(sous le pseudonyme de Merlin Coccaie)
Adolphe Delahays (p. 109-131).

LIVRE SEPTIEME.


Que la presence et grande authorité de nos peres se repose icy presentement, lesquels pensent avoir seuls mangé Minerve, et neantmoins sont plus fols que cent mille poulains : je prie iceux ne vouloir desdaigner d’escouter nostre Comine ; laquelle, jurant avoir eu un vieil mary, et l’avoir de jaloux rendu tout capricieux, ayant Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/172 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/173 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/174 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/175 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/176 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/177 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/178 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/179 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/180 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/181 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/182 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/183 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/184 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/185 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/186 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/187 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/188 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/189 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/190 n’avoir pas achepté de Zambelle ceste merde dont il se plaint, pourquoy done Zambelle est-il prisonnier ? Penses-tu, traistre, ainsi prandre au trebuchet un bon homme ? Penses-tu ainsi vendre ton fenoüil à tes citoyens ? Mais j’ay trop tenu couvertes tes meschancetez. Ne sçais-je pas bien (et en ay des tesmoings assez) que tu as falsifié tes poids et mesures, et que tes balances ne sont justes ? Ne vends-tu pas, meschant, des crottes de chien, et de chevre, au lieu de diaculon, et au lieu de pillule de tribus ? Au lieu de bonnes drogues, tu n’en vends que de meschantes. Je m’en vais au Palais, je te feray soudain adjourner, et te prepare de respondre à plus de cent tesmoings, qui meritent aussi bien que moy qu’on leur adjouste foy. Corps D…, mais je ne veux pas blasphemer. Enfin je feray saccager ta boutique, poltron, et maroufle que tu es ! As-tu ainsi pensé à t’enrichir aux despens d’un pauvre homme ? » Pendant que Cingar tenoit tels propos, tout le monde s’assembloit autour d’eux, et puis feint de s’en aller droit au Palais. Mais une peur chiarde prend incontinent l’Apoticaire, et plus viste que sa scammonée n’opere en un paysan, il ne sçait ce qu’il doit faire, il se voit perdu s’il n’y donne ordre de bonne heure. Il s’asseure bien n’avoir jamais eu de fausses balances ; toutesfois, il est en grand esmoy, et le soucy luy ouvre l’entendement. Il va après Cingar et l’appelle ainsi : « Attends un peu, je te prie, ô compagnon ! » Mais Cingar fait l’oreille de marchant. L’Apoticaire crie plus fort : « Hola, frere, demeure, que je te die seulement, je te prie, trois mots ! » Cingar se tourne et luy demande ce qu’il veut. L’autre, faisant la chattemite, le prie, et supplie et luy dit : Hé quoy ! mon compagnon, mon amy, que pensez-vous gaigner, quand vous m’aurez fait perdre mon bien et ma vie ? Ha ! pour l’amour de Dieu, et que la Fortune vous sauve et garde, ne veuillez m’accuser de telles choses, et principalement en ce temps, auquel vous voyez tant de loups, ayans la gueule ouverte pour devorer un chacun miserablement. Je te donneray quelque argent, et ne poursuivray plus le paysant touchant sa merde couverte de miel ; au contraire, je te jure et promets que je le feray sortir de prison. » Cingar luy respond : « Certes, tu t’es eschappé d’un grand peril ; car, de droit, tu eusses perdu toute ta boutique, et peut-estre que le juge t’eust condamné à la mort. Je te remets toutesfois ceste faute, moyennant que tu gardes ta promesse que tu me viens de faire, et qu’à tes despens tu tires le bon homme hors de prison. — J’en suis content, dit l’Apoticaire. » Et là-dessus, ce pauvre lourdeau met la main à la bourse, et la vuide de tout ce qu’estoit dedans, le baillant à Cingar, qui le prend très-bien, en le refusant quelque peu, après l’avoir en sa main, à la façon des medecins[1] ; et s’en vont ensemble à la prison commune, et non celle de la tour. Zambelle, advisant Cingar, soudain accourt, et tout joyeux s’en vient aux grilles de la fenestre, et l’appelle, le priant le vouloir aider. Cingar lui dit : « Tais toy, tais toy, parle bas, fol, et te tiens joyeux. Car, tout à ceste heure, moy seul, te feray sortir de là, et je ne crains point de despendre mon argent pour toy, et en ay desjà beaucoup deboursé. Cet homme qui est icy venu avec moy, et qui t’a battu à tort, affermera et jurera devant le monde avoir usé d’une menterie, quand il a dit que des bouges de vache, qu’il avoit achetées pour quelque peu de deniers, estoient de la fiante humaine. — Mais, dit Zambelle, telle purgation intestinale nous apporte bien de l’incommodité ; toutefois je voudrois estre payé de celle qu’il m’a fait perdre. Dis-moy, Cingar, porteray-je encore cette grand’perte ? » Cingar lui respond : « Repose-toy sur moy pour telle chose ; je te promets que tu en auras quatre barils bien pleins. Adieu, je m’en vais, tu sortiras maintenant. O, Apoticaire, allons à l’auditoire ! » Ainsi s’en vont, et ayant eu audience, Cingar prouve tout ce qu’il veut, jure, afferme et allegue cent mille menteries, et fait tant qu’il fait sortir Zambelle, et le rameine à sa maison, emportant en sa bourse l’argent que Lene luy avoit baillé, et ensemble ce qu’il avoit receu du miserable Apoticaire. Mais, pour telle drogue puante, je voy que la compagnie est en cholere, pendant que mes Muses m’ont tenu le nez bouché. Pardonnez-moy si nous avons remply vos oreilles de choses si grandes. Il vaut mieux en ouyr parler que d’en taster. Je me recommande.

  1. Rabelais s’est inspiré de ce passage lorsque, au troisième livre de Pantagruel, chap. xxxv, il montre Panurge s’approchant du docteur Rondibilis et lui mettant en main, sans mot dire, quatre nobles à la rose. « Rondibilis les print très-bien, puys luy dit en effroy comme indigné : Hé, hé, hé, monsieu, il ne failloyt rien. » Nous n’avons pas besoin de rappeler que Molière prête un trait semblable à Sganarelle dans le Médecin malgré lui (scène viii).