Histoire secrète de la reine Zarah/Avis au lecteur

Chez Alexandre le Vertueux, à la Pierre de Touche (p. 3-7).

AVIS AU LECTEUR

L’AUTEUR de cet Ouvrage ne m’eſt point connu ; quelques-uns l’attribuent au Docteur Sacheverell, Miniſtre Anglican, dont le nom a fait tant de bruit dans toute l’Europe, par le perſonnage qu’il joua il n’y a pas longtems, ſur le Theatre Britannique ; d’autres diſent que c’est la production d’un homme d’une beaucoup plus haute naiſſance, c’est-à-dire, d’un des premiers Seigneurs d’Angleterre, dont l’honneur, la vertu, le merite & le grand zele de ſa Patrie, l’ont toujours mis en butte à l’ambition & au credit que s’é- toit acquis l’Heroine qui ſait le ſujet de cet Hiſtoire.

L’Ouvrage a d’abord paru en Anglois, ſous le titre d’Hiſtoire ſecrette de la Reine Zarah & des Zaraziens, &c. les plus pénétrans demaſquerent d’abord cette Reine Zarah, par la conſormité qu’on y trouva avec la Ducheſſe de Marlborough ; Mais comme quelques-uns ſe trouvoient encore embaraſſez ſur les autres noms traveſtis, l’Auteur fit gliſſer dans le public, la Cleſ ou l’explication de cette Hiſtoire. Cette explication. n’a pas été imprimée dans les editions Angloiſes, ni dans celles de la traduction Françoiſe faite en Angleterre, qui ont precedé celle que je donne aujourd’hui : Cependant cette piece étoit ſi neceſſaire, que ſans ſon ſecours, la lecture de cet ouvrage étoit inſructueuse à la plupart des lecteurs, principalement aux étrangers qui ne connoiſſent pas aſſez la carte de la Cour d’Angleterre, pour déveloper tous les noms énigmatiques que l’Auteur y a placé.

On trouvera dans cet ouvrage, la naiſſance, la conduite, le caratere les intrigues ſecrettes de Madame de Marlborough, qui, par un genie peu commun, éleva à la plus haute fortune ſon Epoux la famille de ſes trois Gendres : car elle n’a que trois Filles qui ont été mariées au Comte de Sunderland, au Lord Harmergent, Fils du Duc de Montague, & au Lord Reyalton, Fils de Monſieur Godolſin, cy-devant Grand Treſorier d’Angleterre. On y verra par quelle ſurpriſe elle ſe fit épouſer par Monſieur de Marlborough, ſous le Regne de Charles II. lorſqu’il n’étoit encore connu que ſous le nom de Milord Churchil.

Dans pluſieurs occaſions on rend à la valeur & au merite de Monſieur de Marlborough, la juſtice qui lui eſt deuë, les mauvaiſes démarches qu’il peut avoir ſaites ſous les precedans Regnes ſont attribuées à l’aſcendant que ſon Epouſe a toujours eu ſur ſon eſprit.

Comme les deux premieres parties ne parlent des intrigues de Madame de Marlborough, que juſques vers l’année 1709. il m’eſt tombé entre les mains un petit manuſcrit touchant le changement de fortune de cette Dame, qu’on trouvera à la ſuite de ce volume, & qui en compoſera la troiſiéme partie. Le ſuccès extraordinaire qu’ont eu les éditions Angloiſes, dont il s’eſt debité plus de quinze mille exemplaires, eſt un preſage que celle qu’on donne aujourd’hui en François, beaucoup plus ample & plus intelligible que n’ont été les autres, ſera receuë du public avec ſatisfaction.