Ingénuité
Revue des Deux Mondes5e période, tome 60 (p. 688).

ingénuité


Je suis de ceux qui vont, s’attardant et rêvant,
De ceux que l’on croit fous parce qu’ils sont souvent,
Quand l’air léger d’odeurs suaves se vanille,
En extase devant la moindre coronille,
Ou que, devant le cœur azuré des bluets
Ils restent tout un jour attendris et muets.
Je suis de ceux que la champêtre marjolaine
Émerveille, que grise un lys de son haleine,
Dont s’assoupit la peine aux baumes des pavots
Et que trouve une rose à sa grâce dévots.
Or, j’admire quel art minutieux cisèle
Les corolles avec un si louable zèle,
Et quel habile orfèvre, avec profusion,
Nous donne d’un jardin d’émaux l’illusion ;
Et je préfère, au fond d’un site qu’on ignore,
À la fortune vaine, à la gloire sonore,
À tout ce qui s’achève ici-bas en douleur,
La contemplation discrète d’une fleur.