Histoire maccaronique/7
ue la presence et grande authorité de nos peres se
repose icy presentement, lesquels pensent avoir seuls
mangé Minerve, et neantmoins sont plus fols que cent
mille poulains : je prie iceux ne vouloir desdaigner d’escouter
nostre Comine ; laquelle, jurant avoir eu un vieil
mary, et l’avoir de jaloux rendu tout capricieux, ayant Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/172 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/173 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/174 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/175 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/176 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/177 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/178 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/179 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/180 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/181 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/182 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/183 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/184 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/185 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/186 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/187 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/188 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/189 Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/190 n’avoir pas achepté de Zambelle ceste merde dont il se
plaint, pourquoy done Zambelle est-il prisonnier ? Penses-tu,
traistre, ainsi prandre au trebuchet un bon homme ?
Penses-tu ainsi vendre ton fenoüil à tes citoyens ? Mais
j’ay trop tenu couvertes tes meschancetez. Ne sçais-je pas
bien (et en ay des tesmoings assez) que tu as falsifié tes
poids et mesures, et que tes balances ne sont justes ? Ne
vends-tu pas, meschant, des crottes de chien, et de chevre,
au lieu de diaculon, et au lieu de pillule de tribus ?
Au lieu de bonnes drogues, tu n’en vends que de meschantes.
Je m’en vais au Palais, je te feray soudain
adjourner, et te prepare de respondre à plus de cent tesmoings,
qui meritent aussi bien que moy qu’on leur
adjouste foy. Corps D…, mais je ne veux pas blasphemer.
Enfin je feray saccager ta boutique, poltron, et maroufle
que tu es ! As-tu ainsi pensé à t’enrichir aux despens
d’un pauvre homme ? » Pendant que Cingar tenoit tels propos,
tout le monde s’assembloit autour d’eux, et puis
feint de s’en aller droit au Palais. Mais une peur chiarde
prend incontinent l’Apoticaire, et plus viste que sa scammonée
n’opere en un paysan, il ne sçait ce qu’il doit
faire, il se voit perdu s’il n’y donne ordre de bonne
heure. Il s’asseure bien n’avoir jamais eu de fausses balances ;
toutesfois, il est en grand esmoy, et le soucy luy
ouvre l’entendement. Il va après Cingar et l’appelle ainsi :
« Attends un peu, je te prie, ô compagnon ! » Mais Cingar
fait l’oreille de marchant. L’Apoticaire crie plus fort :
« Hola, frere, demeure, que je te die seulement, je te
prie, trois mots ! » Cingar se tourne et luy demande ce
qu’il veut. L’autre, faisant la chattemite, le prie, et supplie
et luy dit : Hé quoy ! mon compagnon, mon amy,
que pensez-vous gaigner, quand vous m’aurez fait perdre
mon bien et ma vie ? Ha ! pour l’amour de Dieu, et que
la Fortune vous sauve et garde, ne veuillez m’accuser de
telles choses, et principalement en ce temps, auquel vous
voyez tant de loups, ayans la gueule ouverte pour devorer un chacun miserablement. Je te donneray quelque
argent, et ne poursuivray plus le paysant touchant sa
merde couverte de miel ; au contraire, je te jure et promets
que je le feray sortir de prison. » Cingar luy respond :
« Certes, tu t’es eschappé d’un grand peril ; car, de
droit, tu eusses perdu toute ta boutique, et peut-estre que
le juge t’eust condamné à la mort. Je te remets toutesfois
ceste faute, moyennant que tu gardes ta promesse que
tu me viens de faire, et qu’à tes despens tu tires le
bon homme hors de prison. — J’en suis content, dit l’Apoticaire. »
Et là-dessus, ce pauvre lourdeau met la main à
la bourse, et la vuide de tout ce qu’estoit dedans, le baillant
à Cingar, qui le prend très-bien, en le refusant
quelque peu, après l’avoir en sa main, à la façon des
medecins[1] ; et s’en vont ensemble à la prison commune,
et non celle de la tour. Zambelle, advisant Cingar, soudain
accourt, et tout joyeux s’en vient aux grilles de la fenestre,
et l’appelle, le priant le vouloir aider. Cingar lui dit :
« Tais toy, tais toy, parle bas, fol, et te tiens joyeux.
Car, tout à ceste heure, moy seul, te feray sortir de là, et
je ne crains point de despendre mon argent pour toy, et
en ay desjà beaucoup deboursé. Cet homme qui est icy
venu avec moy, et qui t’a battu à tort, affermera et jurera
devant le monde avoir usé d’une menterie, quand il
a dit que des bouges de vache, qu’il avoit achetées pour
quelque peu de deniers, estoient de la fiante humaine. —
Mais, dit Zambelle, telle purgation intestinale nous apporte
bien de l’incommodité ; toutefois je voudrois estre
payé de celle qu’il m’a fait perdre. Dis-moy, Cingar, porteray-je encore cette grand’perte ? » Cingar lui respond :
« Repose-toy sur moy pour telle chose ; je te promets que
tu en auras quatre barils bien pleins. Adieu, je m’en
vais, tu sortiras maintenant. O, Apoticaire, allons à l’auditoire ! »
Ainsi s’en vont, et ayant eu audience, Cingar
prouve tout ce qu’il veut, jure, afferme et allegue cent
mille menteries, et fait tant qu’il fait sortir Zambelle, et
le rameine à sa maison, emportant en sa bourse l’argent
que Lene luy avoit baillé, et ensemble ce qu’il avoit receu
du miserable Apoticaire. Mais, pour telle drogue puante,
je voy que la compagnie est en cholere, pendant que mes
Muses m’ont tenu le nez bouché. Pardonnez-moy si nous
avons remply vos oreilles de choses si grandes. Il vaut
mieux en ouyr parler que d’en taster. Je me recommande.
- ↑ Rabelais s’est inspiré de ce passage lorsque, au troisième livre de Pantagruel, chap. xxxv, il montre Panurge s’approchant du docteur Rondibilis et lui mettant en main, sans mot dire, quatre nobles à la rose. « Rondibilis les print très-bien, puys luy dit en effroy comme indigné : Hé, hé, hé, monsieu, il ne failloyt rien. » Nous n’avons pas besoin de rappeler que Molière prête un trait semblable à Sganarelle dans le Médecin malgré lui (scène viii).