Traduction par Charles Alfred Alexandre.
Albert L. Herold (p. 294-322).



CHAPITRE XV

L’ART



Vocation des Italiens pour les arts.La poésie est le langage de la passion, l’harmonie est son mode : tous les peuples ont leur poésie et leur musique ; mais la nature les a diversement doués sous ce rapport, et la nation italique ne saurait se ranger parmi les peuples poétiques par excellence. Les Italiens n’éprouvent pas la passion du cœur ; ils n’ont ni les aspirations surhumaines vers l’idéal, ni l’imagination qui prête à la chose sans vie les attributs de l’humanité ; ils n’ont point, en un mot, le feu sacré de la poésie[1]. L’Italien a le regard vif et perçant, l’esprit souple et gracieux : l’ironie, le ton enjoué de la nouvelle lui vont à merveille, ainsi qu’Horace et Boccace en témoignent. Catulle, et les jolies canzonettes populaires de Naples jouent et badinent avec l’amour ; enfin, la petite comédie et la farce fourmillent chez le peuple italien. Dans les temps anciens, la tragédie parodiée, dans les temps modernes, la parodie de l’épopée chevaleresque ont spontanément réussi sur le sol de la Péninsule. Nul peuple n’a égalé les Italiens dans l’art de la rhétorique et de la mise en scène dramatique ; que si pourtant vous avez en vue les genres parfaits de l’art, vous reconnaîtrez aussitôt qu’ils n’ont point été au delà de la facilité improvisatrice : à aucune des époques de leur littérature, ils n’ont enfanté une vraie épopée, un drame sérieux et complet. Les productions les plus hautes et les plus heureuses de leur génie, les divines effusions de la comédie dantesque, les chefs-d’œuvre historiques de Salluste et Machiavel, de Tacite et de Colletta, sont œuvres de rhéteurs plus encore que de passion naïve. La musique italienne elle-même, autrefois comme de nos jours, est moins distinguée par la profondeur de l’idée créatrice que par la facilité prodigieuse d’une mélodie qui s’élance en fioritures de virtuose : à la place de l’art vrai, intime, le musicien d’Italie a pour idole une divinité creuse, et souvent aride. L’art a son domaine dans le monde moral autant que dans le monde du dehors ; mais ce ne fut point dans les champs de l’idéal que l’artiste italien fit ses principales conquêtes. La beauté, pour l’émouvoir, dut apparaître à ses sens, et non pas seulement à son âme ; aussi triomphe-t-il dans la plastique et l’architecture. On l’a vu, dans les temps anciens, se faire sous ce rapport le meilleur élève des Grecs ; dans les temps modernes, le maître de tous les artistes chez tous les peuples.

La danse, les jeux et les chants dans le LatiumEn l’absence de données précises, il ne nous est pas permis d’assister aux progrès de l’art chez les principaux groupes des nations italiques. En fait de poésie, notamment, nous ne saurions rien dire, si ce n’est au regard de celle des Latins. Chez eux comme ailleurs, l’art de la poésie est fils de la lyre ; ou plutôt il est né au milieu des fêtes et des réjouissances anniversaires, où la danse, les jeux, les chants s’enlaçaient en une seule et même solennité, où, chose curieuse et assurément vraie, ces derniers sont primés toujours par les deux autres. Une grande procession ouvrait la fête principale des Romains ; là, derrière les images des dieux et derrière les combattants, venaient aussitôt les bandes de danseurs, les uns sérieux, les autres joyeux ; ceux-là partagés en trois groupes, les hommes faits, les adolescents, les jeunes enfants, tous portant la tunique rouge avec la ceinture de cuivre, armés d’épées ou de courtes lances ; les hommes ayant de plus le casque en tête, et parés de leur armure ; ceux-ci, rangés en deux bandes, la bande des brebis, vêtue effectivement de peaux de brebis recouvertes d’ornements bariolés, et la bande des boucs, dénudés jusqu’à la ceinture, une peau de bouc jetée sur les épaules. Les « sauteurs » (salii, saliens) furent peut-être, on l’a vu déjà, la plus ancienne et la plus sainte des corporations sacerdotales (p. 226) ; les danseurs (ludii, ludiones) prenaient place dans tous les cortèges religieux, dans les solennités funéraires ; et leur art fut une profession usuelle durant tous les temps anciens. Auprès d’eux sont les joueurs d’instruments, ou ce qui alors est la même chose, les joueurs de flûte. Eux aussi, ils assistent à tous les sacrifices, aux cérémonies nuptiales et funéraires ; leur collège (collegium tibicinum, p. 260) n’est pas moins ancien que celui des Saliens ; seulement il prend rang loin derrière lui. Quant au caractère de leur musique, on s’en rend facilement compte quand on les voit, à leur fête annuelle, courir masqués et ivres de vin doux par toutes les rues. Ils défendirent longtemps leur privilège contre les sévères efforts de la police romaine. La danse étant ainsi une affaire de religion ; les jeux, quoique après elle, faisant de même partie du programme des fêtes, rien d’étonnant à ce qu’ils aient eu leurs corporations publiques. Quelle place restait alors à la poésie, si ce n’est celle que le hasard, l’occasion lui laissaient, soit qu’elle voulût parler seule, soit qu’elle accompagnât les pas et les sauts des danseurs ?

Chants religieux.Les premiers chants que les Romains entendirent n’étaient autres que le bruit harmonieux des feuilles dans la solitude des forêts. Les murmures et les chants du « bon esprit » (Faunus, de favere) dans le bocage sont recueillis par ceux à qui il est donné de lui prêter l’oreille ; par le sage (vates), par la chanteuse (casmena, carmenta), qui les rapportent aux hommes, soit sur la flûte, soit en paroles rythmées (casmen, plus tard carmen, de canere). Les noms de quelques-uns de ces médiateurs inspirés des dieux, celui surtout de l’antique devin et chanteur Marcius, restèrent longtemps dans la mémoire de la postérité. À côté des prophéties, il faut ranger les incantations magiques, les conjurations contre les maladies et les maux de toutes sortes, les chants mauvais qui éloignent la pluie, qui appellent la foudre ou attirent les semences d’un champ sur un autre. Seulement, ces formules semblent n’avoir été dans l’origine que de simples interpellations verbales, ou même de simples cris[2]. Enfin, une tradition plus précise et non moins ancienne nous a fait connaître les litanies religieuses, chantées et dansées par les Saliens et les autres membres des confréries sacerdotales. L’une d’elles même (seule et unique, il est vrai) est venue jusqu’à nous. C’est le chant dansé et alterné des frères Arvales, en l’honneur de Mars ; il nous paraît mériter une citation toute spéciale :

Enos, Lases, iuvate !
Neve lue rue, Marmar, sins incurrere in pleores !
Satur fu, fere Mars ! limen sali ! sta ! berber !
Semunis alternis advocapit conctos !
Enos, Marmor, iuvato !
Triumpe[3] !
Lares, venez à notre aide !
Aux Dieux. Mars, Mars ! ne laisse pas tomber la mort et la ruine sur la foule !
Sois rassasié, féroce Mars !
À un des frères. Saute sur le seuil ! Debout ! frappe (le seuil) !
À tous. Vous d’abord, vous ensuite, invoquez tous les Sémones ! (Dieux Lares).
Au Dieu. Toi, Mars, Mars ! sois-nous en aide !
Aux frères. Sautez ! sautez ! sautez !

Le latin du chant des Arvales, et celui des rares fragments qui nous restent des chants des Saliens, était regardé par les philologues du siècle d’Auguste comme le plus ancien monument de la langue. Il est au latin de la loi des XII Tables, ce que la langue des Nibelungen est à l’allemand de Luther ; et nous pouvons fort bien, quant au fond et à l’idiome, le comparer aux Védas de l’Inde.

Chants louangeurs et satiriques.C’est aussi à l’époque primitive qu’appartiennent les chants de louange ou de moquerie. Ces derniers eurent toujours grand succès dans le Latium. Ils allaient bien au caractère du peuple ! Leur existence et leur nombre sont d’ailleurs attestés par de très anciennes prohibitions de police. Les louanges avaient toutefois plus d’importance. Lorsqu’un citoyen était porté dans la tombe, une femme choisie parmi ses amis ou ses parents suivait la bière, et chantait la chanson des funérailles accompagnée par un joueur de flûte (nenia). Le père de famille allait-il prendre part à un festin, l’usage voulait qu’il se rendît chez son hôte avec son cortège de jeunes garçons. Pendant le repas, ceux-ci célébraient tour à tour les aïeux de leur patron, tantôt accompagnés par la flûte, et tantôt déclamant à voix seule (assa voce canere)[4]. Enfin, les hommes chantaient aussi à tour de rôle dans les repas ; mais c’était là sans doute un usage emprunté plus tard aux Grecs. Des chants des aïeux rien ne nous est parvenu, mais il va de soi qu’ils retraçaient et récitaient leurs exploits ; et que sous ce rapport ils sortaient souvent du genre purement lyrique, pour entrer dans le domaine de l’épopée.

Mascarades.L’élément poétique se manifestait aussi dans les fêtes, et les danses joyeuses ou saturœ (p. 39) du carnaval populaire, dont l’usage remonte, sans aucun doute, à l’époque antérieure à la séparation des races. Les chants ne faisaient pas défaut dans ces jeux, accompagnement ordinaire et tout d’action des fêtes publiques, des noces, etc. On y voyait plusieurs danseurs ou plusieurs bandes de danseurs mêler leurs pas et leurs figures ; et les chants s’y modulaient en une sorte de drame, où naturellement dominaient la plaisanterie, souvent même la licence la plus effrénée. Telle fut l’origine des chansons à couplets alternés, connues plus tard sous le nom de fescennines[5], et de cette comédie populaire primitive, dont le germe rencontra un terrain excellemment propice dans le génie caustique des Italiens, dans leur sentiment si vif des choses extérieures, dans leur amour du mouvement comique, du geste et des travestissements. Mais rien ne s’est conservé des incunables de l’épopée et du drame romains. Les chants des aïeux reposaient sur la tradition seule, cela se comprend de soi-même ; et on en a surabondamment la preuve dans ce fait qu’ils étaient débités d’ordinaire par les jeunes garçons. Dès le temps du premier Caton, ils avaient complètement disparu. Quant aux comédies, si on veut leur donner ce nom, elles n’étaient et ne furent longtemps que de simples et fugitives improvisations. Ainsi, de toute cette poésie, de toute cette mélodie populaire, il ne pouvait rien sortir, si ce n’est le rythme, l’accompagnement musical ou choral et peut-être l’usage du masque.

Mesure du vers.On est en droit de douter qu’il y ait eu alors ce que nous appelons les vers et leur mesure. La litanie des frères Arvales ne suit aucun mètre fixe, et ne semble guère être qu’une sorte de récitatif animé. Mais plus tard apparaît la poésie saturnine ou de Faune[6]  ; où se fait sentir un mètre grossier, absolument inconnu des Grecs, et contemporain, sans nul doute, des premiers bégayements de la muse populaire des Latins. On en trouvera un exemple dans le fragment, d’ailleurs bien plus moderne, que nous allons transcrire.

Quod ré suá diféídens — ásperé afleícta
Paréns timéns heic vóvit — vóto hóc solúto
De︠cu︡má factá poloúcta — leíbereís lubéntes
Donú danúnt Hérc︠ole︡i — máxsumé r︠et︡o
Semól te︠ o︡ránt se vóti — crébro cón démnes


⌣ ―́ ⌣ ―́ ⌣ ―́ ―̆ ǁ ―́ ⌣ ―́ ⌣ ―́ ―̆


 « Voici ce que, craignant pour sa fortune, durement atteinte,
 » L’aïeul effrayé a promis : accomplissant son vœu,
 » Cette dîme qu’ils apportent au banquet sacré, les enfants de plein gré
 » Te la donnent, ô Hercule, Dieu tout bienfaisant !
 » Ils te supplient aussi de les exaucer sans cesse ! »


Les vers saturnins comportaient l’éloge et la moquerie ; ils se débitaient avec l’accompagnement de la flûte : la césure était fortement marquée à chaque hémistiche, et souvent même, dans les chants alternés, le second chanteur reprenait le vers après elle. Comme tous les mètres de l’antiquité grecque ou romaine, ils avaient la quantité et se scandaient : mais parmi tous les anciens vers, il n’en est pas dont la prosodie fût plus imparfaite. Les licences les plus énormes ; les chutes souvent omises ; la structure la plus grossière ; un hémistiche en pieds iambiques tout simplement suivi d’un autre en trochaïques, tout cela n’offrait qu’un cadre bien insuffisant pour les effusions rythmées de la haute poésie.

Mélodies.C’est aussi dans ces temps qu’ont dû se produire les premiers essais de la musique populaire et de la choreutique latines ; mais nous ne savons rien sur cette branche de l’art. Un seul détail nous est parvenu. La flûte était droite, courte et mince, percée de quatre trous, et, dans l’origine, faite, comme son nom l’indique (tibia), avec l’os de la jambe de quelque animal.

Le masque.La comédie populaire ou Atellane[7] mit plus tard un masque sur la figure de chacun de ses principaux personnages, Maccus (l’arlequin), Bucco (le glouton), Pappus (le vieux bonhomme), Dossennus (le sage), etc. ; personnages dont on a ingénieusement retrouvé les portraits et la descendance dans la farce, moderne du Pulcinella, avec les deux valets, le Pantalon, et le Docteur. Mais la pratique du masque remonte-t-elle elle-même à ces premiers temps de l’art ? On n’en a pas la preuve. Il est certain du moins qu’aussi loin qu’on aille, on trouve le masque sur le théâtre latin populaire : quand le théâtre grec, au contraire, vint dresser ses tréteaux à Rome, il n’en usa point d’abord pendant tout un siècle. Mais comme le masque des Atellanes est, on ne peut le nier, d’origine purement italienne ; comme sans lui, sans le rôle fixe et obligé qu’il imposait à l’acteur, on ne comprendrait pas bien ni quel était le cadre, ni quelle était l’exécution de ces pièces improvisées, il faut, avec raison, reporter son usage jusqu’aux tout premiers jours de la scène romaine, et y voir même l’inspirateur de ses débuts.

Premières influences grecques.Si peu instruits que nous soyons sur la civilisation première et les premiers résultats de l’art chez les Latins, nous en savons encore moins long, on le comprend, sur les premiers contacts entre l’art romain et celui du dehors. Parmi ceux-ci, il convient pourtant de ranger la connaissance des langues étrangères, du grec surtout. En général, les Latins ne savaient pas le grec, comme le prouvent les interprètes nommés pour les livres sybillins (p. 242) ; mais les commerçants devant souvent se le rendre familier, ils durent en même temps et dans les mêmes circonstances, apprendre à le lire et à l’écrire (p. 285). Mais la culture du monde ancien n’était en aucune façon subordonnée à la connaissance des langues ou des éléments et des procédés techniques comparés. Le Latium dut plutôt ses premiers progrès aux importations seules de la muse grecque, lesquelles remontent à l’époque la plus reculée. Ce ne sont ni les Phéniciens, ni les Étrusques, ce sont les Grecs seuls qui ont exercé sur les Italiens une grande et féconde influence ; nulle part vous ne trouverez chez eux la trace d’une impulsion artistique ou littéraire venue de Cœré ou de Carthage. Les civilisations phéniciennes et étrusques, je ne crains pas de le dire, doivent être classées parmi celles qui n’ont pas donné de fruits ou qui n’en ont porté que de stériles[8]. Il n’en a point été ainsi de la civilisation fécondante des Hellènes. La lyre à sept cordes (fides, de σφίδη, corde à boyau, ou barbitus, de βάρβιτος), n’est pas, comme la flûte, indigène dans le Latium ; elle y a toujours été regardée comme un instrument venu de l’étranger ; et tout prouve l’antiquité de sa naturalisation en Italie, et la mutilation par les Latins de son nom grec, et son emploi dans les cérémonies du culte[9]. Certains fragments des légendes grecques furent à la même époque apportés chez les Latins ; on voit, en effet, se populariser rapidement les images créées par la statuaire des Grecs avec tous les attributs distinctifs dont les avait ornées la fantaisie poétique de ce peuple. Proserpine, dans le latin barbare d’alors devient Prosepna ; Bellerophon se change en Melerpanta ; le Cyclope en Coclès ; Laomédon s’appelle Alumentus ; Ganymède, Catamitus ; le Nil, Melus ; Sémélé, Stimula ; faisant voir, par la dégénérescence même des noms, combien est ancienne l’époque où les récits légendaires s’étaient ainsi propagés dans l’Italie du milieu. — Disons enfin un mot de la grande et principale fête de la cité romaine (ludi maximi Romani), qui, si elle n’a pas été importée de Grèce, lui a du moins emprunté plus tard les plus importants épisodes de ses rites. Instituée d’abord comme une solennité extraordinaire d’actions de grâces pour l’accomplissement du vœu formé par un général au moment de livrer la bataille, elle devint la fête habituelle du retour de l’armée à la saison d’automne. Les soldats citoyens montaient au Capitole et remerciaient Jupiter et tous les dieux qui y habitaient avec lui. Le cortège passait par le Grand Cirque, élevé entre l’Aventin et le Palatin, avec son arène et ses gradins pour les spectateurs ; les jeunes garçons marchaient en tête, rangés dans l’ordre des divisions de l’armée, cavalerie et infanterie ; puis, derrière eux, les lutteurs et les bandes de danseurs que nous connaissons déjà, chacune avec sa musique ; ensuite venaient les serviteurs les dieux avec les vases thuriféraires et les autres ustensiles sacrés ; enfin, les dieux portés sur des brancards. La solennité de la fête était l’image de la guerre de ces temps ; on luttait sur les chars, à cheval et à pied. Les premières courses étaient celles des chars ; chacun de ceux-ci, à l’instar des récits homériques, avait son cocher et son guerrier ; puis, le guerrier sautait à terre pour combattre encore, puis venait le tour des cavaliers avec leur cheval de combat et leur cheval de main (desultor), suivant la mode romaine : enfin, les gens de pied, ne portant qu’une simple ceinture aux hanches, disputaient le prix de la course, de la lutte proprement dite, et du pugilat. Il n’y avait jamais qu’une seule lutte ouverte, et que deux rivaux engagés pour le même prix. Le vainqueur recevait une couronne, et tel était l’honneur attaché à cette simple palme, qu’à sa mort, elle était déposée sur sa bière. La fête ne durait qu’un jour ; et après les joutes, il restait assez de temps encore pour les réjouissances du carnaval romain. C’est alors que les danseurs déployaient leur agilité et se livraient à mille folies. Enfin, d’autres jeux encore, les courses des jeunes cavaliers, par exemple, achevaient la journée[10]. Les distinctions gagnées dans les combats jouaient aussi un grand rôle dans la fête : le guerrier heureux exposait aux yeux de tous l’armure de l’ennemi abattu, et recevait une couronne de la cité reconnaissante.

Ainsi se célébrait la grande fête romaine, ou de la Victoire : nous nous représenterons facilement, d’après les détails qui précèdent, les solennités à peu de chose près semblables, quoique plus restreintes, des autres fêtes publiques. Dans celle des mânes, ou des morts[11], par exemple, les danseurs se livraient à leurs exercices ordinaires : il s’y joignait même, au besoin, des courses de cavaliers ; et la cité entière était invitée par le crieur public à assister à la pompe funéraire.

Toutes ces solennités et ces jeux sont fortement marqués à l’empreinte des mœurs et des usages des Romains : il n’en est pas moins vrai pourtant qu’ils ressemblent essentiellement à ceux des fêtes populaires de la Grèce. La pensée fondamentale est la même : les rites de la religion y sont réunis aux luttes guerrières : les exercices spéciaux ne sont autres que ceux d’Olympie célébrés par Pindare, la course à pied, la lutte, le pugilat, la course en chars, le jet du javelot, ou du disque. Le prix est le même : la couronne est donnée, à Rome, comme en Grèce, au vainqueur des jeux nationaux : ce vainqueur, dans la course des chars, n’est pas le cocher mais le propriétaire de l’attelage : enfin, chez l’un et l’autre peuple, les exploits des guerriers et les récompenses patriotiques sont compris dans le programme des solennités. De pareilles concordances ne sont point l’effet du hasard : il faut les attribuer ou à d’antiques et communs usages, ou aux contacts des relations internationales ; et certes toutes les probabilités déposent en faveur de la seconde opinion. La fête civique des ludi maximi, dans la forme qu’elle a revêtue, n’est point une des institutions primitives de Rome : le Grand Cirque n’appartient qu’à la dernière époque des rois (p. 151). De même que la réforme constitutionnelle fut alors inspirée par les idées venues de la Grèce (p. 131) ; de même, tout en conservant les exercices du saut (triumpus) et de la danse indigènes (p. 39), les balancements du corps et les contorsions qui signalèrent si longtemps la fête du mont Albain[12], les solennités des grands jeux accueillirent les courses grecques, et leur donnèrent même la plus large place aux dépens de leur ancien programme. Avant cette époque on ne trouve pas trace des courses de chars dans le Latium : en Grèce, au contraire, elles sont populaires. Enfin, le stade des Grecs (σπάδιον, en dorique) est passé de bonne heure avec son sens propre, dans la langue latine (spatium) : témoignage certain de l’emprunt des courses à cheval et en char fait par les Romains aux gens de Thurium : une autre tradition veut toutefois les faire venir d’Étrurie. Quoi qu’il en soit, comme ils avaient reçu de la Grèce la première impulsion musicale et poétique, les Romains en reçurent aussi l’invention utile des combats gymnastiques.

Caractère de la poésie et de l’éducation dans le Latium.Les Latins purent donc mettre au service de leur civilisation des éléments pareils à ceux de la civilisation et de l’art helléniques. De plus, et dès les temps anciens, la Grèce a puissamment influé sur la culture du Latium. Les Latins possédaient les rudiments de la gymnastique : l’enfant du citoyen ou du paysan romain apprenait à conduire les chevaux et le char, ou à manier l’épieu de chasse : à Rome, enfin, tout citoyen, était soldat. De plus la danse s’y élevait à la hauteur d’une fonction publique : puis bientôt les jeux de l’arène grecque furent transportés à Rome avec leurs incitations et leurs perfectionnements. Dans la poésie, les arts lyrique et tragique de la Grèce étaient sortis de chants de fêtes pareils à ceux des fêtes romaines. Dans la chanson des aïeux il y avait le germe de l’épopée ; dans la mascarade, celui de la comédie ; de ce côté encore, les exemples de la Grèce ne firent point défaut au Latium. — Et pourtant, chose remarquable, toutes ces semences, au lieu de lever, se flétrirent. L’éducation physique de la jeunesse lui donna la solidité et l’adresse corporelles ; elle ne lui communiqua jamais la souplesse élégante et artistique, résultat ordinaire de la gymnastique chez les Grecs. Importés en Italie, les jeux publics helléniques modifièrent leurs règles essentielles, et n’eurent plus leur sens national. Les citoyens seuls y devaient prendre part ; il en fut ainsi, même à Rome, dans l’origine : mais plus tard cavaliers et lutteurs n’y sont plus que des hommes professionnels. En Grèce, il fallait, avant toute autre condition pour descendre dans l’arène, prouver qu’on était libre et issu de sang grec : chez les Romains, des affranchis des étrangers, et jusqu’à des esclaves sont admis de bonne heure à concourir. Par suite, l’assistance, composée jadis de combattants rivaux, ne devient plus qu’une foule de curieux : de la couronne du vainqueur, de cette couronne que l’histoire a depuis décernée si justement à la Grèce entière, il ne sera plus bientôt question chez les Romains. — Il en arriva de même de la poésie et de ses sœurs. Il n’a été donné qu’aux Grecs et aux Germains, de s’abreuver aux sources jaillissantes des vers et à la coupe d’or des muses : quelques rares gouttes seulement sont tombées sur la terre italique[13]. La légende locale ne s’y est point formulée en poëmes. Les dieux sont demeurés de pures abstractions ; ils ne se sont point élevés plus haut, ou enveloppés, si l’on aime mieux, dans une personnification transfigurée. Les plus grands, les plus nobles héros sont restés de simples mortels ; et, quand les Grecs, pratiquant la religion des souvenirs et cultivant avec amour la tradition que léguaient leurs grands hommes, les plaçaient dans l’empyrée à côté des dieux, les Latins les laissent tous à l’état de simples mortels. Leur poésie nationale ne sortit jamais de son berceau. Les muses, la poésie surtout, ont le beau et grand privilège de supprimer les barrières qui séparent les cités, de faire des races un peuple, et des peuples un monde. De même que de nos jours la littérature est universelle, qu’elle a aplani les oppositions entre les nations civilisées ; de même la poésie grecque avait transformé le génie étroit et égoïste des peuplades helléniques ; leur avait inspiré la conscience du sentiment national, et plus tard les vues fécondes de l’humanité universelle. En Italie les choses se passèrent tout autrement : et, s’il y a eu des poètes à Albe et à Rome, ils n’ont écrit ni l’épopée nationale, ni même, ce à quoi l’on eût pu tout au moins s’attendre, un catalogue de préceptes ruraux à l’instar des Œuvres et des Jours d’Hésiode. La fête de la fédération latine aurait pu devenir une fête artistique et nationale, pareille aux jeux isthmiques et olympiques. Ilion, chez les Grecs, avait inspiré tout un cycle de légendes ; la chute d’Albe aurait dû remplir de longs récits poétiques où toutes les nobles familles du Latium auraient déposé ou retrouvé leurs archives. Rien de tout cela n’eut lieu, et l’Italie est restée sans art et sans poésie nationale. — Il en faut conclure, je le répète, que les secrets de la muse apportés de la Grèce allèrent en se perdant, chez les Latins, bien loin d’y préparer une floraison nouvelle. La tradition d’ailleurs, confirme de tous points ce résultat. Partout, à ses débuts, la fonction de la poésie est donnée aux femmes avant que les hommes ne l’entreprennent : les incantations magiques, les chants funéraires sont alors leur attribution privilégiée : les camènes du Latium, et les muses de la Grèce sont là pour l’attester. Plus tard, en Grèce, les poètes congédièrent les chanteuses ; et Apollon marcha dorénavant à la tête des muses. Il s’est passé, dans le Latium, quelque chose de semblable : et si le peuple latin n’a pas un dieu spécial du chant le nom seul du chanteur sacré, du vates, lui fait ressentir une impression profonde et mystérieuse. Toutefois il y a loin de là à obéir, comme l’ont fait les Grecs, à l’entraînement des beaux-arts : bientôt les impressions premières s’effacent, et les Romains abandonnent le culte des arts à des femmes ou à des enfants, à des corporations ou à des ouvriers libres. Nous savons que les nénies étaient chantées par des femmes, les chants de table par de jeunes garçons : les hymnes religieux se disaient aussi par la bouche des enfants. Les joueurs d’instruments étaient organisés en collège : les danseurs et les pleureuses (præficæ) exerçaient un métier indépendant. La danse, la musique instrumentale et le chant furent toujours en Grèce ce qu’ils avaient été un instant dans le Latium, des professions honorées, utiles aux citoyens et à l’ornement de la cité. Mais les Romains des hautes classes délaissèrent à l’envi ces arts trop vains à leurs yeux : et leur dédain alla croissant à mesure que s’accroissait leur publicité, et que les innovations étrangères leur imprimaient un nouvel essor. Ils toléraient volontiers la flûte, mais ils ne voulurent point de la lyre : ils toléraient les jeux des masques, mais ils ne prirent point intérêt aux luttes de la palæstre, pour ne pas dire qu’ils méprisèrent les lutteurs. En Grèce, les arts des Muses sont le trésor de chacun et de tous, et le fond commun de la culture nationale : chez les Latins, ils n’ont bientôt plus accès dans le sentiment populaire ; ils deviennent d’humbles métiers sous tous les rapports : la grande pensée d’élever avec leur aide une jeunesse brillante et nationale, s’est tout à fait perdue. La jeunesse romaine vit enfermée dans l’étroite enceinte de la maison paternelle. Le fils reste aux côtés de son père : il l’accompagne dans les champs, maniant la charrue ou la faucille ; il l’accompagne chez ses amis, dont il est l’hôte dans la salle des assemblées, quand il est appelé au conseil. C’était une bonne préparation pour la vie de famille ou la vie politique que cette existence en commun du père et du fils : le respect que l’homme fait commande à l’adolescent, le respect de l’homme mûr pour l’innocence de la jeunesse sont autant de solides fondements des traditions domestiques et publiques : ils fortifient les liens de la famille : ils ont communiqué surtout aux habitudes des Romains cette gravité (gravitas) morale et digne qui les a tant illustrés. Il y avait une sagesse simple et profonde tout à la fois dans l’éducation ainsi entendue : admirons-la, à ce titre ; mais sachons convenir qu’elle n’a pu réussir et n’a réussi qu’au prix du sacrifice à jamais regrettable de l’indépendance individuelle du caractère, et du renoncement aux dons des Muses, dons séduisants et féconds au milieu même de tous leurs dangers.

La danse, les jeux et le chant chez les Étrusques et les peuples sabelliques.Nous sommes réduits à l’ignorance la plus absolue en ce qui touche le progrès des arts chez les Étrusques et les Sabelliens[14]. Tout ce que l’on peut dire, c’est qu’en Étrurie, même avant ceux de Rome, peut-être, les danseurs, les mimes (histri, histriones), et les joueurs de flûte (subulones), avaient fait de leur art un métier, et, sans être tenus en honneur le moins du monde, allaient, pour un mince salaire, se produire devant le public étrusque, ou devant celui de Rome. Le détail le plus remarquable à noter, c’est que, dans les grandes fêtes étrusques célébrées par le prêtre fédéral en présence des douze cités, il y avait des jeux pareils à ceux de la fête romaine ; mais il ne s’ensuit nullement la preuve que les arts eussent pris, en Étrurie, un plus puissant ou plus national essor que dans le Latium, et qu’ils s’y fussent élevés à la hauteur d’un code commun. D’un autre côté, on y eût déjà rencontré, sans doute, tous les éléments de cette fausse et pauvre science astrologique ou théologique tant célébrée par la critique radoteuse d’un temps de décadence, et qui a, valu aux Toscans l’honneur d’être mis sur la même ligne que les Juifs, les Chaldéens et les Égyptiens, comme s’ils avaient été la source merveilleuse de toute doctrine sacrée ! De l’art des peuples sabelliques, nous savons moins encore, s’il est possible ; sans que par là nous accordions qu’ils aient marché derrière leurs voisins. Si même nous nous permettions quelques conjectures, en partant du caractère et du génie connus des trois principales races italiques, nous dirions que les Étrusques sont restés plus loin derrière les Grecs ; que les Samnites s’en sont au contraire davantage rapprochés sous le rapport de la vocation artistique. N’est-il pas vrai, par exemple, que les meilleurs et les plus originaux parmi les poëtes latins, Nævius, Ennius, Lucilius, Horace, appartiennent aux pays samnites ? L’Étrurie, au contraire, n’a pas de représentant dans la littérature romaine, si ce n’est, peut-être, Mæcène, d’Arretium [Arrezzo], le poëte de cour à sec de veine, insupportablement fade sous l’apprêt de ses vers ; ou encore Perse de Volaterra [Volterre], cet idéal du poète jeune, arrogant et blasé.

Architecture primitive.Toutes les races, on le sait, ont possédé en commun les rudiments de l’art de bâtir. C’est par la maison que l’architecture débute ; il en fut de même chez les Grecs et les Italiens. Construite toute en bois, recouverte d’un toit de chaume ou de bardeaux, la maison antique dessine un rectangle quadrangulaire, ouvert au centre et en haut par le large orifice du cavum ædium, correspondant au bassin où s’écoulent les eaux pluviales (impluvium), et par où descend la lumière et s’échappe la fumée. Au-dessous d’un « toit noir » (atrium), se préparent et se consomment les mets ; là se placent le foyer des Dieux domestiques, le lit nuptial, et la bière des morts : là le chef de maison reçoit les hôtes : là enfin, l’épouse se tient assise, filant la laine au milieu de ses femmes. Il n’y a point de pièce d’entrée car on ne saurait donner ce nom à l’espace découvert communiquant de la porte à la rue. Il s’appela vestibulum, parce qu’en pénétrant dans la maison il était d’usage de ne garder que la tunique ; en sortant, au contraire, on s’enveloppait dans les plis de la toge. Point de distribution intérieure et compliquée, à l’époque où nous sommes : seulement autour de l’atrium il y avait parfois des réduits pour le sommeil (cubicula) et pour les provisions. Il n’y faut point chercher non plus des escaliers ou des étages.

Influence ancienne de l’art grec.Ne nous demandons pas s’il a jamais existé trace d’un art de bâtir primitif italien, les enseignements des Grecs ayant de suite prévalu et caché sous des constructions nouvelles les premiers et faibles essais du savoir-faire indigène. Les plus anciens échantillons qui nous soient connus sont calqués sur le type grec avec autant de fidélité, pour ainsi dire, que les monuments de l’ère d’Auguste. Voyez les plus vieux tombeaux de Cæré et d’Alsium[15], ou le plus ancien parmi ceux récemment ouverts sur l’emplacement de Præneste [Palestrina] : ils ressemblent exactement aux trésors d’Orchomène et de Mycènes : ils sont construits en maçonnerie à assises rentrantes, et fermés en haut par une énorme pierre plate. On trouve encore un exemplaire semblable dans un très vieux monument adossé au mur de ville de Tusculum[16] ; enfin le Tullianum (Santo Pietro in carcere), l’antique puisard creusé au pied du Capitole, n’eut pas, d’autre toit jusqu’au jour où l’on tronqua son cône par le sommet pour y asseoir une autre construction[17]. Les portes d’Arpinum[18] et de Mycènes se ressemblent, et sont bâties sur le même plan. L’émissaire du lac d’Albano (p. 53) rappelle beaucoup celui du lac Copaïs. Les murs d’enceinte, dits cyclopéens, ne sont pas rares en Italie, notamment dans l’Étrurie, l’Ombrie, le Latium et la Sabinie. Ils appartiennent assurément au plus ancien système des constructions locales : toutefois il faut reconnaître aussi que bon nombre d’entre eux n’ont été érigés qu’assez tard : quelques-uns même ne remontent pas au delà du viie siècle de Rome. Comme les murs grecs, ils consistent tantôt en un appareil de quartiers de roche bruts, superposés et maintenus par des pierres plus petites placées dans les irrégularités des jointures ; tantôt en un système à assises quadrangulaires horizontales[19] ; tantôt enfin un assemblage grossier de blocs polyèdres inégaux et engagés les uns dans les autres. Il semble que le choix de l’appareil ait été surtout commandé par la nature des matériaux : et comme les Romains ne construisaient qu’en tuf dans ces anciens temps, ils ne pouvaient guère alors pratiquer le système polygonal régulier. Les analogies, quant aux deux premiers et plus simples modes, peuvent donc très bien tenir à l’espèce de la pierre et à l’objet même de la construction ; mais on n’en saurait plus dire autant quand l’on rencontre des murs construits d’une façon plus savante dans le mode polygonal pur. Le hasard n’a certainement pas donné, en Italie et en Grèce à la fois, le plan de ces portes avec leurs chaussées toujours inclinées à gauche et obligeant ainsi l’agresseur à laisser son flanc droit exposé aux coups des combattants qui défendent la ville. Des vestiges remarquables attestent que cette fortification n’a été pratiquée que dans les seules régions de l’Italie, où les Grecs, sans pouvoir imposer leur domination, avaient cependant introduit leur commerce. On ne trouve en Étrurie le mur polygonal régulier qu’à Pyrgi[20], et que dans les villes peu éloignées de Cosa[21] et de Saturnia[22]. Le nom de Pyrgi veut dire tours, (πύργος) en grec, et fournit une raison de plus de rattacher la construction de ses murs à l’architecture hellénique, tout aussi bien qu’on y rattache celle des fortifications de Tyrinthe : nous y retrouvons de nos jours encore, le type d’après lequel les Italiens des anciens temps ont dû bâtir les murailles de leurs villes.

Le temple, appelé toscan sous les empereurs, n’était autre, aux yeux même des Romains, qu’une construction modelée sur les anciens types grecs. Dans son ensemble, il comporte, comme ceux-ci, une salle quadrangulaire ou cella, enfermée entre les murs et les colonnes surmontés d’un toit à deux plans inclinés. Les détails des colonnes et de tout l’édifice reproduisent également les données du système hellénique. De tous ces faits, il faut conclure que vraisemblablement, avant le contact avec les Grecs, les Italiens ne savaient pas bâtir autre chose que des huttes de bois, empiler des abattis, construire des levées de terre ou de pierre : la maçonnerie véritable n’est née qu’avec l’exemple, et peut-être les instruments, venus de la Hellade. Peut-on douter qu’ils lui doivent l’usage du fer, la préparation de la chaux (cal[e]x, calecare, de χάλιξ) ; les échafauds (machina, μηχανή) ; la règle de l’ouvrier en bâtiment (groma, corruption de γνώμων, γνῶμα), et enfin la serrure (clathri, ϰλῆθρον) ? La part de l’architecture italique, s’il en a existé une, se réduit donc à bien peu de chose : tout au plus, l’ancienne maison de bois, transformée par les exemples dus à la Grèce, a-t-elle retenu ou perfectionné quelques détails spéciaux ; et ceux-ci à leur tour, ont pu passer dans les dispositions architectoniques des temples consacrés aux dieux. C’est par les Étrusques, d’ailleurs, que l’art de la construction des maisons est venu en Italie. Durant longtemps encore, les Latins et les Sabelliens conservèrent leurs huttes de bois ; ils se refusaient à bâtir une demeure pour les dieux et les mânes ; ils gardaient encore le bon et antique usage de leur consacrer simplement un lieu nu et en plein air, quand déjà les Étrusques commençaient à élever des habitations plus artistiques ; et, à l’instar des édifices destinés à la demeure des hommes, dédiaient à la divinité, un temple, aux mânes des morts, un tombeau. Aussi, lorsque les constructions plus luxueuses pénétrèrent dans le Latium avec les influences étrusques, les systèmes et le style nouveau s’appelèrent-ils de ce nom[23]. Au fond, et dans son caractère essentiel, le temple grec, importé en Italie, imite la tente et la maison d’habitation : il est bâti en pierres de taille carrées et recouvert en tuiles ; et c’est dans l’assemblage savant de la pierre et de l’argile cuite que les architectes grecs ont su concilier à la fois les lois de l’utile et celles du beau. Les Étrusques, au contraire, ne distinguent bientôt plus entre la maison de l’homme, nécessairement faite de bois, et la maison des dieux, où doit dominer la pierre. Leur temple raccourci se rapproche du carré : son entablement plus haut, ses colonnes largement espacées, la déclivité plus grande du toit, la saillie plus marquée des poutres portant sur l’architrave et les colonnes, tout atteste un rapport intime entre leurs constructions sacrées et domestiques : le temple étrusque, en un mot, jusque dans ses détails, reste le voisin de l’ancienne maison de bois.

La plastique.Les arts du dessin et de la plastique sont plus jeunes que l’architecture : avant d’orner le fronton et les murs, il a fallu élever l’édifice. Nous ne pensons pas que ces arts eussent pénétré en Italie et s’y fussent déjà acclimatés durant l’ère des rois ; mais ils avaient pris pied en Étrurie, arts ou métiers, comme on voudra, grâce aux richesses amenées par le commerce et la piraterie. L’art grec avait peu progressé encore quand il fut apporté en Étrurie, à en juger du moins par les imitations qu’il y a produites ; et le siècle où les Étrusques ont appris à travailler l’argile et les métaux, semble être le contemporain de celui où ils ont reçu leur alphabet. Les monnaies d’argent de Populonia[24], l’unique spécimen qu’il soit possible presque de rattacher à cette même époque, sont loin de nous donner une haute idée de l’habileté artistique des Toscans : toutefois, les meilleurs de ces bronzes, plus tard tant estimés des connaisseurs, semblent appartenir à ces temps reculés. Les terres cuites se fabriquaient aussi avec quelque succès, puisque les ornements les plus anciens en ce genre qui aient été placés dans les temples romains, les statues du Jupiter Capitolin, le quadrige érigé sur le toit de son sanctuaire, avaient été commandés à Véies ; et que, de même, les grandes antéfixes des toitures des autres temples s’appelèrent plus tard : « travail toscan ». Il n’en était point ainsi chez les peuples de l’Italie propre, chez les Sabelliens et même chez les Latins. Là, la sculpture et le dessin n’existaient pour ainsi dire point encore. Toute œuvre d’art de quelque importance qui s’y pouvait trouver, était venue de l’étranger. Nous avons cité Véies et ses argiles cuites : les fouilles les plus récentes ont mis au jour des bronzes fondus en Étrurie, portant des inscriptions étrusques, et qui, s’ils n’étaient pas encore en faveur dans tout le Latium, trouvaient du moins un marché facile à Prœneste. La statue de Diane, dans le temple romain fédéral de l’Aventin, passa longtemps pour la plus vieille de Rome[25]. Elle ressemblait exactement à l’Artémis (ou Diane Éphésiaque) de Massalie, et sans doute, avait été apportée ou de cette ville ou d’Eléa[26]. Si l’on ne rencontrait pas dans Rome, en ces mêmes temps, les corporations des potiers, des ouvriers en cuivre et des orfèvres (p. 260), on pourrait douter qu’elle ait alors possédé les plus simples rudiments des arts du dessin : il est impossible aujourd’hui d’apprécier, d’une façon sûre, les progrès acquis et le chemin parcouru.

Rapports artistiques ; génie divers des Étrusques et des Italiens.Quoi qu’il en soit, les rares monuments que mentionne l’histoire, et les traditions léguées par les siècles primitifs, ont du moins permis à la critique d’asseoir un jugement, et d’affirmer que, comme les poids et mesures, et comme l’écriture, les arts ne sont venus en Italie que par la voie de la Grèce, et non pas par celle de la Phénicie.

Il n’est point une seule branche des arts qui ne se rattache au tronc commun hellénique ; et la légende dit vrai au fond, lorsque, voulant raconter l’invention des argiles peintes, les plus vieilles parmi les œuvres de ces temps, elle les attribue aux trois ouvriers grecs Eucheir (l’habile de main), Diôpos (l’ordonnateur), et Eugrammos (le dessinateur) ; quoiqu’en fait, il soit fort douteux que les arts plastiques soient venus, comme elle dit, de Corinthe, et aient élu d’abord domicile à Tarquinies. Nul vestige d’importation orientale, non plus que de créations originales ou indigènes. Veut-on objecter les scarabées et les hannetons, pareils à ceux de l’Égypte, et que fabriquaient en grand nombre les lapidaires de l’Étrurie ? Les Grecs, répondrons-nous, en taillaient aussi dès les temps les plus reculés : l’un d’eux a été retrouvé à Égine, avec une fort vieille inscription hellénique. Les Grecs les ont probablement introduits chez les Étrusques. Auprès des Phéniciens, les Italiens trouvaient à acheter ; auprès des Grecs seulement, ils trouvaient à apprendre.

À quelle race hellénique les Étrusques ont-ils dû leur éducation artistique ? Question aussi difficile à résoudre que l’origine de leur alphabet. Constatons seulement que dans les choses de l’art, il existe de remarquables rapports, entre l’Attique et l’Étrurie : les trois genres de travaux pratiqués plus tard en grand par les Toscans, n’avaient été suivis que d’une façon très restreinte en Grèce. Toutefois, Athènes et Égine sont les seuls points du territoire hellénique où la peinture tombale, l’art de ciseler les miroirs, et l’art du lapidaire semblent jusqu’ici avoir laissé de notables vestiges. Le temple toscan n’est exactement conforme ni au mode dorique, ni au mode ionique ; mais par ses caractères distinctifs les plus importants, par sa colonnade périptérale qui enveloppe de tous côtés la cella, par les bases mêmes de ses colonnes, il se rapproche davantage du mode ionique de la seconde époque. Or, nous voyons qu’en Grèce, le système le plus voisin du toscan dans ses dispositions générales, est précisément aussi le système ionien-attique, dans lequel l’élément dorique a profondément pénétré.

En ce qui touche le Latium, les indications historiques nous font défaut dès qu’il s’agit de dire par quelle route l’art lui a été apporté. Toutefois, si comme cela parait vrai, il est raisonnable d’admettre qu’il a suivi la même voie que le commerce, on arrive à une conclusion toute en faveur des grecs de la Campanie et de la Sicile. Ce sont eux surtout qui ont dû, en même temps que leur alphabet, apporter leurs modèles artistiques aux Latins. Objectera-t-on la Diane de l’Aventin et ses ressemblances avec l’Artémis d’Éphèse ? C’est là un fait isolé qui ne prouve rien. Nous accordons aussi que les anciens Étrusques ont fourni des modèles à leurs voisins. — Quant aux races sabelliques, ici encore, comme pour l’alphabet grec, ce n’est que de seconde main, et par l’intermédiaire des peuples de l’Italie occidentale, que l’architecture et la statuaire hellénique sont arrivées à leur connaissance.

Que si nous avions à porter un dernier jugement sur la vocation artistique des diverses nations italiques, nous le formulerions en peu de mots. Dès l’époque où nous sommes, on constate, ce que les siècles postérieurs démontreront mieux encore, l’antériorité des Étrusques dans la pratique des arts ; et leurs travaux sont à la fois plus considérables et plus riches ; mais en même temps, leur infériorité est réelle par rapport aux Latins et aux Sabelliens. La convenance dans les formes, l’utilité vraie sont moins bien observées chez eux, et ils n’ont pas au même degré l’inspiration et le sens du beau. Mais ce n’est encore que dans l’architecture que ces différences se trahissent. La structure polygonale, si belle, si bien appropriée à son objet, se rencontre fréquemment dans le Latium et dans les régions centrales : en Étrurie, elle est rare, et les murs mêmes de Cœré n’offrent nulle part l’appareil à blocs multangulaires. Des constructions religieuses déjà remarquables, l’arc, les ponts (p. 230)[27], font pressentir les grandes destinées de l’art romain, l’époque des aqueducs et des voies consulaires. Les Étrusques, au contraire, initiés aux principes de l’architecture monumentale de la Grèce, les ont promptement dénaturés. Ils appliquent maladroitement aux bâtiments de bois les lois qui régissent les constructions en pierre ; ils inclinent le toit d’une façon exagérée ; ils espacent trop les intervalles des colonnes, et pour emprunter le dire d’un architecte ancien, ils donnent à leur temple « un aspect large, écrasé et lourd ». Dans les proportions riches et pleines de l’art grec, les Latins n’ont pas trouvé toutes choses, tant s’en faut, en harmonie avec leur puissant réalisme ; mais ils ont su pleinement s’approprier le peu qu’ils lui ont pris. Dans la construction polygonale du mur des villes, ils ont peut-être dépassé leurs maîtres. L’art étrusque est la manifestation éclatante d’une incroyable dextérité de main qui se maintient par une infatigable industrie ; mais, comme l’art chinois, cette industrie n’atteste au plus que le génie secondaire de l’imitation, de la réceptivité, pour parler avec l’école. On aura beau disputer : de même qu’il a fallu jadis reconnaître que l’art grec n’avait été rien moins que le fils de l’art étrusque : de même, dans l’histoire artistique de l’Italie, il faudra faire passer celui-ci encore de la première place à la dernière.




FIN DU PREMIER LIVRE.

  1. [Nous avons dû traduire fidèlement la pensée et l’expression de notre auteur, interprète fidèle lui-même des idées assurément fort exclusives de nos voisins d’outre-Rhin.]
  2. Telle est, par exemple, la formule préservatrice de l’entorse, citée par Caton l’Ancien (de re rust. 160) : hauat hauat hauat, ista pista sista damia bodanna ustra, laquelle probablement n’avait pas plus de sens pour son inventeur que pour nous, modernes. Naturellement aussi, les formules interpellatives existent en grand nombre : on se préserve, par exemple, de la goutte, en arrêtant à jeun sa pensée sur un tiers, et en disant trois fois neuf fois (soit 27 fois), en même temps que l’on touche la terre et que l’on crache : « Je pense à toi ; sois en aide à mes pieds ; que la terre reçoive mon mal et que la santé me reste ! » (Terra pestem teneto, satus hic maneto. Varr., de re rust. 1, 2, 27).
  3. Nos, Lares, juvate ! — Ne luem ruem (ou ruinam), Mamers, sinas incurrere in plures ! — Satur esto, fere Mars ! In limen insili ! Sta ! Verbera (limen ?) — Semones alterni advocate cunctos ! — Nos, Mamers, juvato ! — Tripudia ! — Les cinq premiers versets se répétaient trois fois, et le final cinq fois. — Notre traduction n’est rien moins que certaine, nous devons l’avouer, surtout à la troisième et à la cinquième ligne. [Ce chant a été conservé dans les Actes des frères Arvales, gravés sur deux tables de pierre, en 218 après J.-C., et trouvés à Rome en 1777 ; on en trouvera le savant commentaire au Corpus inscriptionum, publié par les soins de l’Académie de Berlin, Inscriptiones latinœ antiquissimœ, édit. Th. Mommsen), Berlin 1863, p. 29.].
  4. [In conviviis pueri modesti ut cantarent carmina antiqua, in quibus laudes erant majorum, et assa voce, et cum tibicine — Varr., de vit. pop. R., lib. 2.]
  5. [Fescennina per hunc inventa licencia morem.
    Versibus alternis opprobria rustica fudit. — Hor. ép. 2, 1, 145.]
  6. Le nom de vers saturnins veut dire « chant métrique », la Satŭra n’ayant pas été autre chose alors que la chanson débitée dans les fêtes du carnaval. Elle a la même racine que Sæturnus ou Saiturnus (dieu de la semence), dont on a fait ensuite Sāturnus. Mais c’est dans un temps bien postérieur qu’on a rattaché le vers saturnin, au dieu Saturne (versus Sāturnius), en changeant en longue la première syllabe brève du mot. — [Quant au nom du vers de Faune, il s’explique de lui-même : Cui (versui) prisca apud latinos ætas, tanquam Italo et indigenæ, Saturnio sive Faunio nomen dedit. (Marius Victorinus, 3, p. 25, 86, P.)].
  7. [Atellana fabula, Tit. Liv. 7, 2. C’est le passage classique.]
  8. Tite-Live (9, 36) fait un conte quand il dit que « les enfants romains recevaient dans l’ancien temps une éducation à la mode étrusque, comme plus tard ils l’ont reçue à la grecque. » C’est là une assertion démentie par tout le système d’éducation de la jeunesse romaine. Et puis, qu’y aurait-il donc eu à apprendre en Étrurie pour ces enfants ? Y allaient-ils étudier la langue étrusque comme on étudie le français quand on n’est point né en France ? C’est là ce que n’oseraient pas avancer les zélateurs les plus ardents du culte de Tagès ; et ceux-là même qui consultaient les Aruspices, regardaient la science des devins étrusques comme indigne d’eux, ou comme inabordable (O. Müller, Étrusq., 2, 4). La haute opinion qu’avaient de l’Étrurie les archéologues des derniers temps de la République a probablement sa source dans les récits systématiques des anciennes annales, qui par ex., pour rendre possible la conversation légendaire de Mutius Scævola avec Porsenna, lui avaient fait apprendre tout enfant le parler étrusque (Den. d’Halyc., 5, 28. — Plut., Poplicola 17, et encore Den. d’Halyc., 3, 70).
  9. Plusieurs écrivains attestent l’emploi de la lyre dans les cérémonies religieuses (sic. Cic., de orat. 3, 51, 197 ; Tusc., 4, 2, 4. — Denys d’Hal. 7, 72. — Appian., Pun. 66. — V. aussi Orelli, Inscript. 2448 et 1803). — On s’en servait aussi pour accompagner les nénies (Varr., dans Nonius, aux mots nenia et præficæ). Toutefois, les Romains furent toujours malhabiles à en jouer (Scipion, dans Macrob., Saturn., 2, 40. etc.). Lorsqu’en 92 av. J.-C.639 la musique fut interdite en vertu de la loi, « les flûtistes et les chanteurs latins » furent seuls exceptés de la prohibition, et les convives, dans les banquets, ne purent chanter qu’accompagnés par la flûte (Caton, dans Cicéron, Tusc, 1, 2, 3 ; 4, 2, 3. — Varr. dans Nonius, au mot assa voce. — Horac. carm. 4, 15, 30). Quintilien dit, il est vrai, le contraire (Inst. 1, 10, 20) ; mais il a, par méprise, appliqué aux repas privés ce que Cicéron (de orat., 4, 51) n’a dit que des banquets offerts aux dieux.
  10. Nous répétons que la grande fête n’a duré qu’un jour dans les anciens temps ; car au vie siècle de Rome, elle consacrait encore quatre jours aux jeux scéniques, et un jour à ceux du cirque. (Ritschl, parerga, L, 313) : or, il est notoire que les jeux de la scène furent une innovation des temps ultérieurs. On ne luttait aussi qu’une fois pour chaque espèce de prix. Tite-Live le dit (xliv, 9) ; et ce fut enfin une innovation que de voir un beau jour vingt-cinq paires de chars courir successivement (Varr., dans Servius, Georg. iii, 18). Deux chars ou deux cavaliers seulement couraient à la fois, et il n’y avait de même qu’un couple de lutteurs. Jamais, en effet, le nombre des chars ne dépassa celui des factions ; or, dans ces temps, on ne comptait que deux factions ou camps, celle des blancs et celle des rouges. On sait que César rétablit les courses à cheval des Éphèbes patriciens, ou les courses Troyennes, comme il les appelait, et les plaça parmi les jeux du cirque. Sans nul doute, elles se rattachaient à l’antique Procession des jeunes garçons, montés et rangés à la façon des soldats citoyens de l’armée (Den. d’Halyc., vii, 72.)
  11. [Feralia, vers la fin de février. V. Preller, p. 483, 7e partie, 5.]
  12. [Latinæ feriæ. V. Preller, hoc vo.]
  13. [Le traducteur renvoie ici à la note, p.294]
  14. Nous ferons voir, en temps et lieu convenable, que les Atellanes et les vers Fescennins n’appartiennent qu’à l’art latin, et non à l’art campanien ou étrusque.
  15. [À l’embouchure de l’Arno.]
  16. [Sur la hauteur du Frascati.]
  17. [P. 62, et la note 1 ; — et ch. vii, p. 147.]
  18. [Arpino, dans la terre de Labour.]
  19. Tels étaient les murs de l’enceinte servienne dont on a retrouvé, il y a peu de temps, les restes sur l’Aventin, du côté de San Paolo, dans la Vigna Maccarana ; et du côté du Tibre, au-dessous de Santa Sabina ; (on les trouve reproduits et décrits dans les Annali dell’ Instit. roman., 1855, tavol. XXI-XXV, p. 87 et suiv.). Les blocs de tuf sont taillés en longs rectangles quadrangulaires ; et par places, pour cause de solidité plus grande, ils sont posés le côté long et le petit côté alternativement en dehors. En un autre endroit on rencontre un grand arc régulier dans le haut du mur, de style absolument pareil, mais qui semble une addition des temps postérieurs. Les fragments d’enceinte mis à jour se composent de quatorze assises ; le couronnement manque et les parties basses ont été en maints endroits masquées par d’autres constructions à appareil réticulé (opus reticulatum). Le mur courait manifestement le long du saillant de la colline. En continuant les fouilles, on a constaté que les puits et les galeries de l’Aventin traversent le sol, en tous sens, comme ceux de la colline du Capitole. Ces derniers appartiennent au système voûté dont Braun a démontré l’étendue et l’importance dans la Rome antique (Annali dell’ Instit., 1852, p. 331). On trouvera aussi dans Gell (topography of Rome, p. 494) la reproduction d’un autre fragment du mur de Servius, déterré non loin du site de la porte Capène. — Enfin il existe sur la déclivité du Palatin, du côté du Capitole, dans la Vigna Nussiner, un morceau de mur semblable à celui de Servius (Braun, loc. cit.), et qui semble n’être autre qu’un débris de l’enceinte primitive de la Roma quadrata, p. 68.
  20. [Le port de Cœré, auj. S. Severo, près de Civita-Vecchia.]
  21. [Auj. Ansedonia, sur la côte.]
  22. [Au nord de Manciano, sur l’Albegna.]
  23. [Ratio Tuscanica, cavum ædium Tuscanicum.]
  24. [Piombino.]
  25. Varron affirme (Augustin, de civit. Dei, iv, 31 ; v. aussi Plutarch., Numa, 8) que les Romans ont adoré les dieux durant cent soixante-dix ans, sans leur élever de statues. Son assertion se réfère évidemment à l’image de bois dont nous parlons dans le texte. Elle ne fut effectivement dédiée et consacrée qu’entre les années 578-535 av. J.-C.176 et 219, selon la chronologie conventionnelle des Romains ; et elle était aussi, sans contredit, la plus vieille statue dont la dédicace se trouvât mentionnée dans les documents que l’illustre antiquaire romain avait eus à sa disposition.
  26. [En Lucanie, auj. Castellamare della Bruca.]
  27. [V. sur ce point le chapitre ixe du IIe livre, infra.]