CHAP. XXVIII.

Glaucus-le-marin (1).

Les poètes racontent que ce Glaucus devint immortel en mangeant d’une certaine herbe aussi, et que maintenant il habite la mer ; mais imaginer que ce Glaucus aurait seul eu le bonheur de rencontrer cette herbe et surtout qu’un homme ou un animal terrestre quelconque puisse vivre dans la mer, c’est une folie. Voici le fait : ce Glaucus était un pêcheur d’Anthédon, et le plus habile de tous les nageurs. Un jour qu’il nageait dans le port, à la vue de ses concitoyens, il plongea sous l’eau et en sortit dans un autre endroit où il se tint caché pendant quelques jours, après quoi, renouvelant sa manœuvre, il reparut aux yeux des Anthédoniens. Ceux-ci lui ayant demandé où il avait passé tout ce temps ; le fourbe répondit qu’il avait vécu dans la mer. Il avait aussi imaginé de parquer les poissons, et, tandis qu’aucun autre pêcheur ne pouvait prendre aucun poisson, quand la mer était agitée par la tempête : lui, il allait demandant aux Anthédoniens quelle espèce de poissons ils désiraient et leur rapportait ceux qu’ils voulaient : ce qui lui fit donner le surnom de Glaucus-le marin. Il périt un jour dévoré par un monstre marin. Comme on ne le vit pas revenir, les bonnes gens dirent qu’il était allé s’établir dans la mer et qu’il y demeure encore (2).

(2) Dans Ovide (Métam. liv. XIII, v. 899-968) Glaucus devenu Dieu, après avoir gouté d’une herbe auparavant inconnue dont la vertu avait rendu la vie à des poissons qu’il emportait de sa pêche, raconte lui-même à Scylla, qu’il essaye en vain de rendre sensible à son amour, par quel prodige, de simple pêcheur d’Anthédon qu’il était, il est ainsi devenu immortel (V. ci-dessus le chapitre XXI dont le sujet fait suite à celui-ci).

Stace fait allusion à cette fable au livre VII de la Thébaïde.

             .......Te que ultima tractu
             Anthedon, ubi gramineo de littore Glaucus
             Poscentes irrupit aquas, jàm crine genisque
             Cærulus, et mixtos expavit ab inguine pisces.

                                                Thebaid. VII, v. 334-337.

Le Scholiaste d’Apollonius de Rhodes (sur le v. 1310 du 1er chant des Argonautes, tom. 2, p. 111-112 de l’édition de Schaëfer) s’accorde avec le récit d’Ovide, ainsi qu’Hyginus (dans la fable 199, p. 331 de Van Staveren).

Tout ce qu’il y a d’intelligible dans les nombreux fragments re cueillis par Athénée (V. plus haut note I du chap. XXVI) paraît se rapporter au troisième Glaucus de Paléphate. D’après un passage des Ætoliques de Nicandre qui se trouve analysé par Athénée (loco citato, p.84), la puissance de l’herbe qui avait rendu Glaucus immortel lui avait été révélée par un lièvre qu’il poursuivait et qui tombé mourant et prêt à expirer, auprès de cette plante, était tout-à-coup revenu à la vie et avait repris ses forces.

(2) Héraclite (fable 10, p. 72, opuscula mythologica de Thomas Gale) dit que Glaucus était un devin qui, habitant une île, révélait aux navigateurs les manœuvres qu’ils avaient à exécuter et leur prédisait ce qui devait leur arriver.