Inondation de Canton


CHINE. — Inondation de la ville de Canton. — Le mois de juin de 1829 a été annoncé par de hautes marées, comme il arrive toujours dans cette saison de l’année ; mais le 4, le 5 et le 6, les eaux se sont élevées à un degré extraordinaire.

On pouvait naviguer en bateau dans les rues de Canton. C’était même le seul moyen de communication, la plupart des maisons étant inondées à la hauteur de deux ou trois pieds. Tout commerce avait cessé.

Dans un village l’inondation fut si rapide, que plusieurs habitans ne purent imaginer pour leurs enfans d’autre moyen de salut que de les placer dans des cuves, et de les confier aux eaux. On vit plusieurs de ces petites créatures exposées ainsi sur la rivière avec un écriteau où on lisait le nom et la demeure de leurs parens ; on y avait joint quelques pièces d’argent pour engager ceux qui les recueilleraient à leur donner des secours.

Dans un autre village, l’accroissement des eaux fut si alarmant, que les habitans renvoyèrent à leurs amis de Canton et des villes voisines tous leurs enfans, dont le nombre en un seul jour s’éleva à plus de cent. Deux bateaux qui portaient une troupe de comédiens coulèrent à fond, et environ cent quarante personnes qui les montaient périrent. Trois bateaux de transport eurent pareil sort : de deux cents ou trois cents personnes, un très-petit nombre eut le bonheur de se sauver.

Dans plusieurs villages, les courans étaient si rapides, que deux ou trois mille habitans ont, dit-on, péri. Beaucoup d’entre eux, en essayant de se sauver à la nage, furent emportés par les flots. Quelques jours après, on a retrouvé leurs corps de divers côtés. On voyait des femmes ayant encore leurs enfans dans leurs bras, et mortes avec toutes les marques du désespoir.

Les manufactures de soie ont beaucoup souffert. Un grand nombre de maisons ont été entièrement renversées ; et il est à craindre que, si une forte pluie vient à tomber, les fondemens des meilleurs édifices ne soient ébranlés.

Il y a environ huit ans, une inondation très-considérable eut lieu ; mais celle-ci l’a surpassée de plusieurs pouces. Le temps cependant était très-beau, et on remarque, comme une circonstance assez singulière, que la marée avait un fort reflux au moment même où les eaux s’élevaient.

On évalue les pertes éprouvées à une somme beaucoup plus considérable que celle qui résulta de l’incendie de Canton en 1822.