Patience. CXVIII.


CEtte pauure Femme, dont les eſpaules ſouſtiennent vn peſant joug, & qui toute deſolée tient les mains jointes, & marche ſur des eſpines, ſignifie la Patience, qui ne peut mieux eſtre definie, Qu’vne inuincible vertu que l’on teſmoigne à ſupporter les douleurs du corps, & les trauaux de l’eſprit, qui ſont figurez par des eſpines.

Quant au joug, il demonſtre le meſme, & nous apprend, qu’vn des principaux effects de la Force eſt de ſouffrir courageuſement la ſeruitude quand la neceſſité le requiert. A raiſon dequoy Caton, bien fort aduiſé d’ailleurs, fut neantmoins tenu pour laſche par les plus ſages, pour s’eſtre voulu donner la mort, pluſtoſt que de viure ſous l’Empire d’vn Tyran.

Quelques-autres la peignent au pied d’vn eſcueil, d’où diſtillent peu à peu des gouttes d’eau ſur de fortes chaiſnes, dont elle a les mains liées.

Il eſt denoté par là, ſi ie ne me trompe, Qu’il eſt fort difficile qu’vn homme qui ſe donne la patience d’attendre, n’ait à la fin vn bon ſuccez ; Car quelques perſecutions que ſouffrent les gens de bien, leur merite reçoit toſt ou tard la recompenſe qui leur eſt deuë ; mais à le prendre au pire, quand nous ne pourrions en cette vie nous acquerir la liberté deſirée, & quand meſme il nous ſeroit impoſſible d’y paruenir par vne longue ſouffrance, qui n’a pas moins de pouuoir quelquefois de diſſiper les ennuys, qu’en a la force de l’eau de conſumer celle du fer, ſi ne faudroit-il pas toutefois perdre courage, mais nous ſouuenir touſiours de la promeſſe qui nous eſt faite par Iesvs-Christ, quand il nous recommande ſur toutes choſes, de poſſeder nos ames en patience ; Auſſi a-t’il accouſtumé de ne chaſtier en cette vie que ceux qu’il deſire recompenſer en l’autre.