Introduction historique et critique aux livres de l'Ancien et du Nouveau Testament/Tome I/Chapitre 2/Article 1

ARTICLE I.
De l’autorité de l’Écriture sainte considérée indépendamment de son inspiration divine.

L’Ecriture sainte, lors même qu’on fait abstraction de son inspiration divine, offre encore à notre respect et à notre admiration des titres et des droits d’autant plus incontestables qu’ils lui assurent une supériorité bien marquée sur tous les autres livres connus. L’exposé suivant, mais surtout les détails que nous donnerons dans l’Introduction particulière, en sont la preuve la plus irrécusable.

1. C’est un monument que sa haute antiquité recommande à la vénération. « Les livres de l’Ancien Testament, dit Bossuet, sont les livres les plus anciens qui soient au monde[1]. » La vérité de cette assertion, par rapport au Pentateuque en particulier, ne saurait être légitimement contestée que dans le cas où il existerait des monuments fidèles et sûrs d’une aussi haute antiquité en faveur des livres de tout autre peuple que le peuple hébreu. Or la chronologie et l’histoire, seuls témoins admissibles en cette matière, ou manquent absolument aux nations idolâtres, ou parlent en faveur du Pentateuque.

Personne n’ignore les tentatives sans nombre faites dans le siècle dernier pour reporter au delà des temps mosaïques l’existence des Kings livres sacrés des Chinois ; celle du Zend-Avesta, code religieux des Perses, et celle des Védas, consacrés dans l’Inde. Or aucun monument chronologique ou historique, parmi ceux du moins que la critique avoue, n’a justifié cette prétention ; nous ajouterons même qu’elle se trouve entièrement détruite par les nombreux témoignages des juges les plus compétents.

De Guignes dit que l’ancienne histoire chinoise n’est ni certaine ni authentique ; qu’elle ne renferme aucune remarque de géographie ni de chronologie et qu’elle est sans suite et sans liaison. Fréret avoue que la partie qui comprend l’histoire des temps antérieurs à la dynastie de Han (206 avant Jésus-Christ) n’a été ni écrite sur les mémoires contemporains, ni publiée après un examen authentique, et que c’est une histoire restituée après coup[2]. Le P. Ko, missionnaire chinois, dit en donnant des preuves irrécusables de son assertion : « Il n’y a pas de lettrés à la Chine qui ne sachent qu’il y aurait de la démence à ne pas voir que notre chronologie ne remonte d’une manière je ne dis pas certaine et indubitable, mais probable et satisfaisante, que jusqu’à l’an 841 avant Jésus-Christ. Sied-il bien à des poètes, philosophistes et chroniqueurs, de contester sur un point regardé comme décidé depuis bien des siècles par les plus savants hommes de la Chine[3] ? » Le témoignage de ce missionnaire est d’un poids d’autant plus grande que sa qualité de Chinois le mettait en état de discuter au milieu des lettrés de sa patrie tout ce qui en concerne l’histoire[4]. Joignons à ces preuves l’autorité d’un écrivain dont le jugement ne peut pas être suspecté ici : « Szü-ma-zian, dit J. Klaproth, commença son histoire par l’année 2637 avant Jésus-Christ sous le titre de Zü-ki, et il la continua jusqu’au commencement de la dynastie de Tschang. Quoiqu’il eût à sa disposition beaucoup de documents l’histoire de la Chine antérieure au ixe siècle avant Jésus-Christ n’en demeure pas moins incomplète et incohérente ; car les sources où il puisa n’étaient pas toujours d’accord. Ce n’est même que cent ans plus tard que disparaissent les divergences de la chronologie[5] ». L’origine des Kings nous est par là même tout à fait inconnue ; quant à leur rédaction dans la forme actuelle, elle est enveloppée de ténèbres non moins épaisses. Ce qui ressort évidemment de tout ceci, c’est qu’on serait bien mal avisé, si on voulait encore les comparer au Pentateuque.

Nous nous étendrons peu sur le Zend-Avesta : en admettant qu’il fût l’œuvre de Zoroastre, son antiquité n’approcherait pas de celle du Pentateuque. Anquetil suppose que Zoroastre est né 589 ans avant Jésus-Christ [6]. Selon Beausobre, ce législateur des Perses était contemporain de Pythagore qui mourut la troisième année de la LXXe olympiade c’est-à-dire l’an 495 avant Jésus-Christ[7]. Thomas Hyde dit qu’il vivait sur la fin de la monarchie des Mèdes, sous le règne de Guschtâsp, que les Grecs ont traduit Υ̓̀στάσπης, Hystaspe, et les Arabes Wischtâsph ; et il le prouve par un grand nombre de passages extraits d’auteurs persans et arabes[8].

Quant aux Védas, il faudrait pour établir solidement leur antiquité, qu’elle reposât également sur quelques monuments certains. Or, W. Jones ne laisse aucun espoir qu’on puisse jamais former un système d’histoire chez les Hindous, parce qu’un sujet si obscur par lui-même le devient encore davantage par les nuages de fictions dont l’ont entouré les Brahmanes, qui par orgueil ont voulu se donner à dessein une antiquité mensongère ; de sorte qu’on doit se trouver heureux quand on peut s’appuyer sur de simples probabilités[9]. Wilson avoue que dans le système de géographie, de chronologie et d’histoire de ce peuple, il n’y a qu’une absurdité monstrueuse[10]. Suivant Bentley, auquel, il faut l’avouer pourtant, beaucoup d’indianistes n’accordent pas une grande autorité, suivant Bentley, disons-nous, il n’est pas un seul point d’histoire ou de chronologie antérieur à Jésus-Christ que l’on puisse fixer, ne fût-ce même qu’avec une sorte de vraisemblance[11]. Il est vrai que Henri Thomas Colebrooke semble faire remonter l’origine des Védas jusqu’au xive siècle avant l’ère chrétienne ; mais ce savant ne fonde son opinion que sur des calculs astronomiques fort incertains, et encore ne la donne-t-il lui-même que comme une conjecture tout à fait vague et qui par conséquent ne mérite pas beaucoup de confiance[12]. « Les tables astronomiques des Hindous, auxquelles on avait attribué une antiquité prodigieuse, dit Klaproth, ont été construites dans le VIIe siècle de l’ère vulgaire, et ont été postérieurement reportées par des calculs à une époque antérieure [13]. » Terminons cette preuve par l’autorité la plus imposante peut-être en cette matière : « Les tables indiennes, dit de Laplace, supposent une astronomie assez avancée ; mais tout porte à croire qu’elles ne sont pas d’une haute antiquité… L’ensemble de ces tables, et surtout l’impossibilité de la conjonction générale qu’elles supposent, prouvent qu’elles ont été construites ou du moins rectifiées dans des temps modernes[14] »

2. Ces livres sont les plus authentiques de tous les livres. Et d’abord ils réunissent tous les caractères internes d’authenticité, puisque la critique la plus sévère et la plus minutieuse, loin d’y avoir rien trouvé d’important qui pût mériter son blâme, a été forcée de confesser que tout y était parfaitement assorti aux circonstances, soit des temps, soit des lieux, soit des personnes. De plus, ils possèdent encore tous les caractères externes d’authenticité, puisqu’ils ont en leur faveur le témoignage de tous les livres subséquents, qui les citent ou les supposent existants, la foi commune et universelle de tout le peuple juif, qui les a toujours reconnus pour authentiques, l’appui d’une multitude de monuments tels que des lois, des fêtes, des solennités, et autres usages, qui ne peuvent s’expliquer qu’en supposant leur authenticité, enfin l’impossibilité même de supposer ces livres, car, comme ils sont la source de la religion, de la législation, du droit public de toute une nation, ils n’auraient pu être faussement attribués à son législateur ou à ses prophètes sans causer les réclamations les plus vives, et ils n’auraient pu obtenir l’assentiment unanime de toute une nation[15]

3. Ces livres et surtout ceux de Moïse ont été le plus soigneusement conservés. Bossuet venant de parler des miracles étonnants que les anciens Hébreux ont vus de leurs yeux, ajoute : « Dieu qui les a faits pour rendre témoignage à son unité et à sa toute-puissance, que pouvait-il faire de plus authentique pour en conserver la mémoire, que de laisser entre les mains de tout un grand peuple les actes qui les attestent rédigés par l’ordre des temps ? C’est ce que nous avons encore dans les livres de l’Ancien Testament, c’est-à-dire… dans les livres que le peuple juif a toujours si religieusement gardés[16]… Les Juifs ont été les seuls dont les convictions sacrées ont été d’autant plus en vénération qu’elles ont été plus connues. De tous les peuples anciens, ils sont le seul qui ait conservé les monuments primitifs de sa religion, quoiqu’ils fussent pleins de témoignages de leur infidélité et de celle de leurs ancêtres[17]. » Ces livres en effet ont été dès leur origine un monument, puisque dès leur origine ils ont été un livre public que tout le monde devait lire et méditer ; c’était le code authentique de la religion, de la jurisprudence, de la médecine et du gouvernement. Une tribu tout entière avait la charge de veiller à leur conservation : une suite non interrompue de prophètes avait l’œil à ce qu’on n’y fît aucune altération. Les Juifs schismatiques des dix tribus, et après eux les Samaritains, qui adoptèrent leur religion, avaient le Pentateuque entre leurs mains, et veillaient à leur tour à ce qu’on n’y fît aucun changement. Après la captivité, les Juifs hellénistes qui se servaient de la version des Septante, les Juifs schismatiques d’Héliopolis, les trois sectes qui se formèrent à Jérusalem, c’est-à-dire, les pharisiens, les sadducéens et les esséniens, n’auraient pu s’accorder ensemble pour y faire quelque interpolation, et n’auraient pas manqué de réclamer, si l’une d’entre elles avait osé changer les Ecritures dans quelque point essentiel. Enfin l’expérience a prouvé que ces livres ont été conservés sans altérations substantielles, puisque tous les manuscrits aussi bien que toutes les versions s’accordent parfaitement pour le fond, et que la plupart des fautes qui s’y sont glissées par accident peuvent se corriger par les règles d’une sage critique.

4. Ces livres renferment l’histoire la plus convenable à la nature des choses et aux monuments les plus certains. Le monde et l’homme lui-même n’étant pas éternels, ont dù être créés, et voilà ce que nous apprend Moïse dès la première page de la Genèse : toutes les nations en conséquence ont dû avoir une origine commune ; or, c’est encore ce que nous apprend Moïse dans le chapitre x de la Genèse, lequel, au jugement de Bochart, est une démonstration de la vérité de sa narration. Les traditions de tous les peuples, l’organisation du globe terrestre, la nouveauté de nos continents, supposent un grand cataclysme qui a noyé la terre ; et n’est-ce point ce déluge que Moïse nous a tracé dans les plus grands détails ? Enfin toutes les familles de la terre étant sorties d’une même souche, ont dû partir d’un point central. Or, a-t-on pu jusqu’ici donner un démenti fondé aux savants laborieux qui, après avoir étudié, avec tous les moyens et toutes les ressources possibles à l’homme, l’origine et l’histoire de tous les peuples du monde ont affirmé que ce point central ne pouvait être que le point assigné par Moïse, et que tout autre point ne saurait rendre compte de la dissémination des différentes branches de la famille primitive ? Mais cette histoire est encore la plus suivie et la mieux enchaînée. Tous les événements se tiennent et se demandent les uns les autres. « Que dirai-je, s’écrie de nouveau Bossuet, que dirai-je du consentement des livres de l’Écriture et du témoignage admirable que tous les temps du peuple de Dieu se donnent les uns aux autres ? Les temps du second temple supposent ceux du premier, et nous ramènent à Salomon. La paix n’est venue que par les combats : et les conquêtes du peuple de Dieu nous font remonter jusqu’aux Juges, jusqu’à Josué, jusqu’à la sortie d’Égypte. En regardant tout un peuple sortir d’un royaume où il était étranger, on se souvient comment il y était entré. Les douze patriarches paraissent aussitôt, et un peuple qui ne s’était jamais regardé que comme une seule famille, nous conduit naturellement à Abraham, qui en est la tige[18]. » Or, l’histoire d’Abraham nous conduit à Sem dont il descend, et remonte au déluge et jusqu’à Noé. L’histoire de Noé nous ramène aux patriarches antédiluviens et jusqu’à Adam, le père de tous les hommes. Que sont maintenant toutes les histoires ou plutôt les fables des autres peuples, auprès de l’histoire de nos livres saints, histoire qui fixe le commencement des choses, les origines, les noms, les habitations des peuples divers ; qui appuie la narration sur des monuments incontestables, qui suit le peuple dès son commencement, et qui est si étroitement enchaînée, qu’on ne peut en détruire un article sans renverser tout le reste ?

5. La doctrine contenue dans ces livres est des plus pure et des plus élevée. Rien de plus exact que ce qu’ils nous apprennent de Dieu et du culte qui lui est dû, de l’homme et de sa fin ; toute la morale n’en est pas moins pure, et se trouve d’accord avec la raison. Aimer Dieu de tout son cœur et son prochain comme soi-même, voilà la loi et les prophètes. La législation de Moïse est si parfaite, que pendant trois mille ans on n’a eu besoin ni de la changer ni de la modifier. Qu’on lise l’abbé Guénée, BuUet, le Droit mosaïque par Michaëlis[19], et la Politique sacrée par Bossuet, et on aura une nouvelle preuve de la perfection de ce code de lois. Le but en effet de cette législation est le plus grand et le plus noble qu’un législateur puisse se proposer, celui de conserver la foi d’un Dieu créateur de tout l’univers, et de préparer les voies au grand libérateur du genre humain. Ce dernier but est comme le plan général de toute l’Ecriture ; les Livres sacrés, quoique composés par divers auteurs et à de grands intervalles de temps, conspirent néanmoins tous à cette unité de dessein. Or, ce plan admirable commence à paraître dès la chute de l’homme : le Messie est la semence qui doit écraser la tête du serpent. Ce Messie est encore rappelé à Abraham, à Isaac et à Jacob, lorsque Dieu leur dit, qu’en cette semence doivent être bénies toutes les nations de la terre. Il est plus développé par les prophètes, et surtout par Isaïe, qui semble être évangéliste plutôt que prophète ; et il se trouve accompli en Jésus-Christ, qui vient sauver le genre humain, et répandre dans tout le monde la connaissance du vrai Dieu.

6. Le style des écrivains sacrés est surtout remarquable par sa sublimité. La manière élevée et pleine d’enthousiasme dont ils parlent de Dieu, ou le font parler lui-même, leur est propre et ne se trouve nulle part ailleurs. Homère, Virgile, Horace, sont froids à côté de Moïse, de Job, d’Isaïe, de David et des autres prophètes. Les poètes orientaux eux-mêmes, que la langue, l’imagination et le climat rapprochent davantage des poètes hébreux, en sont à une distance incommensurable pour l’enthousiasme et la sublimité. Aussi Ravius a-t-il voulu prouver la divinité de la poésie hébraïque par son excellence et les littérateurs et les poètes les plus distingués de tous les temps et de tous les pays se sont-ils tous efforcés de montrer la sublimité des poètes hébreux ; nous citerons seulement, comme pouvant plus facilement être consultés, Bossuet, Fénelon, Rollin, Le Batteux, et Fleury en France, R. Lowth en Angleterre, Ancillon, Herder, Eichhorn en Allemagne.

7. Ce qui est propre à ces divins Livres, c’est qu’ils rapportent de vrais miracles et de véritables prophéties, dont le but est d’autoriser et de justifier la doctrine qu’ils contiennent. Et d’abord de vrais miracles : car, puisqu’il est démontré que Moïse est l’auteur du Pentateuque, il a donc pris les Juifs de son temps à témoin des plaies d’Égypte, du passage de la mer Rouge, de la manne tombée du ciel, et des autres prodiges du désert, comme ayant été opérés sous leurs yeux, et qui plus est, il a obtenu créance de leur part. Or, comment supposer qu’un homme de bon sens comme était certainement Moïse, ait pris à témoin plusieurs millions de personnes d’événements publics, notoires et tout à fait extraordinaires, qui n’auraient cependant jamais existé ? Comment, par des mensonges aussi palpables et dont les hommes les plus ignorants eussent pu facilement découvrir l’imposture, aurait-il pu acquérir assez d’autorité pour les gouverner, pour les châtier malgré leurs murmures, et pour leur imposer des lois extrêmement onéreuses ? Ainsi il faut que ces événements miraculeux soient réellement arrivés. Il doit en être de même des autres prodiges rapportés dans nos Livres saints. C’étaient des faits publics et importants qui ont obtenu créance, quoique écrits dans le temps même où une multitude de témoins pouvaient facilement les contredire. Quant aux prophéties, ne pouvant les parcourir toutes, nous nous bornerons à en rapporter quelques-unes qui sont claires et incontestables. C’est une chose évidemment prédite dans l’Ancien Testament, que la connaissance d’un Dieu unique serait communiquée aux Gentils par le moyen des Juifs. Les premières prédictions de ce grand événement ont eu lieu vingt-deux siècles avant Jésus-Christ y c’est-à-dire dans un temps où l’idolâtrie, remplissant toute la terre, rendait la prophétie tout à fait invraisemblable. Or, cependant ce grand événement a eu lieu, et nous envoyons nous-mêmes l’accomplissement. La captivité de Babylone a été prédite avec son retour par Moïse et les autres prophètes ; or cette prédiction a eu encore son parfait accomplissement. La ruine et la destruction entière de Babylone, prophétisées par Isaïe et Jérémie, ont eu lieu. Enfin ne faut-il pas fermer volontairement les yeux à la lumière pour ne point voir que tout ce que les prophètes ont annoncé touchant leur Messie a été littéralement accompli en Jésus de Nazareth ?

8. Enfin ces Livres ont été goûtés et admirés par les hommes les plus savants de l’antiquité ecclésiastique, Origène, saint Jérôme, saint Augustin, saint Basile, saint Grégoire de Nazianze, saint Chrysostome, etc., par Bossuet, Fénelon, Fleury, et une multitude d’autres beaux génies des temps modernes. Ils ont été examinés par les plus habiles et les plus rigoureux critiques, Grotius, Bochart, R. Simon, et mille autres, et ils n’ont reçu de leur part que les témoignages d’une grande admiration. Attaqués par Voltaire, Bolingbrocke et toute la nuée des incrédules qui les ont suivis, ils sont restés pleinement victorieux de leurs attaques. « Les anciens agresseurs de notre religion, dit Bullet, ne trouvaient dans les auteurs sacrés que les objections qu’une première lecture pouvait offrir. Il n’en est pas de même de ceux qui s’élèvent contre elle aujourd’hui : ils ont, pour ainsi parler, mis ces saints livres au creuset, ils ont employé les conjectures de là critique, les obscurités de la chronologie, les fables des anciens peuples, les écrits des écrivains profanes, les inscriptions des médailles, les incertitudes de la géographie des premiers temps, les sophismes de la logique, les découvertes de l’histoire naturelle, les expériences de la physique, les observations de la médecine, les subtilités de la métaphysique, les recherches de la philologie, les profondeurs de l’érudition, la connaissance des langues, les relations des voyageurs, les calculs de la géométrie, les figures de la rhétorique, les règles de la grammaire, les procédés de tous les arts : en un mot, ils ont tout mis en usage pour trouver nos divines Écritures en défaut[20]. » Mais tous ces efforts ont été sans succès, et ces assauts si violents n’ont servi qu’à en affermir la divine autorité. Bien plus, un autre triomphe non moins glorieux leur était réservé, celui de voir les hommes qui, dans ces derniers temps, se sont immortalisés par la sublimité de leur génie et leur profond savoir, venir leur payer à l’envi le tribut de leur admiration. Qui en effet professa jamais pour la Bible un respect plus grand que ne le fit Descartes ? Pascal en faisait ses délices et la savait presque par cœur. Newton avouait que c’était le plus authentique de tous les livres, et il n’a pas cru perdre son temps en commentant l’Apocalypse. Leibnitz trouvait l’origine des peuples conforme à la narration de Moïse, et cette conformité le frappait d’admiration. Quant à Bacon, il suffit de lire son chapitre intitulé De la dignité de la science prouvée par l’Ecriture, pour comprendre le cas qu’il en faisait : il n’a pas craint d’avouer que le moyen sûr d’arriver à une véritable connaissance de l’origine du monde, était de bien comprendre l’œuvre des six jours. Euler lisait tous les jours un chapitre de la Bible. Fréret, si connu par son érudition et la hardiesse de sa critique, disait que la lecture de l’Ecriture sainte était nécessaire pour former un véritable savant. Terminons par un témoignage qui résume tous les autres, celui d’un savant Anglais à la fois géomètre, jurisconsulte, profondément versé dans la littérature des peuples orientaux, dont il connaissait parfaitement les langues, et qui avait étudié à fond toutes les traditions et toutes les histoires des nations de la terre, en un mot, de W. Jones, qui déclare franchement, que s’il eût trouvé l’histoire de l’Ecriture sainte en défaut, il l’eût abandonnée sans balancer, mais qu’après un examen approfondi, il était obligé d’avouer que les principaux points de la narration de Moïse étaient confirmés par les histoires des peuples anciens et par les fictions de leur mythologie ; qu’il y avait plus de philosophie et de vérité, plus d’éloquence et de poésie dans la collection de nos livres sacrés que dans tous les autres livres dont il possédait les langues.


  1. Dic. sur l’hist. univ., seconde partie. Tom.  XXXV, chap. XXVIII, pag. 398, édit..
  2. Voy. Mém. de l’Acad. des inscriptions, t. XVIII, et la Dissert. de Fréret sur l’antiq. et la certitude de la chronologie chinoise, t. X. des mêmes Mémoires. — Nous connaissons les objections faites contre les assertions de ces deux savants ; mais, nous ne craindrons pas de l’avouer, elles ne nous ont point paru assez concluantes, pour nous croire obligé des les adopter.
  3. Voy. Essai sur l’antiquité des Chinois dans les Mémoires concernant les Chinois, tom. II, pag. 240.
  4. On lit dans le Magasin Encyclopédique de A. L. Millin (année 1815, t. V, pag. 220, note 2) : « Le P. Cibot, s’est plu à mettre cet ouvrage (celui que nous venons de citer) sous le nom d’un prétendu Père Ko, jésuite chinois. Mais son style le fait aisément reconnaître. » Cette observation nous semble peu judicieuse ; car le P. Ko peut avoir fourni le fonds de cet essai au P. Cibot, qui l’aura rédigé à sa manière et dans son propre style.
  5. Asia Polyglotta, p. 12.
  6. Zend-Avesta, tom. I, sec. partie, pag. 60.
  7. Hist. des Manich tom. I, pag 31
  8. Veter. Persarum etc., religionis historica præf. pag 1, et cap.  XXIII, XXIV. Or, voici comment Hyde désigne ce roi : « Is, tacitâ prosapià paternâ, vocatur Hystaspes, Darii pater, vel, vice versâ, Darius, Hystaspis filius. Sed sive vocetur Darius, sive Hystaspes, apud omnes convenit, quod fuit Xerxis pater… Iste rex in omnibus Persarum et Arabum libris vocatur Guschtâsp, filius τοῦ Lohrâsp (cap. , pag. 303, édit.). »
  9. « We must be satisfied with probable conjectures (Asiatic researches. Tom. II, pag. 145) »
  10. « Indeed their systems of geography, chronology and history are all equally monstruous and absurd (Ibid. Tom. V, pag. 241-296). »
  11. Asiat. researches Tom. VIII, pag. 195-245. On peut voir encore d’autres preuves incontestables de ce manque absolu de toute histoire chez les Hindous, dan ce même ouvrage, tom. IX, pag. 82-243.
  12. « This, it must be acknowledged, is vague and conjectural (Ibid. Tom. VII, pag. 284). » Il est à remarquer que parmi tous les indianistes qui se sont fondés sur l’autorité de Colebrooke pour soutenir la haute antiquité des Védas, il ne s’en trouve aucun qui ait tenu compte de cette restriction, quoiqu’elle soit très-importante dans la question de l’origine de ces livres. Ainsi, tout en louant la conscience et la bonne foi du savant Anglais, nous sommes forcé d’accuser tous ces indianistes d’une grande légèreté.
  13. J. Klaproth, Mémoires relatifs à l’Asie, pag. 397.
  14. Précis de l’histoire de l’astronomie pag. 18 et 20. Paris, 1821.
  15. Dans ce numéro et les suivants nous nous bornons à une simple indication de preuves, parce que ces questions sont discutés fort au long dans tous les traités de la religion, et que d’ailleurs ils regardent plutôt l’introduction particulière à chaque livre que l’introduction à l’Ecriture en général.
  16. Bossuet, Disc. sur l’hist. univ., seconde partie. Tom. XXXV, ch. XXVII, pag. 392-393
  17. Ibid. pag. 395.
  18. Discours sur l’hist. univ., sec. part. tom. XXXV, ch. XXVIII, pag. 401.
  19. Michaëlis a cependant beaucoup ôté de la sublimité de la législation mosaïque par ses principes rationalistes.
  20. Réponses critiques, préfaces, pag. VII, VIII.