Justine, ou Les malheurs de la vertu (Raban)/02-11

Olivier, libraire (tome 1, tome 2p. 211-228).

[XI.]

[AMOUR, MENSONGE, FUITE.]

[pages 211 à 224 manquantes dans l’exemplaire de la Bibliothèque nationale. Il est indiqué sur la notice de l’exemplaire papier : « Erreur de l’imprimeur : les p. 209-224 appartiennent au tome 1. »][ws 1]


[…/…]

c’est-à-dire être faible avec les faibles ; mais il y a des bornes à tout…

Je me sentais une envie démesurée de prendre à la gorge cet animal qui raisonnait à froid de ce qui me brûlait les entrailles ; mais il me resta fort heureusement assez de raison pour que je me continsse ; et, quand je dis raison, c’était peut-être toute autre chose ; car, en ce moment, tous les efforts de mon imagination tendaient vers un seul but, d’emmener Éléonore.

— N’oubliez pas que je vous attendrai à la petite porte du parc, me dit Risbac.

J’étais dans un état tel qu’il me fut impossible de lui répondre, je lui fis signe de la main, et je me dirigeai vers le salon de M. de Kakerboc, où j’espérais rencontrer Éléonore : malheureusement ce fut son père qui me reçut.

— Sire, s’écria-t-il en m’apercevant, vous êtes trahis !… quoi ! la sainte et fidèle Vendée est trahie !…

— Rassurez-vous, monsieur le duc.

— Comment, sire, que je me rassure !… Vous voulez que je sois calme quand votre majesté se trouve dans ce château, alors que ces cannibales de républicains n’en sont qu’à trois ou quatre lieues ? Songez donc, sire, quatre lieues entre la monarchie et la république, quand cette dernière marche en poste…

— Nous parlerons de cela bientôt, mais pour le moment…

— Pour le moment, votre majesté voudra bien me permettre de lui annoncer la visite de tous nos voisins, braves gentilshommes, capables de tout sacrifier, fors l’honneur, et qui viennent pour offrir à votre majesté de se former en bataillon sacré…

— Bon Dieu ! mon cher duc, nous n’en sommes pas là.

— Mais nous y serons avant la fin du jour, sire.

— Bien, bien ; je donnerai des ordres. Envoyez-nous en attendant votre charmante fille Éléonore, avec laquelle nous avons à nous entretenir… Monsieur le duc, le moment est proche où je pourrai reconnaître en roi les services que nous avons reçus de vous.

M. de Kakerboc ne se le fit pas répéter ; quelques secondes après, je tenais Éléonore étroitement pressée sur mon cœur.

— Divine Éléonore, lui dis-je avec feu, mon amour réclame un grand sacrifice : il faut me suivre…

— Louis ! ne suis-je pas à toi ?…

Je l’emportai dans mes bras ; nous trouvâmes à la porte du parc Risbac, qui déjà nous attendait avec deux bons chevaux, et une heure après nous étions loin du castel de Kakerboc.


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