Historiettes (1906)/Arnauld (Antoine)

Texte établi par Louis MonmerquéMercure de France (p. 120-121).

ARNAULD (ANTOINE)

LE DOCTEUR

On l’appeloit le petit oncle, parce qu’il étoit plus jeune que son neveu Le Maistre, l’avocat. Celui-ci, sans doute, est le plus habile de ses frères, au moins en fait de littérature.

Voici l’origine de cette secte, qu’on appelle les Jansénistes, et qui fait aujourd’hui tant de bruit. La marquise de Sablé dit un jour à la princesse de Guémené : « qu’aller au bal, avoir la gorge découverte et communier souvent, ne s’accordoient guère bien ensemble » ; et la princesse lui ayant répondu que son directeur, le père Nouet, jésuite, le trouvoit bon, la marquise la pria de lui faire mettre cela par écrit, après lui avoir promis de ne le montrer à personne. L’autre lui apporta cet écrit ; mais la marquise le montra à Arnauld, qui fit sur cela le livre de la fréquente communion. On accuse messieurs Arnauld de n’avoir pas été fâchés d’avoir une occasion de faire parler d’eux. Les Jésuites les haïssoient déjà à cause du plaidoyer d’Antoine Arnauld, et, sur la matière de la grâce, ils les accusèrent d’être huguenots, et disoient : « Paulus genuit Augustinum, Augustinus Calvinum, Calvinus Jansenium, Jansenius Sancyranum, Sancyranus Arnaldu et fratres ejus. » D’ailleurs, les Jésuites, à qui il importe de faire un parti, ont poussé à la roue tant qu’ils ont pu et se sont prévalus de tout ce qui est arrivé, comme de faire croire à la Reine que la Fronde étoit venue du jansénisme.