Histoires poétiques (RDDM)/Le Miel du chêne
V.
Le Miel du Chêne.
Un chanteur inconnu (l’écho de la bruyère
Seul entendit sa voix mystérieuse et fière)
Ainsi nous raconta par quel charmant hasard,
Ami de la nature, il avait trouvé l’art.
« Je parcourais les bois cherchant la poésie, —
Et de graves pensers, la libre fantaisie,
Tour à tour m’entraînaient, — aux concerts des oiseaux,
Au bruit plaintif du fleuve à travers les roseaux,
Surtout à la chanson joyeuse de l’abeille,
Qui, d’un trait s’élançant d’une coupe vermeille,
Effleurait mes cheveux, et, murmurante encor,
Avide se plongeait dans un calice d’or ;
Puis arômes, couleurs, bruits vagues et sans nombre,
Et les jeux variés du soleil et de l’ombre !
Mais toujours par l’abeille errante autour de moi
Mon cœur se laissait prendre, et, sans savoir pourquoi,
Rêveur, je la suivis dans son vol circulaire,
Des fleurs de l’aubépine au chêne séculaire,
Où mille de ses sœurs, voyageuses du ciel,
Bruissaient, frémissaient, plus blondes que leur miel.
Autour du vieux géant, c’était depuis l’aurore
Comme un réseau mobile, un nuage sonore,
S’ouvrant, se refermant sous le ciel azuré
Et le tranquille abri de son chêne sacré.
En abeille de l’art, j’entrai dans le nuage
Pour admirer l’essaim travailleur et sauvage.
Dans le corps du grand arbre était caché son nid
Savant, ici que jamais l’art humain n’en bâtit ;
Une lente liqueur s’écoulait de l’écorce.
— Oh ! dis-je émerveillé, la douceur dans la force !
Dans un symbole clair je trouve l’art écrit ;
Sois plus tendre, ô mon cœur ! plus fort, ô mon esprit !
Telle est la poésie et nourrissante et saine :
C’est un rayon de miel, mais du miel dans un chêne. »
A. BRIZEUX.
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