Introduction à la vie dévote (Brignon)/Pratique pour se préparer à la mort

Texte établi par Jean BrignonCuret (p. 426-438).


PRATIQUE
POUR
SE PRÉPARER A LA MORT ;


Le premier Dimanche de chaque mois, suivant l’esprit de saint François de Sales, ou autre jour.


VEILLEZ et priez, dit Notre-Seigneur, parce que vous ne savez ni l’heure ni le jour auquel le Fils de l’homme viendra. C’est pour suivre un conseil si salutaire et se disposer à mourir saintement, que plusieurs personnes font tous les mois un jour de Retraite, qu’elles appellent l’exercice de la Mort ; en voici la pratique.

I. Choisissez un jour de Fête pour ce saint Exercice. Dès la veille tâchez de ménager quelques momens pour lire sur le soir un Livre spirituel, qui traite de la mort ou des dernières fins, et, après avoir préparé votre Méditation, allez prendre votre repos, dans la pensée que le lendemain sera le dernier jour de votre vie.

II. Le matin en vous éveillant, remerciez Dieu de ce qu’il vous donne encore le temps d’expier vos péchés par la pénitence ; et pensez à faire toutes vos actions, comme vous voudriez les avoir faites le jour de votre mort : dans l’Oraison, examinez sérieusement ce qui vous feroit le plus de peine, si en effet vous deviez mourir à la fin de cette journée.

III. Vous vous confesserez comme pour la dernière fois ; et, si quelques péchés de votre vie passée vous font de la peine, il faudra vous en accuser de nouveau, afin de mettre votre conscience en repos.

IV. Assistez à la Messe avec beaucoup d’attention ; demandez à Jésus-Christ, lorsqu’on élèvera la sainte Hostie, la grâce de mourir chrétiennement : disposez-vous ensuite avec ferveur à communier, et tâchez de recevoir la Communion avec les mêmes sentimens que vous voudriez avoir en recevant à l’agonie le sacré Viatique. Quand Jésus-Christ sera dans votre cœur, écoutez-le en silence, adorez-le avec respect ; faites des Actes de foi, d’amour, d’espérance, de contrition, etc. et promettez à Notre-Seigneur d’exécuter au plutôt ce qu’il vous aura inspiré.

V. Occupez-vous pendant la journée à lire quelques Vies des Saints, comme sont celles de saint Joseph, Alexis, Bernardin, François de Borgia.

VI. Après avoir entendu les Vêpres et le Sermon, retirez-vous dans votre chambre, et faites pendant une heure la Considération en cette manière. Étant à genoux, demandez les lumières du Saint-Esprit, pour découvrir les maux de votre âme et y remédier ; levez-vous ensuite, et en vous promenant, ou même étant assis, faites réflexion sur les points suivans. Premièrement, comment avez-vous vécu jusqu’à cette heure ? Voudriez-vous bien mourir dans l’état où vous êtes ? de quelle manière voulez-vous vivre à l’avenir ? Secondement, quelles sont les grâces particulières que Dieu vous a faites ? comment en avez-vous profité jusqu’à présent ? Troisièmement, quel est votre péché dominant ? quels sont ceux que vous avez commis le plus souvent pendant le mois passé ? Tâchez d’en découvrir les causes, les effets, et les moyens nécessaires pour les éviter dans la suite. Quatrièmement, remarquez soigneusement le propos que vous avez fait contre le vice qui étoit la matière de votre examen particulier ; déterminez le sujet de ce même examen pour le mois suivant. Cinquièmement, écrivez brièvement les choses que vous voulez pratiquer dans la suite.

VII. L’heure de la considération étant passée, mettez-vous à genoux pour remercier Notre-Seigneur des grâces qu’il vient de vous faire, et promettez-lui de garder fidèlement votre propos.

VIII. Rendez quelques visites au très-saint Sacrement ; c’est là, où prosterné devant Jésus-Christ, après avoir fait une amende honorable, pour réparer vos irrévérences dans les Églises, vous le conjurerez, de vous accorder les secours nécessaires pour vivre saintement à l’avenir.

IX. Enfin, le soir ayant fait vos prières et l’examen de conscience, vous produirez les actes que l’on fait faire aux mourans, pour les disposer à aller paroître devant Dieu : vous communierez aussi spirituellement, après quoi prenant un Crucifix, ou une image de Jésus-Christ crucifié, vous vous administrerez à vous-mène, à l’exemple de plusieurs saints personnages, une espèce d’extrême-onction en cette manière. Appliquant les plaies de Jésus-Christ sur vos yeux, vous direz : Divin Jésus, pardonnez-moi tous les péchés que j’ai commis par mes regards. Baisant ensuite les pieds, les mains et la bouche sacrée du Crucifix, dites : Divin Jésus, pardonnez-moi les péchés que j’ai commis par la langue, par l’ouïe et par l’attouchement. Enfin, mettant le Crucifix sur votre cœur, dites : Divin Jésus, pardonnez à mon cœur. toutes ses ingratitudes ; c’est un cœur contrit et humilié, qui vous aime sans réserve dès ce moment, et qui ne veut plus respirer que pour vous.

X. Pénétré de ces pensées, faites-vous à vous-même la recommandation de l’âme, en disant : Sors, mon âme, sors, áme chrétienne, de ce corps de péché ; va paroître devant ton Juge pour être jugée selon tes œuvres ; le voilà entre le Paradis et l’Enfer. Hélas ! que vas-t-ii devenir ? ô mon Dieu, mon Père, avez pitié de moi ! Reine du Ciel, venez à mon secours ; mes saints Patrons, mon Ange Gardien, aidez-moi dans ces derniers momens. Et après avoir dit, Seigneur, je mets mon esprit entre vos mains, prononcez les sacrés noms de Jésus et de Marie, et allez en paix prendre votre repos.


PRIÈRES ET DIVERS ACTES

POUR LA PRÉPARATION A LA MORT.


Avertissement.


L’on a introduit depuis peu une Pratique très-utile pour se préparer à la Mort ; elle consiste en plusieurs Actes, que l’on lit à haute voix dans quelques Églises, le troisième Dimanche de chaque mois, jour consacré à soulager les âmes souffrantes dans le Purgatoire : l’on fait cette lecture avant de donner la Bénédiction du très-saint Sacrement. Chaque particulier peut lire ce jour-là les mêmes Actes après la Communion.


Acte de Demande.


PÈRE Éternel, Dieu tout-puissant, Créateur et conservateur de toutes choses, prosterné en votre présence, je vous fais hommage de ma vie, et je vous demande par les mérites infinis, et par la précieuse mort de Jésus-Christ votre Fils, la grâce de mourir dans votre saint amour. Et vous Seigneur Jésus, Rédempteur de tous les hommes, vous pour qui je vis et pour qui je veux mourir, faites qu’à ce dernier moment de ma vie, je me trouve disposé à paroître devant votre Tribunal redoutable ; que je sois alors purifié par une vraie pénitence de cœur, par une humble confession de mes péchés ; que je sois fortifié du sacré Viatique et de l’Extrême-Onction. Ne m’abandonnez pas, o mon divin libérateur, à ce dernier combat que les démons me livreront ; envoyez auprès de moi vos Saints Anges, pour me défendre contre les tentations, afin que je finisse ma vie dans une sainte paix, pour passer heureusement de ce lieu d’exil dans la céleste Patrie.


Acte de Remerciment.


GRAND Dieu, qui nous avez donné tout ce que nous avons de biens, et à qui nous ne pouvons rendre que de foibles remercimens, je vous rends de très-humbles actions de grâces de tous les biens que vous m’avez faits pendant ma vie, et qui sont un gage de ceux que vous me préparez dans l’éternité. Je vous remercie en particulier de m’avoir fait naître dans le sein de votre Église, d’y avoir nourri si souvent mon âme de votre chair sacrée dans la divine Eucharistie ; de ne m’avoir pas fait mourir, lorsque j’étois le plus engagé dans le péché, mais de m’avoir donné le loisir de faire pénitence. Je vous remercie de m’avoir toujours conservé dans le cœur une ferme foi pour toutes les vérités que vous avez révélées à votre sainte Église Catholique, Apostolique et Romaine, dans laquelle je veux vivre et mourir, avec le secours de votre sainte grâce.


Acte de Foi.


OUI, mon adorable Maître, je crois fermement tout ce que votre sainte Église m’a enseigné de votre part, parce que vous-même, qui êtes la vérité éternelle, le lui avez en effet révélé. Je reçois donc très-sincèrement tout ce qu’elle reçoit, et je rejète de tout mon cœur tout ce qu’elle rejéte. Je crois en particulier que vous êtes réellement et substantiellement présent dans le très-auguste Sacrement de l’autel, que vous êtes l’auteur de mon salut, et l’arbitre souverain de ma vie, que vous êtes mon Juge, et qu’après cette vie mortelle, il y en a une immortelle et bienheureuse, que vous avez préparée à ceux qui vous servent ici fidèlement. O Jésus ! augmentez et fortifiez ma foi, faites qu’elle soit accompagnée de toutes les bonnes œuvres qui sont les seuls biens qui nous suivent après cette vie.


Acte de Résignation.


SOUVERAIN Juge, dont toutes les volontés sont justes, puisqu’il vous a plu condamner tous les hommes à la mort, j’accepte avec une humble soumission cet arrêt de votre justice. Je vous offre dès aujourd’hui ma mort, avec toutes les douleurs dont elle pourra être accompagnée, comme une juste peine de mes péchés ; disposez de votre créature selon votre bon plaisir, détruisez ce corps de péché ; je consens qu’il soit séparé de mon âme, en punition de ce qu’il n’a porté si souvent à me séparer de vous ; je consens qu’il soit privé de tous ses sens par un juste châtiment de l’abus que j’en ai fait ; je veux qu’il soit jeté dans la terre, foulé aux pieds, et caché dans l’obscurité du tombeau, pour punir ma vanité et mon orgueil ; je veux qu’il soit livré aux vers et réduit en poussière, pour vous faire un sacrifice entier de la vie que vous lui aviez donnée, et dont il a fait un si mauvais usage. Que ce corps de terre retourne donc dans la terre ; mais que l’âme créée à votre image, et faite pour vous posséder, retourne dans votre sein. Mon cœur est prêt à vous obéir, Seigneur, mon cœur est prêt : que votre volonté se fasse, et non pas la mienne.


Acte de Contrition.


TOUTE ma peine à la mort, ô mon Dieu, c’est de mourir après tant de crimes et si peu in de pénitence. Qu’il est terrible de tomber entre vos mains dans cet état ! O Jésus ! souverain Juge de tous les hommes, si vous examinez dans la rigueur toutes mes iniquités, qui pourra soutenir votre présence ? N’entrez donc pas en Jugement avec votre serviteur ; que votre miséricorde qui m’a soutenu jusqu’ici, me défende encore contre votre justice. Souvenez-vous que, si vous êtes mon Juge, vous êtes aussi mon Rédempteur ; que si je suis indigne d’être appelé votre enfant, je suis cependant votre créature et l’ouvrage de vos mains. Vous qui avez promis qu’en quelque temps que le pécheur reviendra de ses égaremens, vous oublierez ses iniquités ; ne rejetez pas devant votre présence un criminel qui revient à vous avec un cœur contrit et humilié. J’ai péché contre le ciel et devant vous, ô le Père de mon âme ! j’ai péché, je le confesse, je m’en accuse, je me repens de tout mon cœur de tous mes péchés, parce qu’ils vous ont offensé, vous qui méritez tous mes respects et tout mon amour, vous que j’aime aussi de toute mon âme et de toutes mes forces. Je suis donc résolu de tout perdre, plutôt que de perdre jamais plus votre amitié par le péché. Confirmez vous-même cette résolution, ô mon Sauveur ! et suppléez par vos mérites et vos {{{2}}} infinies, à tout ce qui manque à ma contrition et à ma pénitence.


Acte d’Espérance.


QUE puis-je désirer dans le ciel et sur la terre, si ce n’est de vous posséder, ô le Dieu de mon cœur, mon souverain et unique bien ! je sais que je suis très-indigne d’entrer dans votre Cité céleste, où rien d’impur n’est reçu ; mais je sais aussi qu’une seule goutte du sang de mon Sauveur répandu pour moi, peut laver toutes les taches de mon âme. C’est ce qui fait mon espérance, et nul de ceux qui espèrent en vous, Seigneur, ne sera confondu ; car votre volonté n’est point qu’aucun de nous périsse. Ne me perdez donc pas avec les impies, qui n’espèrent point en vous ; ne livrez pas aux démons une âme qui bénit encore votre saint nom. Pour moi, je ne cesserai point d’espérer en votre miséricorde, lors même que vous me frapperez du coup de la mort. Non, mon Rédempteur, vous ne me perdrez pas, après m’avoir racheté, vous qui m’avez racheté quand j’étois perdu. Vous conserverez jusqu’à la fin l’ouvrage de votre bonté : c’est dans cette douce pensée que je me reposerai, et que je vous rendrai mon esprit.

O Jésus ! qui avez prié pour vos ennemis, lorsqu’ils vous crucifioient, pardonnez-moi mes offenses, comme je pardonne à ceux qui m’ont offensé.

O Jésus ! qui de dessus votre croix, promîtes au bon larron de le faire entrer avec vous dans le Ciel, accordez-moi, quoique je sois plus criminel que lui, une place dans votre Royaume.

O Jésus ! qui recommandâtes en mourant votre disciple bien-aimé à votre bienheureuse Mère, mettez-moi vous-même sous sa protection, et rendez-moi digne de l’avoir pour mère pendant la vie et à la mort.

O Jésus ! qui par un ardent amour pour les souffrances, avez voulu dans le plus fort de vos douleurs, être délaissé de votre Père, ne me délaissez pas à l’heure de ma mort ; soyez toujours auprès de moi, de peur que je ne sois ébranlé, et cachez-moi dans vos plaies sacrées.

O Jésus ! qui dans votre plus brûlante soif, ne fûtes abreuvé que de fiel et de vinaigre, allumez dans mon cœur une soif ardente pour mon salut et pour votre gloire.

O Jésus ! qui consommâtes par votre mort l’ouvrage de notre rédemption, faites-moi la grâce de consommer et d’accomplir avant que de mourir, tous les desseins que vous avez sur moi, pour votre honneur et pour ma sanctification.

O Jésus ! qui remîtes en mourant votre esprit entre les mains de votre Père, recevez le mien entre les bras de votre miséricorde, lorsque je rendrai le dernier soupir.

O Jésus ! ayez pitié de moi. O Jésus ! pardonnez-moi. O Jésus ! sauvez-moi ; soyez mon Jésus et Sauveur à l’heure de la mort.

Marie, Mère de grâce, Mère de miséricorde, secourez-moi en ce dernier moment, défendez-moi contre les ennemis de mon salut, montrez alors que vous êtes ma Mère, et ne cessez de prier pour moi, jusqu’à ce que vous m’ayez conduit à votre divin Fils dans le Ciel.

Grand St. Joseph, qui eûtes le bonheur d’expirer entre les bras de Jésus et de Marie, obtenez-moi la grâce de mourir sous leur protection.

Mon saint Ange Gardien, tous les saints protecteurs, ne m’abandonnez point en ce dernier moment ; priez pour moi, et venez au-devant de mon âme. Et vous Jésus, le Saint des Saints, l’auteur de mon salut, je ne me retirerai point, que vous ne m’ayez donné votre bénédiction, pour le temps présent et pour l’éternité.


Acceptation de la Mort.


J'ADORE, Ô mon Dieu, votre Être éternel ! je remets entre vos mains celui que vous m’avez donné, pour être détruit quand il vous plaira par la mort, que j’accepte avec soumission, en union de celle de J. C., en esprit de pénitence, et dans cette vue je m’en réjouis ; j’espère que l’acceptation que j’en fais attirera sur moi votre miséricorde, pour me faire faire heureusement ce redoutable passage.

Je désire, ô mon Dieu, par ma mort, vous faire un sacrifice de moi-même, pour rendre hommage à la grandeur de votre Être, par l’anéantissement du mien.

Je désire que ma mort soit un sacrifice d’expiation que vous agréyiez, ô mon Dieu, pour satisfaire à votre justice, pour tant d’offenses que j’ai commises ; et dans cette vue, j’accepte tout ce que la mort a de plus affreux aux sens et à la nature..

Je consens, ô mon Dieu, à la séparation de mon âme avec mon corps, en punition de ce que par mes péchés je me suis séparé de vous ; j’accepte la privation de l’usage de mes sens, en satisfaction des péchés que j’ai commis par eux.

J’accepte, ô mon Dieu, que je sois foulé aux pieds, et caché en terre, pour punir non orgueil, qui n’a fait chercher à paroître aux yeux des créatures ; j’accepte qu’elles m’oublient, et qu’elles ne se souviennent plus de moi, en punition du plaisir que j’ai eu d’être aimé d’elles.

J’accepte la solitude et l’horreur du tombeau, pour réparer mes dissipations et mes amusemens ; j’accepte enfin la réduction de mon corps en poudre et en cendre, et qu’il soit la pâture des vers, en punition de l’amour désordonné que j’ai eu pour mon corps. O poudre ! ô cendre ! Ô vers ! je vous reçois, je vous chéris, et vous regarde comme les instrumens de la justice de mon Dieu, pour punir la superbe et l’orgueil qui m’a rendu rebelle à ses ordres : vengez ses intérêts, réparez les injures que je lui ai faites, détruisez ce corps de péché, cet ennemi de Dieu, ce membre d’iniquités, et faites triompher la puissance du Créateur sur la foiblesse de son indigne créature ; je m’y soumets, ô mon Dieu, et au jugement tel qu’il soit, que vous ferez de mon âme au moment de ma mort.