Histoire naturelle des cétacées/Le Dauphin férès

LE DAUPHIN FÉRÈS[1].



Ce cétacée, dont le professeur Bonnaterre a le premier publié la description, a le dessus de la tête élevé et convexe, et le museau arrondi et très-court. Une mâchoire n’avance pas plus que l’autre. On compte à celle d’en-haut, ainsi qu’à celle d’en-bas, vingt dents inégales en grandeur, et dont dix sont plus grosses que les autres, mais qui sont toutes semblables par leur figure. La partie de chaque dent que l’alvéole renferme, est égale à celle qui sort des gencives, et représente un cône recourbé et un peu aplati : l’autre partie est arrondie à son sommet, ovoïde, et divisée en deux lobes par une rainure longitudinale. La peau qui recouvre le férès est fine et noirâtre. Ce dauphin parvient à une longueur de près de cinq mètres. Celle de l’os du crâne est le septième ou à peu près de la longueur totale du cétacée.

Le 22 juin 1787, un bâtiment qui venoit de Malte, ayant mouillé dans une petite plage de la Méditerranée, voisine de Saint-Tropès, du département du Var, fut bientôt environné d’une troupe nombreuse de férès, suivant une relation adressée par M. Lambert, habitant de Saint-Tropès, à M. l’abbé Turles, chanoine de Fréjus, et envoyée par ce dernier au professeur Bonnaterre[2]. Le capitaine du bâtiment descendit dans sa chaloupe, attaqua un de ces dauphins, et le perça d’un trident. Le cétacée, blessé et cherchant à fuir, auroit entraîné la chaloupe, si l’équipage n’avoit redoublé d’efforts pour la retenir. Le férès lutta avec une nouvelle violence ; le trident se détacha, mais enleva une large portion de muscles : le dauphin poussa quelques cris ; tous les autres cétacées se rassemblèrent autour de leur compagnon ; ils firent entendre des mugissemens profonds, qui effrayèrent le capitaine et ses matelots, et ils voguèrent vers le golfe de Grimeau, où ils rencontrèrent, dans un grand nombre de pêcheurs, de nouveaux ennemis. On les assaillit à coups de hache ; leurs blessures et leur rage leur arrachoient des sifflemens aigus. On tua, dit-on, près de cent de ces férès ; la mer étoit teinte de sang dans ce lieu de carnage. On trouva les individus immolés remplis de graisse ; et leur chair parut rougeâtre comme celle du bœuf.


  1. Delphinus feres.
    Dauphin férès. Bonnaterre, planches de l’Encyclopédie méthodique.
  2. Bonnaterre, planches de l’Encyclopédie méthodique.