Je suis un mont Gibel dont la poictrine espreuve

Seconde partie des Muses françoises, Texte établi par Despinelle, chez Matthieu Guillemot (p. 262).


SONNET.

 Ie ſuis vn mont Gibel dont la poictrine espreuve
Mille braſiers ardens qui partent de vоz уeuх :
Si ie ne ſuis vouté d’un front audacieux,
I’ai le penſer plus hault que rocher qui ſe treuue :
 Ie ſuis ceſt Aſtre clair qui d’vne face neuue
Denonce aux fiers humains la cholere des Cieux :
Si ie n’ai le teint rouge, ardent & radieux,
I’ai le cœur plus flambant que l’or en ſon eſpreuue.
 Ie ſuis un grand Soleil aimant vniquement,
Et ſi n’ai autre Ciel pour mon prompt mouuement,
Que l’eſpoir d’eſtre ioinct à ma rouë amoureuſe :
 Non, ie ſuis un démon trébuſchant par les airs,
Qui vois bien en tombant l’abyſme où ie me pers ;
Mais ie ne puis regir mon ame mal-heureuſe.


A. D. V.