Histoire naturelle (trad. Littré)/XVII/3

Traduction par Émile Littré.
Dubochet, Le Chevalier et Cie (p. 611-614).
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meilleure exposition est connexe pour les vignes et les arbres qui les portent. Virgile, (Georg., II, 398) condamne l’exposition au couchant ; d’autres la préfèrent à celle du levant. Je remarque que plusieurs approuvent celle du midi, et je ne pense pas qu’il y ait à cet égard aucun précepte absolu à donner. La nature du sol, le caractère du lieu, les influences du ciel, doivent diriger l’industrie du cultivateur. 9 En Afrique, l’exposition des vignobles au midi est nuisible à la vigne et insalubre pour le vigneron ; c’est que cette contrée est dans la zone méridionale : aussi celui qui là tournera ses plantations au couchant ou au nord combinera le mieux l’action du sol avec celle du ciel. Quand Virgile condamne le couchant, il n’est pas douteux que la condamnation du nord y est implicitement renfermée ; et cependant, dans l’Italie cisalpine, les vignobles sont en grande parte exposés au nord, et l’expérience a appris qu’il n’en est pas de plus productifs. 10 La considération des vents est importante aussi. Dans la province Narbonnaise, dans la Ligurie et une partie de l’Étrurie, on regarda comme inhabile celui qui plante sous le vent Circus (ii, 46), et comme habile celui qui choisit une exposition oblique à ce vent : c’est lui en effet qui tempère l’été dans ces contrées ; mais la violence en est d’ordinaire si grande, qu’il enlève les toits (iii.). Quelques-uns subordonnent le ciel au sol : quand ils plantent un vignoble dans un lieu sec, ils l’exposent au levant et au nord ; dans un lieu humide, au midi. On emprunte aux variétés mêmes de la vigne des motifs d’élection : on plante des vignes précoces dans les expositions froides, afin que le raisin en mûrisse avant le froid ; 1 les fruits et les vignes qui haïssent la rosée, on les expose au levant, afin que le soleil emporte aussitôt cette humidité les fruits et les vignes qui aiment la rosée, on les expose au couchant ou même au nord, afin qu’ils en jouissent plus longtemps. La plupart, se bornant à suivre la nature, ont conseillé d’exposer les vignes et les arbres au nord-est ; Démocrite pense que de cette façon le fruit devient plus odorant. (iv.) Nous avons parlé, dans le second livre, du vent du nord-est et des autres vents (ii, 46 et 47) ; dans le livre suivant nous parlerons de plusieurs phénomènes célestes : en attendant, ce qui paraît probant en faveur de la salubrité de l’exposition au nord-est, c’est que les arbres exposés au midi perdent toujours leurs feuilles avant les autres. 12 Une cause semblable agit sur les contrées maritimes. En certaines localités les vents de mer sont nuisibles, dans la plupart ils sont utiles. Certaines plantations se plaisent à apercevoir la mer de loin, mais on ne gagne rien à les en approcher davantage. Même influence est celle des fleuves et des étangs ; ils brûlent par les brouillards qui s’en échappent, ou rafraichissent les ardeurs trop grandes. Nous avons dit (xvi, 30 et 31) quels végétaux aimaient l’ombre et même le froid. En conséquence, c’est à l’expérience qu’il faut surtout se fier.

III.

1 Après le ciel vient la terre, dont il n’est pas plus facile d’exposer les influences. Rarement le même terroir convient aux arbres et aux céréales, et même la terre noire, telle qu’on la trouve dans la Campanie, n’est pas partout ce qu’il y a de mieux pour les vignes ; non plus que la terre d’où sortent des exhalaisons légères ; non plus que la terre rouge, préconisée par beaucoup d’auteurs. Le terroir crétacé dans le territoire d’Alba Pompéia (iii, 17) et l’argile sont préférés pour les vignes à tous les autres, quoique ce soient des sols très gras ; ce qu’on ne veut pas pour la



non statim auferente eas sole. 8 Conexa et situs vinearum arbustorumque ratio est, quas in horas debeant spectare. Vergilius ad occasus seri damnavit, aliqui sic maluere quam in exortus. A pluribus meridiem probari adverto, nec arbitror perpetuum quicquam in hoc præcipi posse. Ad soli naturam, ad loci ingenium, ad cæli cuiusque mores dirigenda sollertia est. In Africa meridiem vineas spectare et viti inutile et colono insalubre est, quoniam ipsa meridianæ subiacet plagæ, quapropter ibi, qui in occasum aut septentriones conseret, optime miscebit solum cælo. Cum Vergilius occasus improbet, nec de septentrione relinqui dubitatio videtur. Atqui in cisalpina Italia magna ex parte vineis ita positis compertum est nullas esse fertiliores. 10 Multum rationis optinent et venti. In Narbonensi provincia atque Liguria et parte Etruriæ contra circium serere imperitia existimatur, eundemque oblicum accipere providentia. Is namque æstates ibi temperat, sed tanta plerumque violentia, ut auferat tecta. (iii.) Quidam cælum terræ parere cogunt, ut, quæ in siccis serantur, orientem ac septentriones spectent, quæ in umidis, meridiem. Nec non ex ipsis vitibus causas mutuantur, in frigidis præcoces serendo, ut maturitas antecedat algorem. 11 Quæ poma vitesque rorem oderint, contra ortus, ut statim auferat sol, quæ ament, ad occasus vel etiam ad septentriones, ut diutius eo fruantur. Cæteri fere rationem naturæ secuti in aquilonem obversas vites et arbores poni suasere. Odoratiorem etiam fieri talem fructum Democritus putat. (iv.) Aquilonis situm ventorumque reliquorum diximus secundo volumine dicemusque proximo plura cælestia. Interim manifestum videtur salubritatis argumentum, quoniam in meridiem etiam spectantium semper ante decidunt folia. Similis et in maritimis causa. 12 Quibusdam locis adflatus maris noxii, in plurimis iidem alunt. Quibusdam satis e longinquo aspicere maria iucundum, propius admoveri salis halitum inutile. Similis et fluminum stagnorumque ratio. Nebulis adurunt aut æstuantia refrigerant. Opacitate atque etiam rigore gaudent quæ diximus. Quare experimentis optime creditur.

III.

1 A cælo proximum est terræ dixisse rationem, haud faciliore tractatu, quippe non eadem arboribus convenit et frugibus plerumque, nec pulla, qualem habet Campania, ubique optima vitibus, aut quæ tenues exhalat nebulas, nec rubrica multis laudata. Cretam in Albensium Pompeianorum agro et argillam cunctis ad vineas vigne. D’un autre côté, le sable blanc dans le territoire du Tésin, le sable noir en plusieurs lieux, et le sable ronge, même mélangés avec une terre grasse. sont improductifs. 2 Souvent aussi les signes d’après lesquels on juge sont trompeurs. Un sol que des arbres élevés décorent n’est pas toujours un sol favorable, si ce n’est pour ces arbres. Qu’y a-t-II de plus grand que le sapin, et quel autre végétal pourrait vivre dans le même lieu ? Les prés verdoyants ne sont pas non plus toujours l’indice d’un sol gras : quoi de plus renommé que les pâturages de la Germanie ? Cependant il n’y a qu’une couche très mince de terre, et aussitôt on trouve le sable. La terre qui produit de grandes herbes n’est pas toujours humide, pas plus, certes, que n’est toujours grasse celle qui adhère aux doigts ; ce que prouve l’argile. 3 Aucune terre rejetée et foulée dans le trou qu’on vient de faire ne le remplit cette expérience ne peut donc en indiquer la densité ou la rareté. De même, toute terre rouille le fer. On ne peut déterminer la pesanteur ou la légèreté de la terre en la rapportant à un poids donné. Quel serait en effet ce poids auquel on la rapporterait ? Les alluvions des fleuves ne sont pas toujours louables, car il est des plantes dont l’eau hâte la vieillesse ; et même la bonne terre d’alluvion n’est longtemps bonne que pour le saule. Parmi les indices de la bonté de la terre, on compte la grosseur du chaume, qui est telle dans le Labour, contrée célèbre de la Campanie, qu’on s’en sert en guise de bois ; mais ce même sol, partout dur à labourer, difficile à cultiver, fatigue pour ainsi dire plus le cultivateur par ses qualités qu’il ne le fatiguerait par ses défauts. 4 La terre qu’on nomme charbonnée passe pour être susceptible de s’amender avec des plants de vigne maigre. Le tuf (xxxvi, 48), naturellement raboteux et friable, est recommandé par certains auteurs. Virgile (Géorg., ii, 189) ne condamne pas pour la vigne la terre qui porte de la fougère. On confie avec sûreté à des terres salées bien des plantes, vu qu’elles sont plus à l’abri de la pullulation des insectes nuisibles. Les coteaux, si on sait les fouir, ne laissent pas le travail sans récompense ; toutes les plaines ne sont pas moins accessibles qu’il n’est besoin aux rayons du soleil et aux vents. Certaines vignes, avons-nous dit (xiv, 4, 12), s’alimentent par les gelées blanches et les brouillards. En toute chose il est des secrets profondément cachés ; c’est à l’intelligence de chacun à les pénétrer. 5 Bien plus, ne voit-on pas changer des localités depuis longtemps jugées et éprouvées ? En Thessalie, dans les environs de Larisse, le dessèchement d’un lac rendit la contrée plus froide, et les oliviers, qui y poussaient autrefois, cessèrent d’y venir ; l’Hèbre s’étant rapproché d’Aenos, cette localité vit ses vignes se geler, ce qui n’arrivait pas auparavant. Dans les environs de Philippes, le pays ayant été séché par la culture, l’état du climat fut changé. Dans le territoire de Syracuse, un agriculteur étranger, ayant épierré son champ, perdit sa récolte par le limon, et il lui fallut reporter les pierres. En Syrie, le soc de la charrue est léger, et on ne fait qu’un sillon superficiel, parce qu’au-dessous est une roche qui en été brûle les semences. 6 Suivant les lieux, les effets d’une chaleur excessive et du froid sont semblables : la Thrace est fertile en grains par l’influence du froid ; l’Afrique et l’Égypte, par l’influence du chaud. A Chalcia (v, 36), île appartenant aux Rhodiens, est un lieu tellement fécond, qu’après y avoir récolté l’orge semée à l’époque ordinaire, on en fait immédia-



ribus anteponunt, quamquam præpingues, quod excipitur in eo genere. Invicem sabulum album in Ticiniensi multisque in locis nigrum itemque rubrum, etiam pingui terræ permixtum, infecundum est. 2 Argumenta quoque iudicantium sæpe fallunt. Non utique lætum solum est, in quo proceræ arbores nitent, præterquam illis arboribus. Quid enim abiete procerius ? at quæ vixisse possit alia in loco eodem ? nec luxuriosa pabula pinguis soli semper indicium habent. Nam quid laudatius Germaniæ pabulis ? at statim subest harena tenuissimo cæspitum corio. Nec semper aquosa est terra, cui proceritas herbarum, non, Hercules, magis quam pinguis, adhærens digitis, quod in argillis arguitur. 3 Scrobes quidem regesta in eos nulla conplet, ut densa atque rara ad hunc modum deprehendi possit, ferroque omnis rubiginem obducit. Nec gravis aut levior iusto deprehenditur pondere. Quod enim pondus terræ iustum intellegi potest ? neque fluminibus adgesta semper laudabilis, quando senescant sata quædam aqua. Sed neque illa, quæ laudatur, diu præterquam salici utilis sentitur. Inter argumenta stipulæ crassitudo est, tanta alioqui in Leborino Campaniæ nobili campo, ut ligni vice utantur. Sed id solum ubicumque arduum opere, difficili cultu, bonis suis acrius pæne, quam vitiis posset, adfligit agricolam. 4 Et carbunculus, quæ terra ita vocatur, emendari intenta cura videtur. Nam tofus naturæ friabilis expetitur quoque ab auctoribus. Vergilius et quæ felicem ferat non inprobat vitibus. Salsæque terræ multa melius creduntur, tutiora a vitiis innascentium animalium. Nec colles opere nudantur, si quis perite fodiat, nec campi omnes minus solis atque perflatus, quam opus sit, accipiunt, et quasdam pruinis ac nebulis pasci diximus vites. Omnium rerum sunt quædam in alto secreta et suo cuique corde pervidenda. 5 Quid quod mutantur sæpe iudicata quoque et diu comperta ? in Thessalia circa Larisam emisso lacu frigidior facta ea regio est, oleæque desierunt, quæ prius fuerant, item vites aduri, quod non antea, Ænos sensit admoto Hebro, et circa Philippos cultura siccata regio mutavit cæli habitum. At in Syracusano agro advena cultor elapidato solo perdidit fruges luto, donec regessit lapides. In Syria levem tenui sulco inprimunt vomerem, quia subest saxum exurens æstate semina. 6 Jam in quibusdam locis similes æstus inmodici et frigorum effectus. Est fertilis Thracia frugum rigore, æstibus Africa et Ægyptus. In Chalcia Rhodiorum insula locus quidam est in tantum fecundus, ut suo tempore satum demetant hordeum sublatumque proti- tement une nouvelle semaille, qu’on récolte en même temps que les autres grains. Un sol graveleux dans le territoire de Vénafre, un sol très gras dans la Bétique, conviennent parfaitement aux oliviers. Les vins de Pucinum (xiv, 8, 1) mûrissent sur la roche ; les vignes du Cécube sont humectées par les marais Pontins (iii, 9). Tant sont grandes la variété des expériences et les différences du sol ! 7 César Vopiscus, plaidant sa cause devant les censeurs, dit que les champs de Roséa (iii, 17) étaient le terroir le plus fertile de l’Italie, et qu’une perche qu’on y laisse est le lendemain recouverte par l’herbe ; mais on ne les estime que comme pâturages. Cependant la nature n’a pas voulu que nous n’apprissions rien, et elle a manifesté les défauts la même où elle ne manifeste pas les qualités. En conséquence, commençons par les signes de réprobation.

(v.)

8 Veut-on savoir si une terre est amère ou maigre ? on le reconnaît aux herbes noires et chétive qu’elle produit : on reconnaît une terre froide à des productions rabougries ; une terre humide, a des productions malheureuses ; à l’œil la terre rouge et la terre argileuse, qui sont très difficiles à travailler, et qui chargent de mottes énormes les socs et les pioches : toutefois ne croyez pas que ce qui rend le travail pénible rende aussi le produit moindre. L’œil reconnaît de même un sol mêlé de cendre et de sable blanc. La terre stérile et dense se reconnaît facilement à sa dureté ; il suffit d’un coup de pioche. Caton (De re rust. II), brièvement et à sa manière, caractérise les vices des terrains : « Prenez garde à une terre cariée, ne l’ébranlez pas en y menant des chariots ou des troupeaux. » 9 Par cette expression qu’a-t-il entendu de si redoutable, qu’il défende presque de mettre le pied sur ce sol ? Reportons-nous à la carie du bois, et nous trouverons que ces vices si détestés sont ceux d’un terrain aride, crevassé, raboteux, blanchâtre. vermoulu, poreux. Caton a plus dit en un seul mot que ne pourrait exprimer un long discours. En effet, si l’on se rend compte des défauts des terrains, on voit qu’il est des terres vieilles non par l’âge [on ne peut concevoir d’âge à la terre], mais naturellement, et dès lors improductives et impuissantes pour toute chose. 10 Le même auteur (De re rust. i) regarde comme le meilleur terrain celui qui, situé au pied d’une montagne, s’étend en plaine du côté du midi : exposition qui est celle de l’Italie entière (iii, 6). D’après Caton (De re rust. cli.) la terre noire est tendre ; or la terre tendre est la meilleure pour la culture et pour les céréales. Qu’on veuille bien comprendre seulement tout ce que signifie cette expression merveilleuse de tendre, et l’on y trouvera tout ce qu’on peut désirer : la terre tendre a une fertilité tempérée, la terre tendre est d’une culture commode et facile ; elle n’est pas détrempée, elle n’est pas desséchée ; elle est brillante après le passage du soc, telle qu’Homère, source où puisent tous les génies, la dépeint ciselée par le dieu sur les armes d’Achille, ajoutant, chose merveilleuse ! qu’elle noircit, quoique représentée en or (Il., xviii, 548). C’est elle qui, fraîchement retournée, attire les oiseaux gourmands compagnons de la charrue, et les corbeaux qui vont becquetant les pas mêmes du laboureur. 11 Rappelons ici une sentence du luxe, qui n’est pas non plus hors de propos. Cicéron, cet autre flambeau de la littérature, a dit : « Meilleur est un parfum ayant le goût de terre qu’un parfum ayant le goût de safran (xiii, 4). » Il a mieux aimé dire le goût que l’odeur. Disons de même : la meilleure



nus serant et cum aliis frugibus metant. Glareosum oleis solum aptissimum in Venafrano, pinguissimum in Bætica. Pucina vina in saxo cocuntur, Cæcubæ vites in Pomtinis paludibus madent. Tanta est argumentorum ac soli varietas ac differentia ! 7 Cæsar Vopiscus, cum causam apud censores ageret, campos Rosiæ dixit Italiæ sumen esse, in quibus perticas pridie relictas gramen operiret, sed non nisi ad pabulum probantur. Non tamen indociles natura nos esse voluit, et vitia confessa fecit etiam ubi bona certa non fecerat. Quamobrem primum crimina dicemus.

V

(v.) 8 Terram amaram [probaverim] demonstrant eius atræ degeneresque herbæ, frigidam autem retorride nata, item uliginosam tristia, rubricam oculi argillamque, operi difficillimas quæque rastros aut vomeres ingentibus glæbis onerent, quamquam non quod operi, hoc et fructui adversum ; item e contrario cineraceam et sabulum album. Nam sterilis denso callo facile deprehenditur vel uno ictu cuspidis. Cato breviter atque ex suo more vitia determinat : Terram cariosam cave, neve plaustro neve pecore inpellas. 9 Quid putamus hac appellatione ab eo tantopere reformidari, ut pæne vestigiis quoque interdicat ? redigamus ad ligni cariem, et inveniemus illa, quæ in tantum abominatur, vitia aridæ, fistulosæ, scabræ, canescentis, exesæ, pumicosæ. Plus dixit una significatione quam possit ulla copia sermonis enarrari. Est enim interpretatione vitiorum quædam non ætate (quæ nulla in ea intellegi potest), sed natura sua anus terra, et ideo infecunda ad omnia atque inbecilla. 10 Idem agrum optimum iudicat ab radice montium planitie in meridiem excurrente, qui est totius Italiæ situs, terram vero teneram, quæ vocetur pulla. Erit igitur hæc optima et operi et satis. Intellegere modo libeat dictam mira significatione teneram, et quidquid optari debet, in eo vocabulo invenietur. Illa temperatæ ubertatis, illa mollis facilisque culturæ, nec madida nec sitiens. Illa post vomerem nitescens, qualem fons ingeniorum Homerus in armis a deo cælatam dixit addiditque miraculum nigrescentis, quamvis fieret ex auro. Illa quam recentem exquirunt inprobæ alites vomerem comitantes corvique aratoris vestigia ipsa rodentes. 11 Reddatur hoc in loco luxuriæ quoque sententia et aliqua in propositum. Certe Cicero, lux doctrinarum altera, Meliora, inquit, unguenta sunt quæ terram, quem quæ crocum sapiunt. Hoc enim maluit dixisse quam redolent. terre est celle qui a un goût de parfum. Si l’on nous demande quelle est l’odeur de la terre, nous répondrons : L’odeur que l’on recherche est celle qui se fait souvent sentir, le sol n’étant pas remué, au moment du coucher du soleil, dans le lieu ou l’arc-en-ciel a placé ses extrémités (xii, 52), et quand, après une sécheresse continue, la pluie a humecté la terre : alors elle exhale cette haleine divine qui est à elle, qu’elle a conçue du soleil, et à laquelle nul arome ne peut être comparé. C’est cette odeur que, remuée, elle devra répandre ; trouvée, jamais elle ne trompe, et l’odeur est le meilleur indice de la qualité de la terre. Telle est d’ordinaire celle qu’exhale le terrain sur lequel on a abattu une ancienne forêt, et dont on s’accorde à louer la bonté. 12 Dans la culture des céréales, la même terre rapporte davantage toutes les fois qu’on l’a laissée reposer. On ne laisse pas reposer les vignes ; aussi faut-il choisir avec plus de soin le terroir pour les vignobles, si l’on ne veut pas denier de la vérité à l’opinion de ceux qui retardent le terrain de l’Italie comme déjà fatigué. En certaines qualités de terre, la culture est facilitée aussi par le ciel. Il est des terres qu’on ne peut labourer après la pluie ; la qualité qui les fait fertiles les rend alors gluantes. Au contraire, dans le Byzacium (v, 3 ; xviii, 21), région de l’Afrique, cette campagne qui rend cent cinquante grains pour un, et que des taureaux, quand elle est sèche, ne peuvent labourer, nous l’avons vue, après la pluie, fendue par un âne chétif, tandis que, de l’autre côté, une vieille femme dirigeait le soc. Quant à amender le terroir, comme quelques-uns le recommandent, en jetant une terre grasse sur une terre légère, ou une terre maigre et absorbante sur une terre humide et très grasse. C’est une opération insensée : que peut espérer un homme qui cultive un pareil sol ?

IV. (VI.)

1 Autre est la méthode que la Gaule et la Bretagne ont inventée, et qui consiste à en graisser la terre avec la terre ; celle-ci se nomme marne. Elle passe pour renfermer plus de principes fécondants. C’est une espèce de graisse terrestre comparable aux glandes dans le corps, et qui se condense en noyau. (vii..) Les Grecs n’ont pas non plus omis ce procédé. De quoi en effet n’ont-ils pas parlé ? Ils nomment leucargille une argile blanche qu’on emploie dans le territoire de Mégare, mais seulement pour les terroirs humides et froids. 2 Il convient de traiter avec soin de cette marne, qui enrichit la Gaule et la Grande-Bretagne. On n’en connaissait que deux espèces ; mais récemment l’usage de plusieurs espèces a été introduit par les progrès de l’agriculture. Il y a en effet la blanche, la rousse, la colombine, l’argileuse, la tophacée, la sablonneuse. On y distingue deux propriétés : la marne est rude ou grasse ; l’épreuve s’en fait à la main. L’emploi en est double : on s’en sert ou pour la production des céréales seulement, ou pour celle des fourrages. La marne tophacée alimente les céréales, ainsi que la blanche (5) : si elle a été trouvée entre des fontaines, elle est d’une fécondité infinie ; mais, âpre au toucher, elle brûle le sol si on en met trop. 3 La suivante est la rousse, que l’on nomme acaunumarga ; c’est une pierre mêlée dans une terre menue et sablonneuse ; on pile la pierre sur le terrain même, et pendant les premières années on coupe difficilement le blé, à cause des pierres ; toutefois, comme elle est légère, cette marne coûte de transport moitié moins cher que les autres. On la sème clair ; on pense qu’elle est mélangée de sel. Ces deux espèces une fois mises sur un



Ita est profecto, illa erit optima quæ unguenta sapiat. Quod si admonendi sumus, quales sit terræ odor ille qui quæritur, contingit sæpe etiam quiescente ea sub occasum solis, in quo loco arcus cælestes deiecere capita sua, et cum a siccitate continua immaduit imbre. Tunc emittit illum suum halitum divinum ex sole conceptum, cui conparari suavitas nulla possit. Is esse e commota debebit repertusque neminem fallet, ac de terra odor optime iudicabit. Tales fere est in novalibus cæsa vetere silva, quæ consensu laudatur. 12 Et in frugibus quidem ferendis eadem terra utilior intellegitur, quotiens intermissa cultura quievit, quod in vineis non fit, eoque est diligentius eligenda, ne vera existat opinio eorum, qui iam Italiæ terram existimavere lassam. Operis quidem facilitas in aliis generibus constat et cælo, nec potest arari post imbres aliqua, ubertatis vitio lentescens. Contra in Byzacio Africæ illum centena quinquagena fruge fertilem campum nullis, cum siccum est, arabilem tauris, post imbres vili asello et a parte altera iugi manu vomerem trahente vidimus scindi. Terram enim terra emendandi, ut aliqui præcipiunt, super tenuem pingui iniecta aut gracili bibulaque super umidam ac præpinguem, dementis operæ est. Quid potest sperare qui talem colit ?

IV. (vi.)

1 Alia est ratio, quam Britanniæ et Galliæ invenere, alendi eam ipsa, genusque, quod vocant margam. Spissior ubertas in ea intellegitur. Est autem quidam terræ adeps ac velut glandia in corporibus, ibi densante se pinguitudinis nucleo (vii.). Non omisere et hoc Græci : quid enim intemptatum illis ? Leucargillon vocant candidam argillam, qua in Megarico agro utuntur, sed tantum in umida frigidaque terra. 2 Illam Gallias Britanniasque locupletantem cum cura dici convenit. Duo genera fuerant, plura nuper exerceri coepta proficientibus ingeniis. Est enim alba, rufa, columbina, argillacea, tofacea, harenacea. Natura duplex, aspera aut pinguis ; experimenta utriusque in manu. Usus æque geminus, ut fruges tantum alant aut eædem et pabulum. 3 Fruges alit tofacea albaque, si inter fontes reperta est, ad infinitum fertilis, verum aspera tractatu ; si nimia iniecta est, exurit solum. Proxima est rufa, quæ vocatur acaunumarga, intermixto lapide terræ minutæ, harenosæ. Lapis contunditur in ipso campo, primisque annis stipula difficulter cæditur propter lapides ; inpendio tamen minima levitate dimidio minoris, quam ceteræ, invehitur. Inspergitur rara ; sale eam misceri putant. Utrumque hoc genus semel iniectum in l annos valet et frugum et pabuli ubertate. (viii.) 4 Quæ pin-