Iconologie (Cesare Ripa, 1643)/I/Artifice


Artifice. XIII.


SA Peinture eſt celle d’vn homme de beau viſage, & l’habillement duquel eſt ſemé d’vne riche broderie. Il tient la main droite appuyée ſur vne viz ſans fin, & de la droite il monſtre vne ruche pleine de mouche à miel, dont les vnes s’attachent au deſſus, & les autres s’enuolent.

Il eſt veſtu noblement & artiſtement, pource que l’Art eſt ſi noble de ſoy, qu’on le peut nommer vne ſeconde Nature.

Il s’appuye de la main droite ſur vne viz, pour monſtrer que l’induſtrie humaine a inuenté des machines, & des inſtrumens, par l’aide deſquels on peut ſans aucun effort faire des choſes qui ne ſemblent pas croyables. C’eſt pour cela qu’en vn vers qu’Ariſte a pris plaiſir de citer en ſes Mecaniques, le Poëte Antiphon nous enſeigne, Que par le moyen de l’Art, nous venons à bout quelquefois de certaines entrepriſes, qui ſemblent directement oppoſées à la nature de la choſe meſme à laquelle nous trauaillons. Ce que nous n’auions l’experience, qui nous fait voir qu’en nos baſtimens ordinaires, il ſeroit comme impoſſible d’enleuer les plus groſſes pierres, ſans la Machine vulgairement appellée Gruë.

Par la Ruche qu’il monſtre, qui eſt pleine de mouches à miel, nous eſt declarée leur merueilleuſe induſtrie, qui fait dire au plus ſage de tous les hommes ; Va-t’en à l’abeille, qui t’apprendra combien elle eſt diligente & laborieuse en ſon ouurage ; Æneid. Georg. & au Prince des Poëtes Latins, Que ces merueilleux Animaux, quelques petits qu’ils ſoient, ne laiſſent pas d’eſtre grands en leur conduite, comme ayant leurs chefs, leurs ordres, leur police, & leur œconomie, d’où ſe forme entr’eux vne maniere de Royauté.