Identification anthropométrique, instructions signalétiques/45

III. — Contour général de la tête vue de profil (Pl. 41).

19. — 1° Du prognathisme et de l’orthognathisme. La proéminence du bas de la face, et plus spécialement de la mâchoire supérieure, en y comprenant la partie du squelette qui soutient la base du nez, a reçu des anthropologistes le nom de prognathisme.

Ce sont les individus de race noire qui présentent les types de prognatthisme les plus accentués (Pl. 41, no 1), et c’est spécialement en vue de leur description que le terme a été créé de deux mots grecs : pro — en avant et gnathos — mâchoire.

20. — Mais l’expression peut également s’appliquer, de la façon la plus caractéristique, à la conformation osseuse du profil de nombreux Européens, si l’on a soin d’en bien limiter la signification à l’avancement de la partie médiane de la face : maxillaire supérieur et partie du squelette contiguë aux ailes du nez (prognathisme supérieur des anthropologistes, Ib., no 2).

21. — Chez les nègres, le prognathisme osseux est compliqué et rendu plus apparent par un épaississement considérable des lèvres. Or il importe de séparer nettement ces deux points de vue, et nous avons indiqué plus haut que l’épaisseur des lèvres doit être l’objet d’une analyse et d’une notation spéciale.

Ainsi, si nous supposons que nous ayons à décrire un sujet de peau blanche, mais dont la conformation externe et interne serait calquée sur celle du nègre, la notice des traits caractéristiques devrait être libellée ainsi : très prognathe ; lèvres très épaisses ; menton fuyant. S’il s’agissait d’un véritable nègre à peau noire, la mention type nègre sur la ligne grise des renseignements descriptifs, remplacerait avantageusement toute autre description (voir page 58, § 83).

22. — L’inverse du prognathisme est l’orthognathisme (de orthos — droit et gnathos — mâchoire). Les profils se rattachant à ce type sont caractérisés par le retrait en arrière du maxillaire supérieur. La ligne générale du profil, abstraction faite du nez, devient droite et verticale. Pour les cas outrés, où de verticale cette ligne deviendrait oblique en dedans, remplacer le terme d’orthognathe par l’expression renforcée de face rentrée en dedans.

23. — Nous attirons l’attention sur ce point que le terme prognathe ne doit être employé, sur nos signalements, que pour la désignation de la proéminence de toute la mâchoire supérieure, tandis qu’on devra avoir recours au terme de naso-prognathe pour exprimer l’avancement limité aux parties osseuses situées au-dessus, qui soutiennent la base du nez. Chez la grande majorité des sujets, quand les deux mâchoires sont serrées l’une contre l’autre et que les grosses molaires du haut et du bas sont imbriquées, les incisives supérieures avancent sur les inférieures, et cachent partiellement ces dernières. Cette disposition est évidemment d’autant plus apparente que la mâchoire supérieure avance davantage, c’est-à-dire que le naso-prognathisme est plus prononcé. Chez les sujets, au contraire, où, les dents étant serrées, les incisives inférieures masquent entièrement les supérieures, ces dernières sont d’autant plus repoussées en arrière que les premières avancent davantage.

24. — On indiquera cette conformation par l’expression : mâchoire inférieure proéminente (vulgo, menton de galoche), qui impliquera donc, sans qu’il soit besoin de le mentionner à part, la plus ou moins grande proéminence concomitante de la lèvre correspondante[1]. Cette particularité devient très signalétique chez les sujets où elle se combine avec de l’orthognathisme (voir Pl. 60a, nos 3 et 4).

25. — 2° Disons également un mot du profil grec ou classique. Il est caractérisé par la combinaison d’un profil nasal rectiligne horizontal (aux trois dimensions moyennes), avec une racine du nez à concavité peu marquée, c’est-à-dire de très petite profondeur, et un front dont la ligne d’inclinaison prolonge celle du dos du nez.

Cette particularité sera notée abréviativement au moyen de la formule : profil fronto-nasal rectiligne (Pl. 41, no 6).

26. — La forme inverse est réalisée par la coïncidence d’un front vertical avec un nez à dos avançant fortement de la racine à son extrémité (conséquence, soit d’un prognathisme accentué, soit d’un nez très saillant et à base relevée). Cette conformation, dont la description est en partie incluse dans celle du front et du nez, ne fera l’objet d’une mention spéciale que dans la rédaction du portrait parlé ; l’expression synthétique de profil fronto-nasal anguleux pourrait lui être réservée (voir Pl. 35, nos 2 et 6).

La forme normale (mitoyenne entre le profil rectiligne et le profil anguleux), dont a fortiori il ne sera jamais parlé, est caractérisée par une direction à peu de chose près parallèle (mais non en prolongement l’une de l’autre) du profil nasal avec le frontal.

27. — Citons encore à cette occasion le profil semi-lunaire, qui résulte de la coïncidence d’un front arqué, et plutôt fuyant, avec un nez convexe et un menton également fuyant, de telle sorte que le profil entier, considéré dans son ensemble, serait tangent à un arc de cercle décrit en prenant le tragus comme centre (voir entre autres Pl. 41, no 3 ; Pl. 40, no 1, et Pl. 33, no 9).

28. — 3° Du profil du crane proprement dit. Pour achever la description du profil, disons un mot des cas où la hauteur du crâne au-dessus du trou auditif s’écarterait de la moyenne, soit dans un sens, soit dans 1 autre, d’où les deux formes

crâne bas
crâne haut.

29. — Le degré de saillie en arrière de l’occiput pourra également donner lieu à quelques remarques plus utiles, à vrai dire, dans le portrait parlé que sur la fiche anthropométrique, où elles formeraient quelque peu double emploi avec la mensuration de la longueur de tête.

Les individus à petite longueur céphalique sont en effet presque nécessairement dotés d’occiput plat, tandis que les sujets à grande longueur de tête offrent, toutes choses égales d’ailleurs, un occiput bombé.

30. — 4° De quelques malformations spéciales. Signalons enfin quelques anomalies crâniennes, soit naturelles, soit artificielles, qui sont on ne peut plus signalétiques lorsqu’elles sont bien tranchées.

Une longueur de tête minime associée à une surélévation anormale de la voûte du crâne (l’acrocéphalie des anthropologistes), sera désignée synthétiquement au moyen de l’expression : tête en bonnet à poils, par comparaison avec la célèbre coiffure des grenadiers de Napoléon Ier (Pl. 41, no 7).

31. — On appellera tête en carène (Ib., no 8) la forme presque inverse, qui résulte de l’excessif allongement antéro-postérieur du crâne combiné avec une grande étroitesse, surtout au sommet ; ce qui donne au crâne, vu d’en haut, une forme qui rappelle quelque peu celle d’un navire retourné, la quille en l’air (terme scientifique : scaphocéphale).

32. — Enfin on qualifiera de tête en besace (Ib., no 9) la forme crânienne résultant d’une malformation artificielle, encore appliquée quelquefois de nos jours sur les têtes des nouveaux-nés, dans certaines provinces (aux environs de Limoges et de Toulouse notamment). Les crânes qui y ont été soumis, se reconnaissent facilement, dans la vue de profil, à leur front fuyant démesurément prolongé et à la saillie de leur occiput.

  1. On remarquera que le menton saillant se distingue de la mâchoire proéminente, en ce que le premier qualificatif n’implique qu’une direction oblique antérieure du profil, tandis que le second vise l’avancement général de toute la mâchoire sans tenir compte du sens de l’obliquité de la ligne du menton (voir note de la page 83).