Journal (Eugène Delacroix)/13 août 1850

Texte établi par Paul Flat, René PiotPlon (tome 2p. 33-34).

Mardi 13 août. — Je lis à Bruxelles, dans le journal, qu’on a fait à Cambridge des expériences photographiques pour fixer le soleil, la lune et même des images d’étoiles. On a obtenu de l’étoile Alpha, de la Lyre, une empreinte de la grosseur d’une tête d’épingle. La lettre qui constate ce résultat fait une remarque aussi juste que curieuse : c’est que la lumière de l’étoile daguerreotypée mettant vingt ans à traverser l’espace qui la sépare de la terre, il en résulte que le rayon qui est venu se fixer sur la plaque avait quitté sa sphère céleste longtemps avant que Daguerre eût découvert le procédé au moyen duquel on vient de s’en rendre maître

J’ai été languissamment au Musée ; j’étais sous l’impression du malaise d’hier. Il y avait des courants d’air qui m’ont chassé.

Le matin, j’avais été chercher M. Van Huthen, au bout de la ville ; il m’a mené chez quelques marchands d’estampes. J’ai remarqué de plus en plus combien le Portement de croix, le Christ foudroyant le monde, le Saint Liévin caractérisent une manière à part chez Rubens. Je crois que c’est la dernière. C’est la plus habile. L’opposition des tableaux voisins ne sert qu’à faire ressortir cette différence, L’Assomption est très sèche. Il en est de même de l’Adoration des mages, qui m’avait tant séduit le premier jour, sans doute à cause du soir.