellement reconnaissante. Elle l’écrit : « Tout ce que vous pourrez faire pour monsieur Boulard me touchera comme si vous m’obligiez moi-même. »

— Il y a ça ? Madame Escoubianès a écrit cela ?

— Lis toi-même.

— C’est ainsi, mais dès lors je ne vois aucune raison de ne pas charger monsieur Marius Boulard de cette mission.

— C’est-à-dire qu’il y a toutes les raisons du monde de la lui confier. Je vais immédiatement préparer les pièces, tu les signeras ce soir…

— Si tu veux. Mais tu me parais bien pressé.

— C’est qu’en terminant ce soir, tu pourras répondre demain à tous les solliciteurs qui vont demander à être envoyés en mission, que la nomination est chose faite.

— C’est vrai. À propos…

— Quoi donc ?

— Est-ce que monsieur Boulard doit aller dans une ville plutôt que dans une autre ?

— Oh ! cela importe peu, répondit Marius.

— Oui, n’est-ce pas, on fait des faux Henner un peu partout.

— Alors, je vous demanderais d’aller d’abord à Brownsville.

— Brownsville ?

— Brownsville, sur la frontière du Mexique.

— Puis-je te demander pourquoi, mon oncle ?

— C’est le préfet de police qui m’a désigné cette ville. Elle se trouve en face de Long Island, sur l’Océan Atlantique, et il paraît qu’il y a là des établissements pénitentiaires modèles. Il voudrait avoir un rapport sur ces établissements. Cela vous va ?

— Cela lui va comme un gant.

— Que monsieur le ministre soit assuré que même si j’éprouvais quelque difficulté, il n’y a rien que je ne fasse pour prouver ma reconnaissance et mon entier dévouement à monsieur le ministre.

— Vous êtes trop aimable. Eh bien, allez avec votre cousin, il va faire le nécessaire, et revenez me voir avant de quitter Paris. Au fait, vous parlez anglais ?

— Parfaitement.

— Du reste, ce n’aurait pas été un empêchement, si vous aviez ignoré cette langue, mais il vaut mieux que vous la connaissiez.

— Encore tous mes remercîments, monsieur le ministre.

— À bientôt, jeune homme.

— À tout à l’heure, mon oncle.

— Et envoie-moi le secrétaire général. J’ai quelques mots à lui dire.

— Je te l’envoie à la minute.

Et Vaucaire entraîna dans son bureau Marius, qui se confondait en salutations.