Je rêve de vers doux

Œuvres de Albert Samain
Mercure de France (Au jardin de l’infantep. 67-68).







Je rêve de vers doux et d’intimes ramages,
De vers à frôler l’âme ainsi que des plumages,


De vers blonds où le sens fluide se délie,
Comme sous l’eau la chevelure d’Ophélie,


De vers silencieux, et sans rythme et sans trame,
Où la rime sans bruit glisse comme une rame,


De vers d’une ancienne étoffe, exténuée,
Impalpable comme le son et la nuée,


De vers de soirs d’automne ensorcelant les heures
Au rite féminin des syllabes mineures,


De vers de soirs d’amour énervés de verveine,
Où l’âme sente, exquise, une caresse à peine,


Et qui au long des nerfs baignés d’ondes câlines
Meurent à l’infini en pâmoisons félines,
Comme un parfum dissous parmi des tiédeurs closes,


Violes d’or, et pianissim’amorose


Je rêve de vers doux mourant comme des roses.