Journal (Eugène Delacroix)/16 mars 1847

Texte établi par Paul Flat, René PiotPlon (tome 1p. 290-291).

16 mars. — Peu disposé ce matin.

J… venue dans la journée, en sortant du Salon ; mes tableaux n’y font pas mal. Elle est sortie à la vue de Vieillard ; il venait de l’Exposition des Artistes, rue Saint-Lazare. La tête de Cléopâtre admirée par lui et par M. Lefebvre[1], qui trouvait que c’était la seule qui eût cette force… Et d’où vient qu’ils ne voyaient pas cela il y a dix ans ? Il faut donc que la mode se mêle de tout !…

M. Van Isaker[2] venu me demander quels étaient ceux de mes tableaux à vendre : le Christ, l’Odalisque lui convenaient. Je lui ai montré les Femmes d’Alger et le Lion en train avec le Chasseur mort ; il me prend les premiers pour quinze cents francs ; l’autre pour huit cents francs.

Le prévenir quand j’aurai achevé.

Je voulais le soir retourner chez Mlle Mars et aller chez Asseline, mais j’ai préféré me reposer et me suis couché de bonne heure.

— Grenier me dit que le ton qui est violet dans la partie supérieure du tableau des Marocains endormis aurait fait également la lumière de la lampe, étant orangé. Je crois qu’il a raison, témoin le terrain dans l’Othello[3], qui était violâtre et que j’ai massé d’un ton orangé. L’observer dans le Valentin.

  1. Charles Lefebvre, peintre, élève de Gros et d’Abel de Pujol.
  2. Amateur belge.
  3. Othello, toile de 0m,50 × 0m,60, qui parut au Salon de 1849. — Vente M. J…, 1852 : 510 francs ; 1858 : 730 francs. — Vente Arosa, 1858 : 1,300 francs. — Vente Marmontel, 1868 : 12,000 francs. (Voir Catalogue Robaut, no 1079.)