Hokousaï (Goncourt)/Chapitre 23

Charpentier (p. 132-135).
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En 1811 Hokousaï publie, en collaboration avec Hokousou qui dessine le premier volume, Jôdan Foutsouka Yehi, Ivresse de deux jours, une série de dessins comiques.

Dans l’illustration du second volume, dont il s’est chargé, il nous montre des porteurs ivres que regardent des enfants, et vraiment il est impossible de rendre mieux l’hilarité bête de ces visages, avec la demi-fermeture des yeux et l’égueulement de la bouche entr’ouverte de côté.

Une autre planche très amusante de ces scènes, qui se passent la veille, et le jour même du Jour de l’An : c’est l’entrée dans un intérieur, d’un vieux prêtre pochard, à la tête impossible, travesti en manzaï, escorté d’une espèce d’enfant de chœur, faisant du tapage avec un instrument pour appeler au service divin, et devant ces deux ivresses de la vieillesse et de l’enfance, le rire du bourgeois japonais, l’attention dédaigneuse de la femme, l’ahurissement d’un ami.

Enfin la dernière planche : dans une chambre décorée de feuilles de fougère et de branches de sapin, le décor des intérieurs de Jour de l’An, a lieu une terrible bataille à coups de balais, entre deux hommes, que trois autres ne peuvent séparer.

La même année, Hokousaï publie l’illustration de Hokou-yétsou Kidan, les Légendes fantastiques de la province de Yétigo, édité en 6 volumes, avec un texte par Tanéhiko.

Un ouvrage, dans lequel se trouve reproduite par Hokousaï une carte de cette province où il neige beaucoup, au milieu d’un méli-mélo d’hommes-bêtes, de coraux, de plantes marines, de monnaies, d’objets usuels, de serpents d’une grandeur fabuleuse, enfin de choses réelles et de choses surnaturelles.

La même année, Hokousaï publie encore l’illustration de Tawara-Tôda Rôko dén, Conte d’un vieux renard et du guerrier Tawara Toda, pièce de théâtre par Tanéhiko, éditée en trois volumes, et gravée avec une écriture plus grande, plus facile à lire que l’écriture du roman, de l’histoire.

Cette pièce de théâtre a pour principal personnage, Hidésato, le guerrier, qui trouvant une femme pleurant aux bords du lac Biwa, lui demandait la cause de son chagrin. La femme qui était la reine du lac Biwa, lui répondait, que depuis des années, ses enfants étaient mangés par un scolopendre géant. Hidésato de s’informer où se trouvait ce monstre. Elle lui indiquait la montagne Ishiyama, où son corps, lui disait-elle, faisait sept fois et demie le tour de la montagne, et lui montrait, dans le moment, une masse brillante qui luisait au soleil, comme un bloc de diamant : c’était l’œil de l’insecte colossal, dans lequel Hidésato mettait une flèche mortelle.

L’illustration de cette pièce par Hokousaï est intéressante. Dans le dessin de la reine de Biwa, de la femme d’Hidésato, de la fille d’Hidésato, l’amoureuse de Sadamori, le dessinateur a abandonné la mignonnesse un peu petite, un peu miniaturée de ses premières années ; et tout en leur laissant leur première grâce, il arrive à leur donner de l’ampleur, de la grandeur, à les varier, et à ne plus toujours faire la même longuette petite femme de ses débuts. Dans l’œuvre d’Hokousaï, les femmes de ces années, ont une parenté avec les femmes de Hokouba.

En 1812, il n’illustre aucun livre.

En 1813, dans le Katsoushika Zoushi, Plan et traditions de Katsoushika, dans ce volume contenant un plan de cette partie de la ville de Yédo, de l’autre côté de la Soumida, de ce quartier maraîcher et plein de salines, aimé par le peintre, Hokousaï dessine, près de deux pêcheurs au jupon de roseaux, une femme puisant dans un petit tonnelet, emmanché à un grand bâton, l’eau d’une source célèbre.