Histoire universelle/Tome IV/XII

Société de l’Histoire universelle (Tome IVp. 159-167).

LES RÉPUBLIQUES SUD-AMÉRICAINES

L’administration érigée par l’Espagne au nouveau monde avait revêtu dès le principe — c’est-à-dire dès la seconde moitié du xvime siècle — les caractères qui devaient la distinguer durant plus de deux cents ans. Elle était simple, somptueuse et point impratique. À Lima, entouré de tout l’appareil de la souveraineté, résidait le vice-roi[1]. Sous ses ordres, des « capitaines-généraux » administraient d’immenses régions réparties en districts. Dans chaque district résidait un fonctionnaire royal qui portait le titre de « protecteur des Indiens »[2] et surveillait les groupements formés par ceux-ci et à la tête desquels étaient restés des caciques le plus souvent héréditaires.

Malheureusement l’Espagne n’était pas assez riche pour mener à bien la tâche entreprise par ses fils. Au début on les avait laissés libres de trafiquer puis sous Charles-Quint, le système du monopole s’était implanté. Non seulement les produits du nouveau monde durent passer par l’Espagne pour s’écouler en Europe mais l’Espagne prétendit suffire aux demandes croissantes de ses colonies. En 1555 il y eut à Séville seize mille métiers en activité et cent trente mille ouvriers au travail. Cela ne dura guère. Sous Philippe III le nombre des métiers était tombé à quatre cents et comme on se cramponnait au mauvais principe du monopole, il fallait acheter à la France, à l’Angleterre, aux Pays-bas, à l’Italie ce qu’on voulait revendre aux Américains.

L’échec de pareilles tentatives rendit plus âpre la poursuite des richesses directement extraites du sol du nouveau monde. Aux mines exploitées par les Incas et dont l’exploitation avait été continuée s’ajoutaient celles récemment découvertes. Dans ces mines qui travaillerait ? L’indigène pas plus que l’espagnol n’aimait le travail manuel. On voulut le contraindre. Il y périt. On commença d’introduire des esclaves noirs importés d’Afrique sans pour cela renoncer à employer de force la main d’œuvre locale. Cet état de choses empira de deux façons. D’abord par la surabondance du personnel ecclésiastique. Les indigènes étaient aisés à convertir : il n’y aurait pas eu besoin de beaucoup de convertisseurs ; il en vint indéfiniment. En 1644 six mille ecclésiastiques sans bénéfices formaient une sorte de prolétariat clérical. En 1649 on comptait trente huit archevêques et évêques et huit cent quarante couvents pourvus de grandes richesses. Le bas clergé dépravé, oppresseur des indigènes échappait au haut clergé généralement respectable mais intolérant et assoupi tout à la fois. Une seconde source de déchéance provenait de l’aristocratie ploutocrate qui s’était rapidement formée. Malgré ses efforts pour drainer à elle les ressources de son vaste domaine transatlantique, l’Espagne n’y parvenait que de façon relative. La plus grande partie de la richesse demeurait accumulée en Amérique entre les mains de privilégiés peu nombreux lesquels n’avaient aucun intérêt à voir augmenter la production autour d’eux si d’autres qu’eux-mêmes en devaient bénéficier. Aussi encourageaient-ils le maintien d’un protectionnisme outrancier qui empêchait l’enrichissement des classes moyennes sans atteindre les possesseurs de vastes domaines.

Les choses s’étaient passées un peu différemment dans l’Amérique portugaise. Les « capitaineries » instituées dès 1504 au Brésil ne constituaient point des délégations régulières du pouvoir métropolitain. C’étaient plutôt des sortes de fiefs seigneuriaux qui furent par la suite repris ou rachetés les uns après les autres. Ce régime avait tout de suite engendré l’anarchie. Le roi de Portugal Jean III, pour y mettre fin, envoya un gouverneur général qui amena à sa suite les Jésuites. Ceux-ci commencèrent aussitôt leur œuvre d’évangélisation que n’interrompit point le passage momentané et d’ailleurs assez théorique du Brésil sous la domination espagnole (1580-1640). Ce fut principalement dans la région de Sao Paulo que cet apostolat s’exerça et tout au profit des indigènes. La colère des colons en fut extrême. Les « paulistes » — ces aventuriers téméraires fils de blancs et de femmes indigènes qui organisaient de véritables battues annuelles pour s’emparer des jeunes gens, les réduire en esclavage et les vendre prirent les armes afin de chasser les adversaires inattendus de leur criminel commerce[3].

Dès la fin du xviiime siècle dans ces domaines seize fois grands comme elle que l’Espagne possédait au nouveau monde, on sentait se manifester une certaine effervescence. En 1780 une révolte avait été fomentée par le fils d’un cacique élevé à Cuzco où il s’était familiarisé avec la culture européenne. Mais celui-ci ayant refusé d’associer les créoles à son initiative, le mouvement n’avait pas eu de suites. Lorsque la révolution française s’affirma, les nouvelles venues de Paris semèrent l’agitation. La France était populaire. Établie à Cayenne dès 1700, ses vaisseaux avaient commencé de bonne heure à paraître dans les eaux de l’océan Pacifique ; une série de missions scientifiques l’avaient en outre mise en vedette[4]. La Déclaration des droits de l’homme fut imprimée en secret à Bogota. Ce qui, plus que la rigueur despotique des autorités, retarda la rébellion, ce furent la difficulté des communications intercoloniales et l’absence de chefs déterminés. L’Espagne jouissait d’ailleurs d’un prestige séculaire. Mais lorsque sa vieille dynastie eut été renversée au profit d’un Bonaparte, les fonctionnaires furent comme frappés de stupeur. Un ébranlement profond se produisit. Tandis que le curé Hidalgo soulevait le Mexique, des insurrections éclatèrent à La Paz et à Quito (1809). Elles furent réprimées. La junte municipale de Caracas s’étant peu après saisie du pouvoir, la révolution reprit à Quito et gagna toute la Nouvelle-Grenade. À Buenos-Ayres une assemblée de notables fut convoquée ; le Chili s’insurgea (1810). Alors se dessina la noble et vaillante — mais parfois un peu déconcertante — figure de Simon Bolivar. Né à Caracas en 1783, il avait été élevé à Madrid par les soins de son oncle le marquis de Palacios. La douleur d’un veuvage prématuré et de fructueux voyages en Europe et aux États-Unis avaient mûri rapidement l’âme du jeune gentilhomme qui semblait promis à une existence facile. On dit qu’à Rome, sur le Mont-sacré, il avait fait le serment de se vouer à l’émancipation de sa patrie. Le serment fut tenu avec une persévérance admirable car, au début, les échecs furent multiples. La désunion des créoles, l’indifférence des indigènes, la difficulté de combiner les coups entre groupements séparés par d’énormes distances, tout conspirait contre l’effort autonomiste. Lima demeurait le centre de la résistance monarchique. La restauration de Ferdinand VII sur le trône métropolitain découragea le parti de l’indépendance. Le Mexique était retombé sous le joug. Il ne resta bientôt plus de libre que la province de Buenos-Ayres ; des divisions intestines y faisaient le jeu des royalistes (1814).

Mais Bolivar demeurait ferme. Avec la tolérance anglaise, il organisa à la Jamaïque une expédition qui pénétra par l’Orénoque. D’Angostura, son quartier général, Bolivar tint la campagne avec une sombre énergie. Les llaneros, ces bouviers de la pampa, cavaliers incomparables et combattants farouches d’abord enrôlés par les royalistes, leur avaient maintenant faussé compagnie et se rangeaient sous les drapeaux du « libérateur ». Alors, tandis que le congrès de Tucuman proclamait l’indépendance des « provinces-unies du rio de la Plata », deux hauts faits furent accomplis que nul manuel d’histoire n’a le droit de passer sous silence. En janvier 1817, avec une audace magnifique, le général San Martin parti de Mendoza à la tête de quelques trois mille cinq cents hommes, franchit les Andes par le col d’Uspalata (haut de quatre mille mètres), descendit vers le Pacifique et ayant défait les royalistes, entra à Santiago et assura l’indépendance du Chili. Dix-huit mois plus tard, Bolivar après avoir consolidé sa situation, se dirigea à son tour à marches forcées d’Angostura vers la Nouvelle-Grenade et, ayant accompli en pleine saison des pluies la traversée terrible des montagnes, s’empara de Bogota.

Il fallait maintenant conquérir le Pérou. À Lima les soldats du vice-roi résistaient. Ils espéraient des renforts d’Espagne. Mais les vingt mille hommes réunis par Ferdinand VII s’étant mutinés marchèrent sur Madrid au lieu de s’embarquer pour l’Amérique (1820). San Martin aidé par l’amiral anglais Cochrane passé au service du Chili s’empara enfin de Lima (1821). Cette même année Bolivar réoccupa Caracas et Carthagène. Le Vénézuela et la Nouvelle-Grenade avaient été unis sous le nom de république de Colombie. Le nouveau gouvernement fut aussitôt reconnu par les États-Unis et signa des traités avec le Chili, le Pérou, le Mexique et la Plata. Et ce fut la fin. Le 6 décembre 1824 les dernières troupes espagnoles furent mises en déroute dans la plaine d’Ayacucho entre Cuzco et Lima. L’Espagne trouvait son Waterloo en ces lieux où, trois siècles plus tôt, s’était abattu sous ses coups l’empire des Incas.

Pendant cette période comme pendant la précédente, l’Amérique portugaise avait eu des destins différents de ceux de l’Amérique espagnole. La maison de Bragance, fuyant devant l’ouragan napoléonien avait débarqué au Brésil en 1808 et, de ce fait, le Brésil était devenu une monarchie indépendante. Il avait bien fallu se décider alors à supprimer les entraves de tout genre qui empêchaient le pays de se développer matériellement et intellectuellement, ouvrir les ports, permettre les défrichements, les industries, les spéculations. Jamais ne fut plus apparente la vertu créatrice de la liberté. En dix ans la population s’accrut d’un tiers et les revenus doublèrent. Le roi Jean VI étendit même sa domination sur Montevideo dont il s’empara. Mais la révolution qui, en 1820, éclata à Lisbonne et à Oporto — contre-coup de celle d’Espagne — le rappela en Europe. Les Brésiliens ne le regrettèrent pas. Il leur laissait pour régent son fils don Pedro ; celui-ci, comprenant que la couronne du Brésil valait mieux que celle de Portugal et qu’entre les deux il faudrait choisir, prit la tête du parti de l’indépendance. L’Assemblée constituante qu’il avait convoquée le proclama empereur du Brésil le 12 octobre 1822.

Depuis 1819 Bolivar était le chef de la république de Colombie. Le Pérou en 1824 l’avait nommé dictateur et il gouvernait également les régions du Haut-Pérou érigées en république de Bolivie. Cela lui constituait un domaine immense qu’il cherchait encore à agrandir et à unifier. Dans sa pensée un régime unitaire et absolutiste était nécessaire pour préparer toutes ces régions à la pratique de la liberté politique. Au nord l’ancienne « capitainerie-générale » de Guatémala formait maintenant la « république des provinces unies de l’Amérique centrale » : c’étaient le Guatémala, Costa-Rica, le Nicaragua, le Honduras et le San-Salvador. Le long du Pacifique le Chili s’organisait. Sur la côte de l’Atlantique il y avait les Guyanes (dernières possessions des puissances européennes) le vaste empire brésilien, enfin la république de la Plata avec, entre eux, l’Uruguay objet de convoitises réciproques. Le Paraguay au centre, se murait dans un isolement volontaire. Au moment où éclata la lutte pour l’indépendance, la population totale n’était que de six millions à peine : douze cent mille en Colombie, autant au Pérou, neuf cent mille au Vénézuela, à peu près autant au Chili et à la Plata… sur l’ensemble, un septième d’espagnols, trois septièmes d’indigènes, trois septièmes de créoles et de races mélangées ; les créoles « vifs, turbulents, brouillons », les indigènes « mornes et apathiques ». Ni les uns ni les autres n’avaient encore appris à aimer le travail manuel. L’instruction était plus que retardée. L’esclavage, du moins pour les enfants à naître, n’existait plus guère qu’au Brésil.

Bolivar convoqua à Panama un congrès qui devait cimenter l’unité. L’entreprise échoua piteusement. Ni le Chili ni l’Argentine ni le Brésil n’y voulurent participer. Puis le Pérou échappa au dictateur et ensuite la Bolivie. Le Vénézuela enfin se sépara de la Colombie et Quito devint la capitale d’un nouvel État, la république de l’Équateur. Bolivar avait eu le tort de risquer la violence et l’illégalité pour retenir l’autorité qui lui échappait. La fin de sa carrière risquait ainsi de ternir l’éclat de l’épopée initiale. Il mourut en 1830 ne s’étant point résigné à l’avortement de ses plans politiques.

Partout sévissait intense la querelle entre unitaires et fédéralistes. Au cours d’une longue crise de croissance des États sud-américains, les deux principes ne cessèrent de s’alterner. Toutefois il devint peu à peu visible que le fédéralisme aurait la victoire définitive ; le continent était voué à cette forme de gouvernement dont le rudiment exista chez les plus avancées des tribus indigènes de l’Amérique du nord et à laquelle l’adhésion des États-Unis apporta de bonne heure une force irrésistible. En 1889 les « États-Unis du Brésil » en se substituant à l’empire de Don Pedro II devaient marquer l’achèvement de l’évolution. À la Plata la question s’était compliquée du fait qu’une des provinces, celle de Buenos-Ayres, était trop développée et trop forte par rapport aux autres et qu’ainsi on arrivait malaisément à la faire s’encastrer dans une organisation fédérale. Vers le milieu du xixme siècle, Buenos-Ayres vécut plusieurs années pratiquement séparé du reste de l’Argentine et, quarante ans plus tard, la lutte de « la capitale contre les provinces » faillit se ranimer.

La paix ne s’établit pas plus aisément que la liberté. Que de guerres en moins de soixante-dix ans ! L’Équateur commença par disputer à la Colombie des territoires dont la situation favorisait grandement le commerce dans le Pacifique ; l’assaillant échoua. En 1827 la guerre sévit entre le Brésil et la Plata pour la possession de l’Uruguay : lutte qui, du moins, se termina de façon raisonnable puisque les deux gouvernements s’accordèrent pour renoncer enfin à leurs ambitions inconciliables et reconnaître l’indépendance de l’Uruguay. Puis vinrent les guerres suscitées par le dictateur argentin Rosas. Non content d’attaquer ses voisins, celui-ci bravait les puissances européennes ; plusieurs fois on vit les flottes française et anglaise bloquer les côtes du pays. Ce despote finit par ameuter contre lui le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay. Une armée « libératrice » livra bataille à ses troupes qui furent vaincues (1852). À l’ouest, en 1863, Équatoriens et Colombiens en vinrent de nouveau aux mains ; les seconds prenaient les armes pour abattre, disaient-ils, le régime théocratique auquel Garcia Moreno avait soumis les premiers mais avec la secrète ambition de rétablir sur les trois provinces dont se composait la république de l’Équateur la domination colombienne qui avait existé jadis.

L’Espagne avait fini par reconnaître certains des États américains issus d’elle, mais elle l’avait fait de mauvaise grâce ; et de même qu’en 1812, l’Angleterre était revenue à la charge contre les États-Unis, en 1864 les Espagnols tentèrent de reprendre pied sur la côte du Pacifique. Leur agression contre le Pérou ne suscita pas seulement un blâme presque unanime en Europe, elle souda ensemble les républiques menacées ; le Chili, plus fort se jeta vigoureusement dans la lutte. L’Espagne dut céder.

Survint alors la déplorable guerre du Paraguay (1864-1870). De 1814 à 1840 Francia, despote voltairien, qui avait essayé en la laïcisant de reprendre en ce pays l’œuvre des Jésuites, s’était maintenu par la crainte qu’il inspirait et par les sombres barrières, dans lesquelles il tenait ses concitoyens captifs, privés de toutes communications avec le dehors. Mais les deux Lopez, le père et le fils qui « régnaient » depuis la mort de Francia, avaient d’abord entr’ouvert puis ouvert tout à fait le Paraguay au commerce et au progrès. Le premier Lopez après vingt et un ans de gouvernement (1841-1862) laissait la république en état de prospérité. Son fils commençait à développer cette prospérité quand les querelles de frontières qui se multipliaient entre le Paraguay et ses puissants voisins tendirent à l’extrême une situation depuis longtemps menaçante. Lopez eut le tort d’entamer les hostilités les jugeant fatales. Le Brésil et l’Argentine auxquels se joignit l’Uruguay, apportèrent tout leur effort dans cette lutte de six années pendant lesquelles le président et le peuple du Paraguay firent preuve d’une indomptable énergie et qui se termina par la mort de Lopez sur le champ de bataille et par la prise d’Assomption. De un million trois cent trente sept mille habitants la population de ce malheureux pays avait décru en 1873 jusqu’au chiffre de deux cent vingt et un mille.

Une autre grande guerre a ensanglanté de 1879 à 1884 des régions différentes. Les gisements de salpêtre dont le Chili convoitait la pleine possession et dont il partageait les revenus douaniers avec la Bolivie excitaient par ailleurs les convoitises du Pérou alors en pleine crise financière. La Bolivie, conseillée par le Pérou dénonça la convention qui la liait au Chili au sujet des territoires mitoyens. Le Chili ne redoutant point la bataille, la provoqua. Dès le début des hostilités ses troupes occupèrent le littoral bolivien tandis que ses navires dominaient sur mer. Puis en juin 1880 le Pérou méridional fut envahi. Malgré cela la paix ne se rétablit pas ; même après la prise de Lima les vaincus furent lents à accepter les conséquences de leur défaite. Un traité la consacra enfin : la Bolivie perdait l’accès à la mer et le Pérou cédait des districts riches en salpêtre et en guano.

Chose étrange, une guerre civile en résulta chez le peuple vainqueur. Nous n’avons jusqu’ici parlé que des conflits internationaux. Est-il besoin de rappeler qu’entre citoyens du même État on s’est aussi battu et souvent avec acharnement. Au Vénézuela et dans l’Uruguay les « blancs » et les « gens de couleur » se sont entretués. En Colombie, en Argentine, on en est venu aux mains pour des oppositions d’idées ou de personnes. La série des pronunciamientos péruviens et boliviens est indéfinie

Quand et comment ce régime a pris fin, on serait en peine de le dire. Cela s’est accompli peu à peu. Des présidents ont achevé tranquillement leur mandat et la transmission des pouvoirs s’est opérée sans trouble et sans qu’on ait souvent pris soin de noter ce changement dans les mœurs publiques. Des différends qui jadis eussent provoqué la guerre, comme celui du Chili et de l’Argentine en Patagonie, se sont réglés par des ententes. Dans les esprits comme sur le sol la culture s’est étendue, féconde et pacifiante. Un jour est venu où le vieux monde a constaté surpris la présence, en face de lui, de collectivités pleines de sève, auréolées d’avenir, sorties triomphantes des crises de la formation virile et prêtes désormais à collaborer avec lui au progrès universel.

  1. Plus tard il y eut un second vice-roi pour la Nouvelle Grenade et en 1776 un troisième pour les territoires de La Plata.
  2. Ce titre n’était pas une ironie. Les rois d’Espagne ne cessèrent d’édicter des mesures préservatrices. Une série de lois ordonnaient de laisser les indigènes libres. Il était interdit de leur vendre des armes ou des spiritueux, de les employer au portage avant dix-huit ans, etc., mais l’autorité centrale était trop loin pour se faire obéir.
  3. Les Jésuites fondèrent en 1609 sur la rive droite du Parana leurs fameuses « réductions », collectivités théocratiques et communistes qui comprirent jusqu’à quarante mille familles réparties en trente deux bourgades. Poussant plus loin encore, ils allèrent jusqu’à Cordoba où ils créèrent une université prospère. Après leur expulsion du Brésil le ministre portugais Pombal tenta d’émanciper légalement l’indigène mais sans parvenir à rallier les colons à ce libéralisme encore prématuré.
  4. En particulier la mission envoyée à Quito en 1736 par l’Académie des sciences de Paris pour mesurer un degré de méridien.