Traduction par Émile Littré.
Dubochet, Le Chevalier et Cie (p. 615-616).
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terrain le fertilisent pour cinquante ans, soit terres à blé, soit terres à fourrages. (viii.). 4 Des marnes grasses la meilleure est la blanche. Il y a plusieurs espèces de marne blanche : la plus mordante est celle dont il vient d’être parlé ; l’autre espèce est la craie blanche qu’on emploie pour nettoyer l’argenterie (xxxv, 58) : on la prend à de grandes profondeurs ; les puits ont généralement cent pieds, l’orifice en est étroit ; dans l’intérieur, le filon, comme dans les mines, s’élargit. C’est celle que la Bretagne emploie surtout ; l’effet s’en prolonge pendant quatre-vingt ans, et il n’y a pas d’exemple d’un agriculteur qui en ait mis deux fois dans le cours de sa vie sur le même champ. La troisième espèce de marne blanche se nomme glissomarga ; c’est une craie à foulon, mêlée de terre grasse : elle vaut mieux pour les fourrages que pour les champs à blé ; de telle façon que, la moisson étant enlevée, on a, avant les semailles de la suivante, une très grande quantité de fourrages. 5 Tant qu’elle est couverte de blé, elle ne permet à aucune autre herbe de pousser ; l’effet en dure trente ans : si on en met trop, elle étouffe le sol comme le ferait le ciment de Sigulum (xxxv, 46). Les Gaulois donnent à la marne colombine, dans leur langue, le nom d’églécopala ; on la tire par blocs comme la pierre ; le soleil et la gelée la dissolvent tellement, qu’elle se fend en lamelles très minces ; elle est aussi bonne pour le blé que pour le fourrage. La marne sablonneuse s’emploie si on n’en a pas d’autre, mais dans les terrains humides quand même on en aurait d’autre. Les Ubiens sont, que nous sachions, les seuls qui, cultivant un sol très fertile, le bonifient, prenant à trois pieds de profondeur la première terre venue, et recouvrant le sol d’un pied de cette terre : cela ne dure pas plus de dix ans. Les Éduens et les Pictons ont rendu leurs champs très fertiles avec la chaux, qui, dans le fait, se trouve très utile aux oliviers et aux vignes. 6 Toute marne doit être jetée après le labourage, afin que le sol s’empare de l’engrais ; il faut y joindre un peu de fumier, car d’abord elle est trop âpre, du moins si ce n’est pas sur des prairies qu’on en répand ; autrement la marne, quelle qu’elle soit, nuirait au sol par sa nouveauté ; et, même avec toutes les précautions, elle ne rend le terrain fertile qu’après la première année. Il importe aussi de savoir à quel sol on la destine : sèche, elle va mieux à un sol humide ; grasse, à un terrain sec ; à un terrain qui tient le milieu, la craie ou la colombine convient.

V. (IX.)

1 Les cultivateurs de la Transpadane font un tel cas de la cendre, qu’ils la préfèrent au fumier des bêtes de somme ; ce fumier est très léger, ils le brident pour en faire de la cendre : cependant on ne se sert pas également de fumier et de cendre pour le même terrain ; on n’emploie pas non plus la cendre pour les vignobles sur arbres ni pour certaines céréales, comme nous l’avons dit (xvii, 2). Quelques personnes aussi pensent que la poussière est un aliment pour les raisins : elles en saupoudrent les grappes qui commencent à mûrir, et en jettent à la racine des vignes et des arbres ; c’est un usage constant dans la province Narbonnaise. La vendange de cette façon mûrit plus sûrement, parce que là la poussière contribue plus à la maturité que le soleil.

VI.

1 Il y a plusieurs espèces de fumier. L’usage en est antique. Déjà dans Homère (Od. xxiv, 225) le vieillard royal est représenté engraissant ainsi le sol de ses mains. La tradition rapporte que le roi Augias, en Grèce, imagina de s’en servir, et qu’Hercule répandit ce secret dans l’Italie, qui a cependant, à cause de cette invention, accordé l’immortalité à son roi Stercutus, fils de Faunus.



gues esse sentiuntur, ex his præcipua alba. Plura eius genera : mordacissimum quod supra diximus. Alterum genus albæ creta argentaria est. Petitur ex alto, in centenos pedes actis plerumque puteis, ore angusto, intus, ut in metallis, spatiante vena. Hac maxime Britannia utitur. Durat annis lxxx, neque est exemplum ullius, qui bis in vita hanc eidem iniecerit. Tertium genus candidæ glisomargam vocant. Est autem creta fullonia mixta pingui terra, pabuli quam frugum fertilior, ita ut messe sublata ante sementem alteram lætissimum secetur. Dum fruges, nullum aliud gramen emittit. 5 Durat xxx annis : densior iusto Signini modo strangulat solum. Columbinam Galliæ suo nomine eglecopalam appellant : glebis excitatur lapidum modo, sole et gelatione ita solvitur, ut tenuissimas bratteas faciat. Hæc ex æquo fertilis. Harenacea utuntur, si alia non sit ; in uliginosis vero, et si alia sit. Ubios gentium solos novimus, qui fertilissimum agrum colentes quacumque terra infra pedes tres effossa et pedali crassitudine iniecta lætificent. Sed ea non diutius annis x prodest. Ædui et Pictones calce uberrimos fecere agros, quæ sane et oleis, et vitibus utilissima reperitur. Omnis autem marga arato inicienda est. Ut medicamentum rapiatur, et fimi desiderat quantulumcumque, primo plus aspera et quæ in herbas non effunditur ; alioquin novitate quæcumque fuerit solum lædet, ne sic quidem primo anno fertilis. Interest et quali solo quæratur. Sicca enim umido melior, arido pinguis. Temperato alterutra, creta vel columbina, convenit.

V. (ix.)

1 Transpadanis cineris usus adeo placet, ut anteponant fimo iumentorumque, quod levissimum est, ob id exurant. Utroque tamen pariter non utuntur in eodem arvo, nec in arbustis cinere nec quasdam ad fruges, ut dicemus. Sunt qui pulvere quoque uvas ali iudicent pubescentesque pulverent et vitium arborumque radicibus adspergant. Quod certum est, Narbonensi provinciæ et vindemias circius sic coquit, plusque pulvis ibi quam sol confert.

VI.

1 Fimi plures differentiæ, ipsa res antiqua. Iam apud Homerum regius senex agrum ita lætificans suis manibus reperitur. Augeas rex in Græcia excogitasse traditur, divulgasse vero Hercules in Italia, quæ regi suo Stercuto Fauni filio ob hoc inventum inmortalitatem tribuit. M. Varron (De re rust., i, 38) donne le premier rang à la fiente des grives de volière ; il la vante comme profitable non seulement au champ, mais encore aux bœufs et aux porcs, qui en engraissent plus promptement. Il y a lieu de bien augurer de nos mœurs, si chez nos ancêtres les volières ont été assez grandes pour fournir des engrais à la campagne. 2 Columelle (De re rust., ii, 15) met au rang suivant la fiente de pigeon, puis celle de poule. Il condamne telle des oiseaux aquatiques. Les autres auteurs s’accordent pour regarder comme le premier des engrais le résidu des repas humains. D’autres préfèrent le superflu de la boisson, dans lequel on fait macérer le poil des ateliers de corroyeurs. D’autres emploient le liquide seul, mais ils y mêlent de l’eau, et même en plus grande quantité qu’on n’en mêle au vin dans les repas ; car il y a là plus à corriger, attendu qu’au vice communiqué par le vin se joint le vice communiqué par l’homme. Tels sont les moyens que les hommes emploient à l’envi pour alimenter la terre même. On recherche ensuite les excréments des pourceaux ; Columelle est le seul qui les rejette. D’autres estiment le fumier de tout animal nourri avec le cytise. Quelques-uns préfèrent celui de pigeon. 3 Vient ensuite celui des chèvres, puis celui des moutons, puis celui des bœufs ; en dernier lieu, celui des bêtes de somme. Telles sont les différences établies par les ancien entre les fumiers, telles les règles pour s’en servir, comme je les trouve ; car ici encore il vaut mieux suivre l’antiquité. Dans quelques provinces très riches en bestiaux, on a vu le fumier, passé au crible comme de la farine, perdre par l’effet du temps l’odeur et l’aspect repoussants qu’il avait, et prendre même quelque chose d’agréable Dans ces derniers temps, on a reconnu que les oliviers aimaient surtout la cendre des fours à eaux. 4 Aux règles anciennes Varron (De re rust. i, 38) a ajouté qu’il faut engraisser les terres à blé avec le fumier de cheval, qui est le plus léger ; et les prairies avec un fumier plus lourd provenant de bêtes nourries d’orge, et propre à fournir beaucoup d’herbe. Quelques-uns même préfèrent le fumier des bêtes de somme à celui des bœufs, le fumier de mouton à celui de chèvre, et à tout celui d’âne, parce que cet animal mange le plus lentement. L’expérience prononce contre Varron et Columelle ; mais tous les auteurs s’accordent pour dire que rien n’est plus utile que de tourner avec la charrue ou avec la bêche, ou d’arracher avec la main, use récolte de lupin avant que la gousse soit formée, et de l’enfouir au pied des arbres et des vignes. On croit même, dans les lieux où il n’y a pas de bétail, pouvoir fumer le sol avec le chaume, ou, au pis aller, avec la fougère. 5 « Vous ferez du fumier, dit Caton (De re rust., xxxvii) avec la litière, le lupin, la paille, les fèves, les feuilles d’yeuse et de chêne ; arrachez de la terre à blé l’hyèble, la ciguë, et dans les saussaies l’herbe qui monte et le jonc : de cela et des feuilles qui pourrissent faites de la litière pour les moutons. Si la vigne est maigre, brûlez-en les sarments, et labourez le terrain ; et quand vous êtes sur le point (De re rust., xxx) de semer le froment dans un champ, faites y parquer les moutons. »

VII.

1 Caton dit encore (De re rust. xxxvii) : Il y a des récoltes qui engraissent le sol : les terres à blé sont fumées par le lupin, la fève, la vesce. Une action contraire est exercée par le pois chiche, à cause qu’on l’arrache et qu’il est salé, par l’orge, le fenugrec et l’ers ; ces plantes brûlent la terre à blé, ainsi que toutes celles



M. Varro principatum dat turdorum fimo ex aviariis, quod etiam pabulo boum suumque magnificat neque alio cibo celerius pinguescere adseverat. De nostris moribus bene sperare est, si tanta apud maiores fuere aviaria, ut ex his agri stercorarentur. 2 Proximum Columella e columbariis, mox gallinariis facit, natantium alitum damnato. Ceteri auctores consensu humanas dapes ad hoc in primis advocant. Alii ex his præferunt potus hominum in coriariorum officinis pilo madefacto, alii per sese aqua iterum largiusque etiam, quam cum bibitur, admixta. Quippe plus ibi mali domandum est, cum ad virus illud vini homo accesserit. Hæc sunt certamina, invicemque ad tellurem quoque alendam aluntur homines. Proxime spurcitias suum laudant, Columella solus damnat. Alii cuiuscumque quadripedis ex cytiso, aliqui columbaria præferunt. 3 Proximum deinde caprarum est, ab hoc ovium, dein boum, novissimum iumentorum. Hæ fuere apud priscos differentiæ, simulque præcepta (ut invenio) recenti utendi, quando et hic vetustas utilior ; visumque iam est apud quosdam provincialium inveteratum, abundante geniali copia pecudum, farinæ vice cribris superinici, fætore aspectuque temporis viribus in quandam etiam gratiam mutato. Nuper repertum oleas gaudere maxime cinere e calcariis fornacibus.) 4 Varro præceptis adicit equino, quod sit levissimum, segetes alendi, prata vero graviore et quod ex hordeo fiat multasque gignat herbas. Quidam etiam bubulo iumentorum præferunt ovillumque caprino, omnibus vero asininum, quoniam lentissime mandant. E contrario usus adversus utrumque pronuntiat. Inter omnes autem constat nihil esse utilius lupini segete, priusquam siliquetur, aratro vel bidentibus versa manipulisve desectæ circa radices arborum ac vitium obrutis. Et ubi non sit pecus, culmo ipso vel etiam felice stercorare arbitrantur. 5 Cato : Stercus unde facias, stramenta, lupinum, paleas, fabalia ac frondis iligneam querneam. Ex segete evellito ebulum, cicutam et circum salicta herbam altam ulvamque. Eam substernito ovibus, bubusque frondem putidam. Vinea si macra erit, sarmenta sua comburito et indidem inarato : Itemque ubi saturus eris frumentum, oves ibi delectato.

VII.

Nec non et satis quibusdam ipsis pasci terram dicit : segetem stercorant fruges : lupinum, faba, vicia ; sicut e contrario : cicer, quia vellitur et quia salsum est, hordeum, fenum Græcum, ervum, hæc omnia segetem exurunt,