Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes/Livre II/Chapitre 13

XIII. Commerce des Hollandois à Siam.

Le commerce des Hollandois à Siam, fut d’abord allez conſidérable. Un defpote, qui opprimoit ce malheureux pays, ayant, vers l’an 1660, manqué d’égards pour la compagnie, elle l’en punit, en abandonnant les comptoirs qu’elle avoit placés ſur ſon territoire, comme ſi c’eût été un bienfait qu’elle retirent. Ces républicains, qui affectoient un air de grandeur, vouloient alors qu’on regardât leur préſence comme une faveur, comme une sûreté, comme une gloire. Ils avoient ſi bien réuſſi à établir ce ſingulier préjugé, que pour les rappeler, il fallut leur envoyer une ambaſſade éclatante, qui demanda pardon pour le paſſé, qui donna les plus fortes aſſurances pour l’avenir.

Ces déférences eurent cependant un terme, & ce fut le pavillon des autres puiſſances qui l’amena très-rapidement. Les affaires de la compagnie, à Siam, ont toujours été en déclinant. Comme elle n’y a point de fort, elle n’a pas été en état de ſoutenir le privilège excluſif qui lui avoit été accordé. Le roi, malgré les préſens qu’il exige, livre des marchandiſes aux navigateurs de toutes les nations, & en reçoit d’eux, à des conditions qui lui ſont avantageuſes. Seulement, on les oblige de s’arrêter à l’embouchure du Menan ; au lieu que les Hollandois remontent ce fleuve juſqu’à la capitale de l’empire, où ils ont toujours un agent. Cette prérogative ne donne pas une grande activité à leurs affaires. Ils n’envoient plus qu’un vaiſſeau, chargé de chevaux de Java, de ſucre, d’épiceries & de toiles. Ils en tirent de l’étain, à 77 livres le cent ; de la gomme-lacque, à 57 liv. 4 fols ; quelques dents d’éléphant, à 3 liv. 12 ſols la livre ; & de tems en tems un peu de poudre d’or. On peut aſſurer qu’ils tiennent uniquement à cette liaiſon par le bois de ſapan, qu’on ne leur vend que 5 liv. 10 fols le cent, & qui leur eſt néceſſaire pour l’arrimage de leurs vaiſſeaux. Sans ce beſoin, ils auroient renoncé depuis long-tems à un commerce, dont les frais excèdent les bénéfices, parce que le roi, ſeul négociant de ſon royaume, met les marchandiſes qu’on lui porte à un très-bas prix. Un plus grand intérêt tourna l’ambition des Hollandois vers Malaca.