Journal (Eugène Delacroix)/12 mars 1832

Texte établi par Paul Flat, René PiotPlon (tome 1p. 166-167).

Lundi 12 mars. — Sur les bords du fleuve Sébou. Passé le matin le Sébou. — Embarquement ridicule. Les chevaux se sauvant et roués de coups pour entrer dans les barques. Hommes nus chassant les chevaux devant eux.

Bias nous a dit en traversant avec nous qu’on ne faisait pas de ponts afin d’arrêter plus facilement les voleurs et de recevoir les taxes et d’arrêter les séditieux. C’est lui qui disait que le monde était divisé en deux, la Barbarie et le reste.

Hommes appuyés contre la barque et la poussant. Vieux soldat avec son cafetan bleu seulement.

Spectateurs sur le bord, les jambes pendantes. Lévriers, chevaux se roulant par terre.

Ennui extrême en attendant. Embarqué seulement vers une heure. Route le long du fleuve. Près d’arriver, jeux de poudre très beaux.

Homme en cafetan jaune d’or.

Le caïd ; turban à la mamelouk. — Son bourreau.

Un des chefs dans une course étant arrivé jusqu’à nous, Abou s’est mis au devant de lui et l’homme lui a déchiré un peu son manteau. Arrivé au campement, Abou a déchiré en pièces son manteau, voulant plutôt le brûler que de permettre que qui que ce soit pût en profiter. On lui a aussi cassé sa pipe. Il était furieux et intraitable pour les soldats.

— Le soir, après un dîner gai, descendu solitairement près des bords du fleuve Sébou. Beau clair de lune.