Historiettes (1906)/Le Baron de Panat

Texte établi par Louis MonmerquéMercure de France (p. 48-49).

LE BARON DE PANAT modifier

Le baron de Panat étoit un gentilhomme huguenot d’auprès de Montpellier, de qui on disoit : Lou baron, de Panat, puteau mort que nat, c’est-à-dire plutôt mort que né ; car on dit que sa mère, grosse depuis près de neuf mois mangeant du hachis, avala un petit os qui, lui ayant bouché le conduit de la respiration, la fit passer pour morte ; qu’elle fut enterrée avec des bagues aux doigts ; qu’une servante et un valet la déterrèrent de nuit pour avoir ses bagues, et que la servante, se ressouvenant d’en avoir été maltraitée, lui donna quelques coups de poing, par hasard, sur la nuque du cou, et que les coups ayant débouché son gosier, elle commença à respirer, et, que quelque temps après elle accoucha de lui, qui, pour avoir été si miraculeusement sauvé, n’en fut pas plus homme de bien. Au contraire, il fut des disciples de Lucilio Vanini, qui fut brûlé à Toulouse pour blasphèmes contre Jésus-Christ. Il retira Théophile, et pensa lui-même être pris par le prévôt. C’étoit un fort bel homme. Madame de Sully, qui vit encore, en devint amoureuse, et lui demanda la courtoisie (1).

[(1) Ce mot ne dit pas seulement honnêteté ou civilité, mais encore les grâces et les faveurs que l’on ravit à une dame (Dictionnaire de Le Roux)]

On dit qu’il répondit qu’il étoit impuissant. Cependant il étoit marié ; mais madame de Sully, qui n’étoit pas belle, ne le tenta pas, et il s’en défit de cette sorte.

À propos de femmes qui sont revenues, on conte qu’une femme étant tombée en léthargie, on la crut morte, et comme on la portoit en terre, au tournant d’une rue, les prêtres donnèrent de la bière contre une borne, et la femme se réveilla de ce coup. Quelques années après, elle mourut tout de bon, et le mari, qui en étoit bien aise, dit aux prêtres : « Je vous prie, prenez bien garde au tournant de la rue. »