Jeunes filles/« Qui peut dire »

Œuvres de Sully PrudhommeAlphonse LemerrePoésies 1865-1866 (p. 92-93).
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Qui peut dire


 
Qui peut dire : Mes yeux ont oublié l’aurore ?
Qui peut dire : C’est fait de mon premier amour ?
Quel vieillard le dira si son cœur bat encore,
S’il entend, s’il respire et voit encor le jour ?

Est-ce qu’au fond des yeux ne reste pas l’empreinte
Des premiers traits chéris qui les ont fait pleurer ?
Est-ce qu’au fond du cœur n’ont pas dû demeurer
La marque et la chaleur de la première étreinte ?

Quand aux feux du soleil a succédé la nuit,
Toujours au même endroit du vaste et sombre voile
Une invisible main fixe la même étoile
Qui se lève sur nous silencieuse et luit…


Telles, je sens au cœur, quand tous les bruits du monde
Me laissent triste et seul après m’avoir lassé,
La présence éternelle et la douceur profonde
De mon premier amour que j’avais cru passé.