Initiation musicale (Widor)/Préface

Librairie Hachette (p. 5-6).

PRÉFACE



Ce petit livre contient le programme de ce qu’il faut savoir en musique.

Après l’exposé des phénomènes de l’émission et de la perception des sonorités, perception par l’oreille, émission par les instruments, vient celui de la science elle-même, l’harmonie, le contrepoint, la composition.

Il n’est pas sans intérêt de confronter la pratique avec la théorie, les exemples avec les écrits des philosophes, le présent avec le passé, et de comparer le résultat de l’enquête à la réalité des faits, à la vérité harmonique, laquelle est loi de nature.

Car il y a, pour la musique, une loi de nature, l’onde sonore.

Longtemps on a cru que cette onde se perdait dans l’atmosphère, alors que, telle devenant son acuité, nous cessions de l’entendre. Aujourd’hui, si nous ignorons encore son point terminus, nous pouvons la suivre très loin dans sa course vers l’infini.

La musique commence, au plus bas de l’échelle, avec 32 vibrations à la seconde ; de 32 à 30 000, c’est l’étendue des sons perceptibles : dix octaves maximum. Au-dessus, de dix en dix octaves environ, ces vibrations toujours plus serrées s’appellent successivement télégraphie sans fil, ondes herziennes, chaleur obscure, lumière invisible dans l’ultra-violet, etc., et ce sont alors des millions, des trillions à la seconde.

Ainsi l’acoustique est en passe de nous stupéfier par sa pénétration dans le domaine de l’éther.

Le timbre dépend de la forme des vibrations (des harmoniques)… Or voici qu’à volonté nous allons pourvoir augmenter ou diminuer leur intensité et modifier le son de nos instruments.

L’onde sonore va nous apporter l’image de la personne avec qui nous causons au téléphone.

De l’Opéra, notre orchestre accompagnera la cantatrice en scène à Bruxelles.

Dans Paris, le dimanche, il suffira d’une seule maîtrise, celle de Notre-Dame, par exemple, qu’on entendra de Saint-Sulpice, de Saint-Eustache, de la Madeleine, de partout… Notable économie ; plus de grève de chantres à redouter.

Et déjà, la nuit, sans pilote, un bateau rentre au port, guidé par le son, comme un aveugle par une main secourable.

Nous revenons aux temps fabuleux. C’est la sirène de jadis, mais une sirène à la voix pure de toute perfidie, au charme non trompeur.

Écoutons, suivons-la.

Ch.-M. W.