Idées républicaines, augmentées de remarques/59

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LIX.

C’eſt, ce me ſemble, encore un grand abus de citer les loix de Bantam, du Pégu, de Cochin, de Borneo, pour nous prouver des vérités qui n’ont pas beſoin de tels exemples. L’illuſtre auteur de l’Eſprit des Loix tombe ſouvent dans cette affectation : il nous dit qu’à Bantam le Roi prend toute la ſucceſſion d’un pere de famille, la maiſon, la femme & les enfans ; cela ſe trouve, dit-il, dans un recueil de voyages. Mais la choſe eſt impoſſible car en deux générations le Roi auroit toutes les maiſons & toutes les femmes en propriété. Un voyageur dit ſouvent des choſes qu’un homme qui écrit en légiſlateur ne doit jamais répéter.

LIX.

Il importoit beaucoup pour l’inſtruction du public que M. D. V. lui obſerva les citations inutiles des Loix de Bantam, du Pégu &c. faites par l’Auteur de l’Eſprit des Loix. Son exactitude va même juſqu’à condamner l’extrait de la relation d’un voiageur. Cette ſévérité de critique ſeroit intolérable, ſi du même trait de plume l’Auteur ne ſe hâtoit d’honorer les mânes de M. D. M. en l’élevant au ſublime rang des génies qui ont humaniſé les nations.

Qu’il y a peu de juſtice parmi les hommes ! perſonne de ſenſé n’a penſé à décerner à l’Auteur de l’Eſprit des Loix la dignité de législateur ; cet écrivain ne s’y ſeroit ſurement pas reconnu. M. D. M. plus équitable appréciateur du mérite la lui défere dans le Dictionnaire hiſtorial de ſes idées au mot Législateur.