Idées républicaines, augmentées de remarques/25

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XXV.

Dans une République digne de ce nom, la liberté de publier ſes penſées, eſt le droit naturel du Citoyen. Il peut ſe ſervir de ſa plume comme de ſa voix : il ne doit pas être plus défendu d’écrire que de parler, & les délits faits avec la plume doivent être punis comme les délits faits avec la parole. Telle eſt la loi d’Angleterre, pays monarchique ; mais où les hommes ſont plus libres qu’ailleurs, parce qu’ils ſont plus éclairés.

XXV.

Il n’eſt point d’auteur plus intéreſſé que M. D. V. à juſtifier la liberté d’écrire. Il ne pouvoit ſans doute lui donner un plus ſolide appui que le droit naturel, & conſéquemment l’on ne doit pas être ſurpris de la lui voir ériger en dogme de morale. Mais ſi la liberté de la plume doit être en raiſon de celle de la parole, comme l’Auteur le prétend, l’on ſera très-bien fondé à conclurre que la langue de M. D. V. eſt très-méchante, car ſa plume l’eſt furieuſement. Revenons à l’enſeignement de ce nouveau pédagogue de Républiques.

Dans tous les Etats il y a des eſprits inquiets, cenſeurs ardents, à qui la nouveauté plait, & à qui rien ne plait pas même leur propre tranquillité. Laiſſons les maîtres de publier leurs penſées, leurs ſentiments : que réſultera-t-il de cette dangereuſe liberté ? des factions qui diviſent, une fermentation qui ſe dilate & qui allume le feu de la diſcorde ; ainſi un Etat ſe remplit de troubles.

Il eſt faux qu’en Angleterre chacun ait la liberté d’écrire ce qui lui plait. Le fameux Wilkes eſt encore proſcrit pour ſon North-brithon ; un Medecin à Londres fut condamné, il n’y a que quelques années, au carquan & à trois ans de priſon pour ſes ouvrages : un Imprimeur ſubit la même peine pour en avoir imprimé de mauvais. Le nommé Cleveland Ecoſſois a été condamné ainſi que ſon Libraire Griffigt, à une amende pour avoir publié un livre contre les mœurs.

Les hommes, dit l’auteur, ſont plus libres en Angleterre, parce qu’ils y ſont plus éclairés. Au contraire juſqu’à préſent l’on a penſé qu’une liberté plus grande ſervoit à acquérir plus de lumieres. Ainſi les Anglois ſont des politiques plus éclairés que les François, parce qu’ils ont plus de liberté de s’inſtruire, de parler des intérêts du gouvernement. Mais nos nouveaux maîtres dont la gloire eſt d’être nés pour éclairer, réformer la raiſon, peuvent-ils décemment raiſonner comme le reſte des mortels.