Humour et humoristes/Maurice Curnonsky

H. Simonis Empis (p. 185-186).

MAURICE CURNONSKY


Du ventre déjà, et des joues grasses qui tombent ; une démarche lente et paresseuse, des yeux de bon enfant qu’abrite un binocle, un rire sonore qui gronde dans le gosier et sort en intarissables secousses : M. Maurice Saillant, plus connu sous le nom de Curnonsky, détient dans le quartier des Feuillantines le sceptre de l’ironique gaieté.

M. Curnonsky, en effet, depuis qu’il cessa de prétendre à la couronne de France, règne sur une certaine jeunesse littéraire, de la rue Gay-Lussac à la place Saint-Michel. Il trône au bar du Panthéon, il trône au restaurant de la Côte-d’Or, il trône au bal Bullier. Non pas qu’il écrive beaucoup ; il griffonne si peu qu’il ne sied pas d’en parler, et les livres qu’il prépare, ses amis en attendent vainement depuis des années la retentissante publication. Ses occupations féminines sont trop nombreuses, son italienne fainéantise le retient trop au lit et les boissons américaines le charment trop. Mais il a de l’esprit : causeur potinier, il possède le sens du comique, et n’oublie pas de le montrer, en exerçant ses railleries sur ses camarades, ses ennemis, ses connaissances. M. Curnonsky se trouve passer pour un humoriste, sans qu’un éditeur ait lu ou même aperçu une ligne de ses œuvres.

Que voulez-vous ? il aime mieux vivre en dilettante qu’écrire, et, comme il a des rentes légères, le rôle qu’il choisit de jouer vaut qu’on l’envie un peu, un tout petit peu.