Journal de voyage d'un Troyen en Extrême-Orient et autour du monde/de Singapour à Batavia

Samedi 26 février.

Je termine mes préparatifs de départ, fais charger mes bagages et arrive au Godavery ; il est près de 9 heures.

J’ai comme cabine le no 15 et suis seul. Les derniers préparatifs se terminent, et à 10 heures nous partons.

Nous descendons déjeuner, et je constate qu’il n’y a que mes six Hollandais, un monsieur et moi, comme passagers. C’est un petit bateau ; la salle à manger contient seulement 30 couverts. Nous déjeunons avec appétit, et après je travaille encore une dizaine de pages à l’ouvrage de M. F… À son tour, il commence à me donner par écrit des renseignements sur Java et je viens écrire mon journal.


Dimanche 27 février.

Nous sommes dans l’hémisphère sud, car nous avons passé la ligne de l’équateur.

Je trouve le docteur au café au lait, à 6 heures ¼, et nous montons ensuite sur le pont. La mer est d’huile, on voit la terre des deux côtés, ou plutôt des lignes d’arbres qui ont l’air plantés dans l’eau. Puis je termine l’ouvrage sur Java, avec M. F…, qui me donne ensuite des leçons de malais, langue parlée par tous les indigènes de ces pays. Déjà à Singapour, il faut savoir le malais pour se faire comprendre par les boys à l’hôtel et par les Chinois. J’ai déjà appris quelques mots : « Cass : rôti » veut dire : donne-moi du pain, et non du rôti, etc.

Ces Hollandais sont étonnants, ils parlent presque tous cinq langues : français, anglais, allemand, malais et hollandais naturellement.

La mer est calme, le soleil est un peu caché par des nuages et nous allons arriver demain matin à Batavia.


Lundi 28 février.

À 7 heures, nous sommes sur le pont et commençons à apercevoir au-dessus des nuages le Ghèdé et le Salak, montagnes volcaniques de Java.

De tous côtés de petites îles vertes semblent surgir de l’eau. Bientôt après nous voyons la forêt de mâts des bateaux en rade de Priok, port de Batavia. Le docteur est allé se mettre en tenue, car il ne doit descendre à terre que harnaché dans son uniforme de drap. C’est là où l’on voit que les Anglais sont plus pratiques ; leur uniforme est fait en une espèce de toile nuance moutarde qui fait très bien au soleil. Les soldats ainsi habillés ne sont pas voyants de loin, comme cibles, pour les ennemis. Cette nuance ne paraît pas sale comme le blanc, elle est relevée par des boutons de métal et des bandes rouges, le costume n’est pas vilain. Les officiers ont, en outre, une écharpe rouge passée sur l’épaule qui fait très bien, tandis que ces pauvres Hollandais dans leur uniforme de drap, sanglé aux reins par une écharpe, sont obligés de supporter un climat encore plus pénible.

Pendant que je fais un cliché du docteur et de sa femme, nous accostons au quai. Tout le long de ce quai, d’immenses docks et entrepôts sont rangés à la suite l’un de l’autre.

Nous reconnaissons nos bagages et descendons.