Journal (Eugène Delacroix)/31 mai 1824

Texte établi par Paul Flat, René PiotPlon (tome 1p. 123-124).

Lundi 31. — Ce soir au Barbier à l’Odéon ; c’est fort satisfaisant. J’étais près d’un vieux monsieur qui a vu Grétry, Voltaire, Diderot, Rousseau, etc. Il a vu Voltaire dans un certain salon, disant aux femmes des galanteries comme on les lui connaît. « Je vois en vous, disait-il en s’en allant, un siècle qui commence ; en moi, c’en est un qui finit : c’est le siècle de Voltaire. » On voit que le modeste philosophe prenait d’avance, pour la postérité, la peine de nommer son siècle. Il fut mené par un de ses amis déjeuner avec Jean-Jacques, rue Plalrière… ils sortirent ensemble. Aux Tuileries, des enfants jouaient à la balle : « Voilà, disait Rousseau, comme je veux qu’on exerce Émile », et choses semblables. Mais la balle d’un enfant vint heurter la jambe du philosophe, qui entra en colère, et poursuivit l’enfant de son bâton, quittant brusquement ses deux amis.

— Travaillé peu aujourd’hui et à la vieille. — Hier, dîné avec Leblond.