Iconologie (Cesare Ripa, 1643)/I/Felicité eternelle


Felicité eternelle. LVIII.


C’Est l’image d’vne ieune Fille nuë, belle à merueilles, reſplendiſſante, & couronnée de Laurier. Elle eſt aſſiſe ſur vn Ciel eſtoillé, d’où elle regarde en haut, auec vn viſage ioyeux, tenant de la main gauche vne Palme, & de la droite vne Flamme de feu.

On la peint ieune & de belle humeur, pource que la ioye, la ſanté, les biens incorruptibles, & toutes les graces particulieres, qui accompagnent les ieunes gens, ſont inſeparables d’auec elle.

Elle eſt nuë, à cauſe qu’elle n’a nullement beſoin de ſe couurir des biens periſſables d’icy bas, ou pour s’en parer, ou pour subuenir aux incommoditez de la vie, trouuant comme elle fait en ſoy-meſme, le comble des vrays contentemens, ſans qu’il ſoit beſoin qu’elle les cherche en autruy.

Ses treſſes dorées, ſont des figures d’vne Paix immortelle, & qui eſt pleine de ſeureté. Car il n’y a celuy qui ne ſçache, que l’or eſtoit vn ſymbole d’vnion, en ce premier aage où les hommes viuoient dans l’innocence, ſans violer tant ſoit peu les Loix de la Nature. Le Ciel eſtoillé ſur qui elle eſt aſſiſe, Que la vraye felicité des Bien-heureux, n’eſt ſujette, ny au cours des Aſtres, ny au mouuement des Saiſons. La Palme jointe à la Couronne de Laurier, Qu’on ne peut s’ouurir vne entrée au Paradis que par les tribulations ; Eſtant certain, comme dit sainct Paul, Qu’il faut combattre de bonne façon, pour receuoir la couronne de gloire ; Et la Flamme ardante, Qu’vn bon Chreſtien doit eſtre embrazé de l’Amour de Dieu, & auoir ſans ceſſe les yeux de l’ame eſleuez à la contemplation de ce Createur de toutes choſes, puis qu’en cecy principallement conſiſte le plus haut point d’vne perdurable beatitude.