Humour et humoristes/Jean Goudezki

H. Simonis Empis (p. 194-195).

JEAN GOUDEZKI


De grosses joues, des manières d’éponges piquées de poils blonds et frisottants, un grand front bossué au-dessus duquel, toujours agités, toujours furieux, se démènent des cheveux en bourrasque : M. J. Goudezki, aux Quat’z-Arts, ou au Bar du Journal, ou à la Maxéville, boit des bocks, ballons ou demis, et demis plutôt que ballons, et fume des cigares, londrecitos, favoritos, aromaticos, le nez écrasé, et les yeux clignotants.

M. Goudezki est-il un humoriste ? Qui sait ? D’aucuns disent que oui ; d’autres plus nombreux ne disent rien, ne le connaissant pas.

M. Goudezki courtise tant la paresse !… De ci de là on aperçoit quinze à vingt lignes de lui, d’une fantaisie un peu enfantine, mais si joviale… quelque chose comme les cabrioles d’un chansonnier montmartrois qui aurait de la littérature, et c’est tout. M. Goudezki se repose et absorbe.

Non, M. Goudezki n’est pas un humoriste : il appartient à ces hommes courageux qui veulent sauver notre pays. Il fréquente la Libre Parole, il y prêche la guerre sainte, il y chante d’une belle voix tonitruante des Marseillaises antisémites, en s’accompagnant de sa canne sur les tables de la rédaction, et il y dévore à dents affamées des Juifs : et voici, hélas ! que pour le punir, le Dieu d’Israël lui donne peu à peu la figure jaune d’un vieux juif alsacien, marchand d’antiquailles.

Mais alors, pourquoi nous parlez-vous de lui ?