Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes/Livre III/Chapitre 40

XL. Situation actuelle de la compagnie.

Au 31 Janvier 1774, ce corps, dont les proſpérités apparentes étonnoient l’univers entier, n’avoit que 255 240 742 livres 10 ſols. Il devoit 250 847 842 livres 10 ſols. La balance n’étoit donc en ſa faveur que de 4 392 900 livres.

Son capital, au 31 Janvier 1776, étoit de 256 518 067 livres 10 ſols, & ſa dette de 195 248 655 liv. Sa richeſſe étoit par conséquent augmentée, en deux ans, de 56 876 512 liv. 10 ſols.

Il a depuis rembourſé 11 506 680 livres qui reſtoient dues de l’emprunt de 31 500 000 livres. Il a retiré pour 11 250 000 livres de ſes billets d’engagement. Il a éteint pluſieurs dettes anciennement contractées aux Indes ; de ſorte qu’au 31 Janvier 1778, la compagnie avoit la diſpoſition entièrement libre de 102 708 112 livres 10 ſols, ſans compter ſes magaſins, ſes navires, ſes fortifications, tout ce qui ſervoit à l’exploitation de ſes divers établiſſemens.

Cette proſpérité augmentera à meſure que l’immenſe territoire acquis par les Anglois aux Indes ſera mieux régi. En 1773, ces poſſeſſions rendoient 113 791 252 liv. 10 ſols : mais les frais de perception en abſorboient 81 153 652 livres 10 ſols. À cette époque, le produit net ſe réduiſoit à 32 660 100 liv. Il s’eſt accru graduellement, parce que quelques déſordres ont été attaqués avec ſuccès ; il augmentera encore, parce qu’il reſte beaucoup de déſordres à détruire.

L’extenſion qu’a pris le commerce ſera une nouvelle ſource de fortune. La vente de 1772 fut de 79 214 872 livres 10 ſols. Celle de 1773 de 71 992 552 livres 10 ſols. Celle de 1774 de 82 665 405 livres. Celle de 1775 de 78 627 712 livres 10 ſols. Celle de 1776 de 74400457 livres 10 ſols.

Ajoutez à ces grandes opérations de la compagnie, la ſomme de 11 250 000 livres, à laquelle on évalue les marchandiſes qui arrivent tous les ans clandeſtinement des Indes. Ajoutez-y 4 500 000 livres pour les diamans. Ajoutez-y les fonds plus ou moins étendus, mais toujours très-conſidérables, dont les Anglois, répandus dans les différens comptoirs d’Aſie, ont fourni la valeur aux nations étrangères. Ajoutez-y les richeſſes que ces négocians portent eux-mêmes, à la fin de leur carrière, pour en jouir dans le ſein de leur patrie. Obſervez que ces vaſtes ſpéculations, qui rendent tributaires de la Grande-Bretagne tous les peuples de l’Afrique, de l’Europe & de l’Amérique, ne font ſortir annuellement de cet empire pour les Indes, que 2 250 000 livres, tout au plus 3 375 000 livres ; & vous aurez une idée des avantages immenſes que ces colonies, ſi éloignées, procurent à ſes heureux poſſeſſeurs.